Rennes : « On garde le manteau »… Chauffer l’université Rennes-1, mission impossible ?
PASSOIRE Alors que le prix de l’énergie explose, les universités doivent s’adapter. Sur le vieillissant campus Beaulieu
- Conçu dans les années 1960, l’immense campus Beaulieu souffre aujourd’hui de ses piètres performances thermiques.
- A Rennes-1, la facture annuelle tournait autour des cinq millions d’euros. En 2022, ce chiffre va grimper à près de 7 millions. En 2023, « la fourchette optimiste est de 13 millions. La plus pessimiste dépasse les 18 millions »,
- Pour la rénovation des dix premiers bâtiments, Rennes-1 va débourser 24 millions d’euros.
« On va ouvrir une boutique avec des locations de bouillottes devant la fac. Ça va cartonner ! ». Alors que les matins se font de plus en plus frais, les étudiants de l’université Rennes-1 gardent leur sourire. Lorsqu’ils sont en cours, il est fréquent qu’ils gardent aussi leur manteau. Conçu dans les années 1960, l’immense campus Beaulieu souffre aujourd’hui de ses piètres performances thermiques. Un héritage lourd qui devient même un véritable fardeau alors que le prix de l’énergie est en train de flamber. A Rennes-1, la facture annuelle tournait autour des cinq millions d’euros. Mais ça, c’était avant. Car en 2022, ce chiffre va grimper à près de 7 millions. Et en 2023 ? « La fourchette optimiste est de 13 millions. La plus pessimiste dépasse les 18 millions », concède Béatrice Bouchet. La vice-présidente de l’université connaît ces chiffres par cœur tant ils hantent sa gestion de crise.
Sur les pelouses du campus, c’est plutôt la date d’allumage du chauffage qui inquiète les étudiants. Ici, on compte 12.000 étudiants. Et au moins autant à Villejean. Alors que les températures étaient encore douces, bon nombre d’entre eux nous ont partagé leur quotidien. « Le matin, il fait vraiment froid. Dans les salles de TD au sous-sol, on le sent vraiment. On garde nos manteaux les premières heures », témoignent Emma, Noyah, Lise et Maëlle, inscrites en troisième année de biologie. Plus loin, d’autres nous racontent la même chose. « Des fois, tu n’arrives pas à écrire tellement tu as les doigts froids. Mais quand il faisait trop chaud, on crevait de chaud en amphi, c’était l’horreur », glisse un groupe d’élèves suivant un cursus de biologie des organismes. Tous s’accordent sur ce constat : leur campus est agréable mais vieillot. « Une bonne rénovation, ça ne ferait pas de mal », glissent des étudiants en Gestion des entreprises et administrations.
Ce coup de jeune a bien été programmé et ce, bien avant la flambée du prix de l’énergie. Cette inflation record va cependant l’accélérer. « Le plan de rénovation avait été élaboré en 2020 pour définir comment on va retaper ce patrimoine énorme. On a l’ambition de le faire en quinze ans sans attendre d’avoir des subventions », explique la vice-présidente. Et il y a du boulot car la seule université Rennes-1 compte 160 bâtiments pour 320.000 m² de plancher et 147 hectares de terrains. « Dans certaines salles, on a du mal à atteindre 19 degrés. On n’avait pas bénéficié du plan campus dans les années 2000 donc on a un énorme travail à mener. Environ 80 % de nos bâtiments sont à rénover ». Le coût de cet immense chantier est déjà connu : 450 millions d’euros, soit plus de deux fois son budget annuel. Colossal.
La présidence veut montrer l’exemple
Pour boucler l’enveloppe, la fac de sciences va actionner tous les leviers. Elle bénéficiera de subventions de la part de l’État, de la métropole, de la région pour environ un tiers du montant. Pour le reste, elle espère valoriser son patrimoine, soit en louant ses bâtiments, soit en vendant des parcelles ou des biens. Mais aussi en se serrant un peu et en contractant la surface occupée de 20 %. La présidence a montré l’exemple en quittant ses beaux murs du Thabor pour atterrir à Beaulieu et en partageant les bureaux. « Le chef de service tout seul dans son grand bureau, c’est terminé. Tout le monde doit contribuer », rappelle Béatrice Bouchet.
La vice-présidente de Rennes-1 a pourtant trouvé un motif de satisfaction à cet immense plan de rénovation. Car sa passoire lui offre un avantage considérable : elle a été presque entièrement conçue à une même période. « L’architecture de Louis Arretche n’est pas parfaite mais elle est bien pensée. Tous les bâtiments sont sortis en un temps record car c’était industrialisé. Tous les modules sont faits pareil, au millimètre près. Notre solution de rénovation, on va pouvoir la dupliquer partout et réaliser d’importantes économies », assure la vice-présidente. Pour la rénovation des dix premiers bâtiments, Rennes-1 va débourser 24 millions d’euros, au lieu de 26 millions. L’économie de l’équivalent de deux mois de chauffage version 2023.
Pas de fermeture de l'université mais...
Contrairement à l'université de Strasbourg, qui fermera provisoirement ses portes pour limiter sa facture énergétique, Rennes-1 envisage des mesures d'économies plus ciblées. Certains locaux seront ainsi fermés pendant les vacances. « On ne peut pas tout éteindre. Quand on a des congélateurs à -80 degrés pour nos chercheurs, on ne peut pas juste les débrancher », prévient l'université.