Crise énergétique : Faut-il avoir peur de voir les villes plongées dans le noir ?
SOBRIETE Face à l’explosion du prix de l’électricité, des communes éteignent la nuit leur éclairage public. Selon une étude menée auprès de communes de la Haute-Garonne, plus de 98 % de celles qui l’ont fait n’ont constaté aucun impact sur la sécurité
- Avec l’explosion des coûts de l’électricité, plusieurs communes ont décidé d’éteindre leur éclairage public une partie de la nuit et sur certains secteurs précis, comme à Toulouse à compter du 31 octobre.
- Parfois, les élus hésitent à prendre cette mesure, évoquant des questions d’insécurité et le rôle joué par les lampadaires.
- En Haute-Garonne, une étude du syndicat départemental d’énergie montre que 98 % des communes qui ont éteint n’ont pas enregistré d’impact sur la sécurité publique.
A Toulouse, à compter du 31 octobre, une partie de la ville sera plongée dans le noir entre minuit et 5 heures du matin. Une extinction de l’éclairage public qui s’inscrit dans un contexte de sobriété énergétique, alors que les factures d’électricité s’envolent partout en France. Si une majorité des quartiers de la Ville rose sera concernée, l’hypercentre et les artères très fréquentées resteront allumés pour des questions de sécurité. Tout comme les espaces où sont positionnées les caméras de vidéosurveillance. « Nous n’avions pas envie que cette extinction augmente les problèmes d’insécurité, nous avons étudié les sites afin d’avoir la garantie que les caméras puissent continuer à fonctionner normalement », a indiqué en fin de semaine dernière le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc (LR).
Une décision d’éteindre qui n’avait été, dans un premier temps, pas retenue pour ces mêmes questions de sécurité, préférant jouer sur la carte des économies d’énergie à travers le déploiement de l’éclairage LED. Mais, depuis, face aux questions récurrentes des collectivités autour de cette question, l’Association des maires de France a préconisé cette mesure. Et les communes sont nombreuses à passer le cap. Ou l’ont déjà fait.
Comme Colomiers, à l’ouest de Toulouse, qui, depuis 2015, a éteint progressivement 50 % de son parc d’éclairage public de 1 heure à 5h30 du matin. Ce qui lui a permis d’économiser chaque année 115.000 euros. D’ici le 1er novembre, la deuxième ville du département de la Haute-Garonne a décidé d’élargir le périmètre et les horaires d’extinction, de minuit à 6 heures du matin. « Si nous n’avions pas fait d’extinction, nous aurions reçu une facture de 940.000 euros pour 2022. En 2023, la facture sans extinction serait passée à 1,4 million d’euros », indique la maire Karine Traval-Michelet qui paiera cette année 650.000 euros.
Dans 98 % des cas pas d’impact sur la sécurité
Le syndicat départemental d’énergie de la Haute-Garonne, qui réunit toutes les communes de la Haute-Garonne, hormis Toulouse, a décidé de son côté de sonder les 588 collectivités adhérentes pour connaître l’impact de l’extinction de l’éclairage public au cœur de la nuit. Sur les 165 qui ont répondu, 49 communes avaient déjà décidé d’arrêter leurs candélabres la nuit, bien avant la crise énergétique, pour lutter contre la pollution lumineuse et préserver la biodiversité ou pour réaliser des économies d’énergie.
Dans 98 % des cas, « elles n’ont constaté aucun problème de sécurité publique depuis », indique le bilan. Et de préciser que pour certaines d’entre elles, « les services de gendarmerie ont confirmé qu’il n’y avait aucune incidence sur les statistiques liées à la sécurité ». Et lorsqu’il y a des problèmes de sécurité, il s’agit plus de questions routières que de délinquance.
« On est aujourd’hui rattrapé par le sujet économique, mais nous avions commencé à capitaliser les retours d’expériences des communes qui avaient déjà fait de l’extinction d’éclairage. De là est née cette idée d’enquête auprès des communes. Dans ce retour d’enquête, les gens disent qu’ils sont plutôt satisfaits. Là où l’extinction a lieu, il y a très, très peu de recrudescences de problèmes d’insécurité », relève Thierry Suaud qui préside ce syndicat d’électricité.
Concertation de la population
Ce dernier, qui est aussi maire de Portet-sur-Garonne, préconise avant tout que cette extinction se fasse « dans la concertation ». Comme sur la commune de Léguevin qui a consulté cet été sa population. A 90,6 %, celle-ci s’est dite favorable, et, depuis ce lundi, l’extinction lumineuse partielle de l’éclairage public a débuté.
« Un lotissement n’est pas équivalent à un autre lotissement. Dans certains cas la population y est vieillissante, il y a un sentiment d’insécurité qui est relaté. La concertation permet de faire baisser les craintes, il faut expliquer parce qu’après on pourrait nous dire "on a peur, rallumez". Certains nous disent aussi "ma commune est traversée par une route départementale, si j’éteins mais que c’est allumé avant et après, cela fait un trou noir". Si on insécurise les gens on prend aussi un risque », poursuit cet élu qui a déployé un programme d’aide au déploiement des équipements LED. Plutôt que de changer l’ensemble du matériel, seules les lampes énergivores sont enlevées au profit de LED.
En Haute-Garonne, sur 250.000 points lumineux recensés, 30 % sont déjà équipés. « En moyenne, on est à 37 % d’économies après amortissement des équipements. C’est de la vraie bonne économie. L’explosion des prix de l’énergie nous donne raison », se félicite Thierry Suaud.