Rennes : Airbnb est-il responsable de la pénurie de logements étudiants ?
Galère Le système de location courte durée est régulièrement la cible de critiques l’accusant de dérégler le marché immobilier
- A Rennes, la quête d’un logement s’est révélée très compliquée en cette rentrée pour bon nombre d’étudiants.
- Certains accusent la plateforme Airbnb d’enlever des logements du parc privé, privant les étudiants de ces opportunités. Les chiffres semblent le confirmer.
- Des propriétaires confirment que la location courte durée leur offre un beau potentiel de revenu avec moins de contraintes.
Des centaines de commentaires avaient été laissés en réponse à notre article sur la galère du logement à Rennes. Tous ou presque témoignaient du même constat. Trouver une piaule ou un appart s’est révélé très, très compliqué mais alors TRÈS compliqué en cette rentrée dans la capitale bretonne et sa proche périphérie. Principales victimes de cette situation ? Les étudiants.
« J’ai vu des gens pleurer », reconnaissait un agent immobilier expérimenté. Comme dans toute situation de crise, il a fallu trouver un coupable. Des haters ont accusé la maire, d’autres ont jeté leur dévolu sur les vilains Parisiens quand certains ont reposé l’entière responsabilité sur la plateforme Airbnb. Vraiment ? 20 Minutes est allé vérifier si la plateforme était coupable.
Le phénomène prend de l’ampleur
Pour connaître l’ampleur du phénomène, rappelons d’abord qu’environ 1.300 logements sont proposés à la location courte durée dans la métropole, quasiment tous via Airbnb. Un chiffre très éloigné des 220.000 logements que compte le territoire mais qui ne cesse de progresser. Fin 2021, des confrères avaient réalisé le même exercice. Moins de 1.000 logements étaient proposés selon le site AirDNA. Sans doute sous-dotée, Rennes a « rattrapé son retard » en accentuant son offre. La question est de savoir au détriment de qui. « Je préfère mettre mes appartements en AirBnb, c’est beaucoup plus rentable et c’est beaucoup moins de problèmes ! », assure Nicolas. Comme lui, bon nombre de propriétaires ont fait ce choix. Ils insistent sur la « protection » que leur offre la location courte durée. Tous évoquent la difficulté de se séparer d’un locataire qui ne paierait pas ou dégraderait leur bien.
Des taxes en nette augmentation
L’autre indicateur permettant de mesurer l’évolution du phénomène est de regarder l’évolution de la taxe de séjour perçue par la plateforme qu’elle reverse à la métropole et au département. En 2017, le montant était de 33.000 euros. En 2020, il était déjà passé à 244.000 euros avant d’atteindre le chiffre record de 323.000 euros en 2021. Cette année-là, le montant total de la taxe de séjour était de 1,8 million d’euros quand on y ajoute les hôtels, les gîtes et le camping.
Au fil des années Airbnb prend de l’épaisseur à Rennes. La tendance se confirme en 2022, puisque 204.000 euros de taxe de séjour ont déjà été perçus sur le seul premier semestre soit un potentiel à plus de 400.000 euros sur l’année. « La tension de cette rentrée n’est pas tant due à Airbnb car la hausse de l’offre est modérée et nous la surveillons de près. Ce qui crée cette tension, c’est surtout la hausse du nombre d’étudiants. Ils ont augmenté de 25 % en dix ans ! », rappelle Honoré Puil. Le vice-président de Rennes Métropole délégué au Logement espère que « 2.400 à 3.000 logements » dédiés aux étudiants seront livrés d’ici 2026, notamment pour le Crous.
La loi Climat va-t-elle encore accentuer la migration ?
En interdisant la location de logements classés en G en 2025 et F en 2028, la nouvelle loi Climat devait mettre la pression sur les propriétaires afin qu’ils mènent des travaux dans les passoires. La nouvelle législation pourrait avoir un effet différent et pousser les propriétaires vers la location de courte durée, qui n’est pas soumise à la même obligation, même si le gouvernement veut s’en occuper. « C’est une crainte que nous avons, reconnaît Honoré Puil. Il y a souvent de la bonne volonté de la part des propriétaires mais ils n’ont pas toujours les moyens de mener ces travaux coûteux. Nous allons leur faire des propositions. Le pire serait que ces logements restent vacants ». Dans la métropole, 12 % des logements sont classés en F ou G, soit 28.000 appartements et maisons. Et devinez qui occupent ces passoires en général ?
Et si Airbnb accentuait encore la pénurie ?
La mise en application de cette loi Climat a déjà institué un gel des loyers des logements dont le DPE est mauvais. La tentation est grande pour les propriétaires de basculer dans la location courte durée. En octobre, le prix moyen d’une nuitée en Airbnb a atteint le pic de 97 euros à Rennes, contre 74 euros pour la moyenne annuelle.
Selon le site AirDNA, ce type de location rapporterait plus de 1.000 euros par mois à ceux qui la possèdent. « Si le phénomène venait à s’amplifier, nous pourrions mettre en place une nouvelle réglementation avec un numéro d’enregistrement », assure l’élu de la majorité de gauche. Bien d’autres villes plus touristiques sont déjà passées par là, comme la voisine de Saint-Malo qui a ratifié l’un des règlements les plus stricts en la matière. Rappelons que la location courte durée ne peut dépasser 120 jours par an.