Harcèlement scolaire : « Tous les jours, on se moquait de moi »… Pap Ndiaye et Brigitte Macron à l’écoute des élèves

reportage Le ministre de l’Education et la Première dame ont débattu du sujet ce mercredi avec des élèves. L’occasion de mettre en lumière les actions de prévention du gouvernement

Delphine Bancaud
Le débat entre Pap Ndiaye, Brigitte Macron et des collégiens, a été diffusé sur les réseaux sociaux pour sensibiliser les élèves au fléau du harcèlement scolaire.
Le débat entre Pap Ndiaye, Brigitte Macron et des collégiens, a été diffusé sur les réseaux sociaux pour sensibiliser les élèves au fléau du harcèlement scolaire. — Philippe Devernay
  • A la veille de la journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école, qui aura lieu jeudi, Pap Ndiaye et Brigitte Macron ont débattu du sujet avec des collégiens.
  • L’occasion pour ces derniers de se confier, car tous et toutes ont été victimes de violences scolaires. Et d’expliquer leurs missions d’ambassadeur du programme pHARe de lutte contre le harcèlement. Ce dispositif est généralisé à partir de cette rentrée 2022.
  • Ces échanges, pleins d’émotions, ont aussi permis aux élèves de suggérer des idées au ministre de l’Education pour lutter plus efficacement contre ce fléau.

Vêtus de leurs habits du dimanche, ils font les cent pas. A la veille de la journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école, qui aura lieu jeudi, Mathilde, Noa, Lydia, Jules, Henri, Sixtine et une poignée d’autres collégiens ont été invités au ministère de l’Education pour débattre du sujet avec le ministre, Pap Ndiaye, et Brigitte Macron. Certains révisent à voix basse ce qu’ils comptent dire à leurs hôtes de marque. D’autres préfèrent discuter pour faire baisser la pression.

« Vous êtes un peu stressés ?, interroge Pap Ndiaye, très chaleureux. Vous allez pouvoir nous faire des propositions pour mieux lutter contre le harcèlement », lance-t-il. Car les élèves assis en face de lui en connaissent long sur la question : tous et toutes ont été harcelés à un moment de leur scolarité et sont devenus des ambassadeurs du programme pHARe, dédié à la prévention du harcèlement. Ce dispositif consiste à disposer d’une équipe de référents formés sur le sujet dans chaque établissement, avec dix élèves ambassadeurs dont le rôle est d’identifier les situations problématiques. Car c’est toujours plus facile pour une victime de parler de ce qu’elle subit avec un élève de son âge.

Les adultes prennent ensuite le relais pour s’entretenir avec la victime, puis avec le ou les agresseurs, afin de trouver une solution ou de les inciter à appeler les numéros d’urgence *. Une formule qui a fait ses preuves lors de ses expérimentations et qui est généralisée cette année à toutes les écoles élémentaires et collèges publics.

« J’ai été harcelée pendant deux ans »

La Première dame, qui a fait de la lutte contre le harcèlement scolaire un de ses chevaux de bataille depuis cinq ans, compte encore mouiller sa chemise lors de ce nouveau quinquennat : « C’est un combat que je mène avec vous. On ne constate pas plus d’actes, mais plus de signalements. Et vous qui êtes ambassadeurs, quels sont les signes qui vous alertent ? », interroge-t-elle. « Le fait qu’un élève soit toujours seul dans son coin », réplique un collégien. Avant que Lydia se laisse aller à des confidences : « J’ai été harcelée pendant deux ans. Tous les jours, on se moquait de moi, on me poussait dans les couloirs et on m’espionnait dans les toilettes. J’ai décidé de devenir ambassadrice pour que d’autres élèves ne subissent pas la même chose. »

Une démarche dans laquelle s’inscrit son voisin : « Il n’y a pas de petit harcèlement. Moi, on me répétait que j’étais l’intello de service. Maintenant, j’ai envie d’aider les élèves de 6e, car ce sont ceux qui sont souvent attaqués. » Brigitte Macron fait le même constat : « On a vu ce qui s’est passé l’an dernier avec les élèves de 6e pris pour cible par des collégiens plus âgés avec le hashtag #Anti2010. »

« Mon harceleur n’a jamais été réprimandé »

Certains profitent du débat pour interpeller le ministre et lui demander plus de moyens : « Il faudrait qu’il y ait plus d’infirmières scolaires », estime Jules. Car ces dernières peuvent détecter des signes de détresse chez un enfant et mettre à jour des agressions qu’il aurait subies. « Je voudrais dénoncer le laxisme de certains chefs d’établissement face au harcèlement, déclare Henri. J’ai passé une année d’enfer en CM1, avec des insultes et des menaces quotidiennes. Le directeur de l’école n’était pas avec moi et mon harceleur n’a jamais été réprimandé. J’ai été obligé de changer d’établissement. J’aimerais que les victimes soient mieux écoutées et que les agresseurs soient sanctionnés », exprime-t-il avec émotion.



Loin de botter en touche, Pap Ndiaye ne nie pas l’inégalité du traitement des cas : « Il faut aussi mobiliser les équipes éducatives à ce sujet via le programme pHARe. L’objectif est bien d’arrêter les non-réponses. »

« Je suis sidérée par votre maturité »

Même si tous les participants ont été malmenés par certains camarades, ils sont loin de tenir un discours belliqueux à leur égard. A l’instar de Mathilde, 14 ans : « Les harceleurs, ils n’ont pas conscience de ce qu’ils font et à quel point ça touche. » Des propos étonnants quand on sait que l’adolescente a subi moqueries, critiques et insultes pendant un an, de la part de toute sa classe. Et elle n’est pas la seule à faire preuve d’une forme de bienveillance : « Les harceleurs aussi doivent être accompagnés, il faut les écouter », abonde Henri. Une attitude qui force le respect, notamment de Brigitte Macron : « Je suis sidérée par votre maturité. C’est grâce à vos actions qu’on fait avancer les choses. Merci pour ce que vos dites, ce que vous êtes et ce que vous faites », déclare-t-elle.

C’est déjà la fin du débat. Les élèves semblent soulagés. Tous se précipitent pour prendre des selfies avec Brigitte Macron. Dans un coin de la pièce, une des collégiennes est en larmes. Remuer le passé a été douloureux. Jules, lui, a l’air satisfait : « J’étais très stressé. Mais ça s’est bien passé. J’espère que les élèves de mon collège ont suivi la conférence sur les réseaux sociaux et n’hésiteront pas à faire appel à moi s’ils sont harcelés un jour ». « Nos interventions donneront aussi peut-être l’idée à des élèves de devenir ambassadeurs à leur tour », ajoute Sixtine. Tous se sont sentis utiles. Une forme de résilience pour eux.

* Le 3020 permet de signaler une situation de harcèlement et le 3018 une situation de cyberharcèlement.