« J’ai un peu peur de mettre la tête sous l’eau »… Des cours pour apprendre à nager aux enfants du Secours populaire
reportage « 20 Minutes » a assisté à un stage pour apprendre à nager proposé aux enfants dont les familles sont accompagnées par le Secours populaire
- En France, un enfant sur deux ne sait pas nager à son entrée en 6e.
- 20 Minutes a assisté à une séance d’apprentissage de la natation, baptisée « Comme un poisson dans l’eau », organisée par le Secours populaire pour 1.000 enfants pendant les vacances de la Toussaint.
- Des exercices aquatiques et des jeux qui les aident à prendre confiance en eux dans l’eau, et à décrocher à terme le Pass nautique ou le certificat Savoir nager en sécurité.
Abdoul n’en mène pas large. Ce mardi, il va devoir se jeter à l’eau, au sens propre comme au figuré, à la piscine Suzanne Berlioux de Paris. Un défi de taille pour ce petit garçon de 7 ans qui n’est pas un grand habitué des bassins. Comme lui, une quinzaine d’enfants, venus des banlieues nord de Paris, enfilent leur maillot. Ils se préparent à leur deuxième cours de natation, organisé par le Secours populaire pour les enfants des familles qu’il accompagne dans plus de 80 centres aquatiques Récréa de France.
« C’est la 9e édition de notre opération "Comme un poisson dans l’eau", qui a déjà bénéficié à 4.000 enfants et est proposée à 1.000 de plus cette année. Car quand on n’a pas les moyens de boucler les fins de mois*, on rogne sur les activités sportives », explique Thierry Robert, secrétaire national du Secours populaire français.
L’initiative est née d’un constat accablant : selon la Fédération française de natation, un enfant sur deux ne sait pas nager à son entrée en 6e. Et la situation s’est encore aggravée ces dernières années, selon David Sueur, responsable du pôle aquatique chez Récréa : « Même si les cours de natation sont obligatoires dans le cadre scolaire, beaucoup d’enfants n’y ont pas eu accès pendant la crise sanitaire. Et d’autres n’ont pas accès à un bassin près de chez eux. »
« Les enfants apprennent à leur rythme »
Lunettes de natation vissées sur la tête, les apprentis nageurs de 6 à 12 ans font leur entrée dans le bassin. Certains se jettent dans l’eau sans la moindre hésitation. Pour Abdoul et Adama, l’opération est plus délicate. « Il fait froid », susurre la petite fille. Et une fois dans l’eau, on ne les sent pas plus à l’aise. Ils longent le bord du bassin en s’agrippant au muret pour s’habituer à l’eau. Abdoul, lèvres tremblantes, a l’air d’hésiter : « J’ai un peu peur de mettre la tête sous l’eau », avoue-t-il. Il passe de longues minutes à regarder la barre sous laquelle il doit passer, puis se lance, une fois mais pas deux.
« Les enfants apprennent à leur rythme. Hier, certains ne voulaient même pas mettre les épaules dans l’eau. Le plus important est qu’ils prennent plaisir à être dedans », commente Rodolphe, le maître-nageur. Des bénévoles du Secours populaire qui connaissent bien les enfants accompagnés par l’association se sont aussi mis à l’eau pour les rassurer.
« Vous allez passer la tête sous la perche »
Un autre maître-nageur, Benjamin, s’occupe du groupe des enfants les plus à l’aise. « Vous allez passer la tête sous la perche, nager et tenter d’attraper le cerceau au fond de la piscine », demande-t-il à ses élèves du jour. Mariam, 10 ans, se lance : « Je savais déjà nager, mais je ne mettais pas souvent la tête sous l’eau. Et depuis hier, je le fais plus ». Inssaf, 11 ans, s’exécute sans problème : « J’ai appris à nager en CE2, mais je ne vais pas souvent à la piscine », raconte-t-elle. « Or, ceux qui ne pratiquent pas souvent la natation ont tendance à surestimer leurs compétences et ne savent pas forcément nager longtemps et faire les bons mouvements », commente Rodolphe. Ce qui se constate dans le bassin, où plusieurs élèves font des battements désordonnés ou n’arrivent pas à tenir une longueur. « Le fait d’avoir cinq séances dans la semaine est plus efficace que de les dispatcher au cours du mois. Les progrès sont plus rapides », estime David Sueur.
Après une heure d’exercices, l’attention des enfants est un peu moins vive. Les maîtres-nageurs leur proposent donc une séance ludique. Les frites sont de sortie, tout comme le toboggan aquatique. Les rires fusent et chacun choisit son jeu préféré pour se défouler. Benjamin a prévu un autre moyen de les détendre. « Venez, on va faire l’étoile de mer ». Les enfants se laissent flotter. Avant de faire la fusée dans l’eau.
« Ils auront davantage confiance en eux »
A la fin de la session, Rodolphe se frotte les mains : « Les moins téméraires se sont un peu plus éloignés du bord, et j’ai trouvé qu’ils s’amusaient plus qu’hier ». Les enfants ont encore trois séances d’ici à la fin de la semaine pour acquérir les bases de la nage, afin de devenir autonomes dans un bassin de 25 mètres. « Cela leur permettra d’obtenir à terme le Pass nautique ou le certificat Savoir nager en sécurité », explique David Sueur. « Le fait même d’avoir cette activité pendant leurs vacances va marquer leur début d’année scolaire. Car ils vont se sentir plus à l’aise, auront davantage confiance en eux », estime Thierry Robert.
Et pour que chacun puisse mettre à profit les acquis du stage, des entrées gratuites à la piscine vont leur être remises. « Demain, on va faire des parcours ? », interroge Abdoul. Sa peur s’est visiblement envolée. Et il n’a qu’une hâte, celle de recommencer.
* Selon une étude de l’Injep de 2021, seulement 61 % des enfants d’ouvriers non qualifiés sont de bons nageurs, contre 86 % des enfants de cadres, et les premiers sont aussi six fois plus nombreux que les seconds à ne pas savoir nager.