Nantes : Réduire le nombre d’étudiants, la proposition choc des profs « épuisés » de la fac de droit
UNIVERSITE Depuis plusieurs mois, enseignants et agents administratifs dénoncent un sous-encadrement. Jusqu’à formuler cette proposition inédite
- Une majorité des enseignants et agents de la fac de droit de Nantes appellent à la réduction de 25 % des capacités d’accueil dès l’année prochaine.
- Depuis plusieurs mois, le malaise est grandissant chez ces personnels qui dénoncent un taux d’encadrement particulièrement faible et une charge de travail qui s’accumule.
C’est une proposition choc, « la seule pour pouvoir s’en sortir », disent-ils. Réunis en assemblée générale, les personnels de la faculté de droit de Nantes, dont le doyen, ont décidé, à la majorité, d’appeler à la réduction de 25 % des capacités d’accueil des élèves dès l’année prochaine, en Licence 1 et Master 1. Cette surprenante préconisation, qui doit être discutée jeudi en conseil de gestion, a été présentée à une centaine d’étudiants lors d’une réunion d’information ce mardi. « Peut-être que vous ne vous en rendez pas compte, mais on n’en peut plus, nous sommes épuisés, lâche au micro Paul-Anthelme Adèle, maître de conférences en droit social. Les tâches administratives nous prennent de plus en plus de temps au détriment de l’enseignement et la recherche, la charge de travail s’accumule… C’est à contrecœur que nous formulons cette idée, mais c’est soit ça, soit nous continuons à voir les collègues tomber. »
Depuis plusieurs années, le malaise serait grandissant chez ces personnels. Troubles anxieux, isolement, arrêts maladie… Il y a un an, une alerte pour danger grave et imminent sur la santé mentale a été formulée auprès du CHSCT. La cause, selon ces enseignants, à un taux d’encadrement particulièrement faible à la fac de droit de Nantes : 3 personnels pour 100 étudiants, alors que la moyenne nationale, toutes filières confondues (les UFR de sciences et techniques sont traditionnellement mieux dotées), est d’environ 8 dans les universités françaises. « Les groupes sont passés de 25 à 35 étudiants, témoigne un chargé de TD. On ne corrige plus des copies, on fait de l’abattage ! » « Je travaille jusqu’à minuit, les samedis et les dimanches, déplore à la tribune Virginie Gautron, maître de conférences en droit public. Même quand j’étais en arrêt maladie, j’ai dû m’occuper des corrections pour soulager les collègues. »
La présidence reconnaît une « situation préoccupante »
Las de demander, en vain, des moyens supplémentaires, ces personnels ont donc pris le problème dans l’autre sens. « Si l’on veut tout simplement pouvoir travailler normalement, il faut réduire le nombre d’étudiants » , résume Frédéric Allaire, professeur en droit public. Une mesure « de sauvegarde » pourtant contraire à « la conception du service public » de ces enseignants, qui ne convainc pas tous les étudiants venus se renseigner ce mardi. « Ce que vous décrivez me consterne mais cette décision aura pour conséquence d’augmenter encore davantage la sélection », pense un étudiant de Master 2. D’autres, qui prennent conscience que l’épuisement de leurs profs peut avoir des impacts sur la qualité de l’enseignement, évoquent « pétition », « grève », ou « courriers aux politiques » pour tenter de sensibiliser le ministère et éviter cette décision drastique.
Du côté de la présidence, on reconnaît que « la situation est préoccupante et prise très au sérieux ». Mais pour Arnaud Guével, vice président formation à Nantes Université, cette réduction de la capacité d’accueil pour 2023 est une hypothèse plausible dans des « proportions raisonnables ». « Nos marges de manœuvre sont très limitées car c’est la rectrice qui prendra la décision finale, indique-t-il. Néanmoins, la présidente de l’université s’est engagée à des renforts sur plusieurs années. Si une réduction de l’accueil était décidée, nous ferons donc tout pour que cette décision ne soit pas figée et que l’on puisse petit à petit revenir à la normale. » En cette rentrée, la première année de licence de droit proposait 600 places. Une vingtaine d’entre elles n’ont pas été pourvues, selon la présidence.