Nouvelle-Aquitaine : La région envisage une mise en concurrence de la SNCF pour ses TER en 2027

TRANSPORTS La région Nouvelle-Aquitaine souhaite qu’un des quatre lots de son réseau TER soit ouvert à la concurrence dès 2027, ce qui provoque la colère des syndicats

Mickaël Bosredon
Trains TER en gare de Bordeaux
Trains TER en gare de Bordeaux — Mickaël Bosredon
  • La région Nouvelle-Aquitaine veut anticiper l’obligation, avant 2033, de l’ouverture à la concurrence du réseau TER, et envisage un démarrage sur un premier lot dès 2027.
  • Les syndicats sont vent debout, et réclament à l’exécutif socialiste de signer avant fin 2023 un contrat de dix ans avec la SNCF, comme la loi l’y autorise.
  • Le conseil régional n’est toutefois pas particulièrement précurseur dans ce domaine, puisque cinq autres régions ont déjà lancé des appels d’offres pour concurrencer la SNCF sur une partie de leur réseau.

Demain, des trains aux couleurs de la Deutsche Bahn, de FlixTrain, de la RATP ou de Transdev, sur les lignes régionales de Nouvelle-Aquitaine ? La majorité socialiste de la région s’apprête en tout cas à accélérer le processus de mise en concurrence de la SNCF pour le réseau TER, et envisage une ouverture à d’autres compagnies dès 2027.

C’est une des thématiques majeures des discussions entre les élus, réunis en assemblée plénière depuis lundi dans l’hémicycle du conseil régional à Bordeaux, même si le sujet a été intégré au chapitre des orientations budgétaires, et ne fait pas pour l’instant l’objet d’un vote. Les syndicats se sont mobilisés, eux, dès lundi pour dénoncer le projet, et prévoient déjà d’autres manifestations. 20 Minutes fait le point sur ce projet d’ouverture à la concurrence.

Quel est le calendrier ?

À partir de décembre 2023, les régions, qui sont les autorités organisatrices des transports pour les TER, auront l’obligation de lancer des appels d’offres à la fin de leur contrat d’exploitation signé avec la SNCF, dans un délai maximum de dix ans. Signée en 2019, la convention entre la SNCF et la région Nouvelle-Aquitaine arrive à échéance au 31 décembre 2023. « Nous avons encore jusqu’à cette date pour signer une nouvelle convention avec la SNCF, ce que nous allons faire vraisemblablement au mois de juin, et pour une durée de six à huit ans, insiste le vice-président du conseil régional en charge des transports, Renaud Lagrave. Mais, considérant la loi, nous préférons anticiper et nous préparer à cette ouverture à la concurrence dès maintenant, sachant que ce sera une obligation à l’issue de la convention. » Evaluant à « au minimum 38 mois pour que la concurrence se mette en place », l’élu estime qu’en « démarrant le processus en 2023, rien ne se passera avant 2026-2027 ».

Si la région assure donc prendre le temps de la réflexion avant la mise en œuvre, c’est au contraire « un coup de massue » pour les syndicats, qui relèvent que l’exécutif régional pouvait attendre jusqu’en 2033 avant de s’ouvrir à la concurrence. « Le conseil régional aurait pu resigner en 2023 une convention de dix ans avec la SNCF, comme l’Occitanie l’a fait, pointe Rémi Vinet, cheminot représentant de la CGT. On prend cela pour une véritable déclaration de guerre, et nous allons nous mobiliser contre ce projet. »

Quelles seront les lignes concernées ?

Toutes. « Nous avons divisé la région en quatre lots, le sud-Aquitaine, l’étoile de Bordeaux, Périgord-Limousin et Poitou-Charentes, que nous souhaitons mettre en concurrence sous ce mandat, même si nous ne les ouvrirons pas toutes d’un coup », explique Renaud Lagrave. Le premier lot à être ouvert à la concurrence n’est pas encore connu, assure la région, ni le rythme auquel les autres lots suivront. « Et il n’y aura qu’un opérateur par lot » précise le vice-président. Côté syndicats, « on ne s’attendait pas à ce que la région ouvre les quatre lots » déplore Rémi Vinet.

Pourquoi la région accélère-t-elle sur l’ouverture à la concurrence ?

La région Nouvelle-Aquitaine veut mettre la pression sur la SNCF. « Nous souhaitons avoir un certain niveau d’exigence avec les potentiels futurs entrants, qu’il s’agisse de la SNCF, ses filiales, ou d’autres opérateurs, prévient le vice-président du conseil régional. Nous réclamons une présence en gare et des contrôleurs à bord des trains, ce que la SNCF tend à vouloir diminuer, un taux de régularité des trains à un minimum de 95 %, alors qu’il n’est que de 91-92 % aujourd'hui, un taux de disponibilité du matériel très élevé, et surtout une transparence des coûts, ce que nous n’avons pas obtenu de la SNCF. » Renaud Lagrave indique par ailleurs que la fréquentation des TER a bondi cette année « de 15 % par rapport à 2019. » « C’est inédit, et cela crée des conditions de voyages très difficiles sur certaines lignes, notamment sur l’étoile de Bordeaux, le sud-Aquitaine, ou vers La Rochelle. » Une montée en régime soudaine, qui doit amener de nouvelles réponses pour y faire face ? « Nous souhaitons davantage d’offres, et davantage de voyageurs dans les trains », martèle Renaud Lagrave.

Pourquoi les syndicats sont-ils vent debout ?

Pour la CGT, confier les rênes des transports régionaux à un autre opérateur que la SNCF, conduirait inévitablement à « une dégradation des conditions de travail des cheminots qui seraient transférés vers ces entreprises privées, ou les filiales de la SNCF. » « On s’attend aussi à une dégradation du service public, poursuit le syndicaliste. On est inquiet pour le prix des billets, l’organisation dans les gares en cas de correspondance, voire la fermeture de certaines gares qui ne seraient plus assez rentables… C’est comme dans le secteur énergétique, où des clients voient aujourd’hui leur facture multipliée par trois. »

Renaud Lagrave assure de son côté que « ce sera toujours la région qui fixera les tarifs, et notre politique depuis 2019 est d’appliquer une hausse linéaire et modérée, de l’ordre de 1 à 2 % par an. » « On ne prévoit pas avec l’ouverture à la concurrence d’appliquer une hausse plus importante que cela, au contraire nous espérons même faire des économies. » L’élu assure par ailleurs que « nous restons ouverts aux propositions qui pourraient être faites, de la part des organisations syndicales comme des groupes politiques. » Chez les élus, c’est au sein même de la majorité que les points de vue divergent le plus, puisque le groupe communiste dénonce « un projet anachronique ». Dans l’opposition, le groupe écologiste s’élève contre le projet également, tandis que les groupes LR et centriste y sont favorables, mais regrettent pour le moment la méthode et l’absence de débats.



Quelle est la situation dans les autres régions ?

Si elles peuvent donc encore attendre jusqu’à 2033 pour ouvrir leurs lignes à la concurrence, les régions sont toutefois autorisées à le faire depuis 2019. Cinq d’entre elles, Paca (Région Sud), Hauts-de-France, Grand-Est, Pays-de-la-Loire et Ile-de-France ont lancé des appels d’offres sur une partie de leur réseau. Avec un premier contrat déjà perdu par la SNCF, puisque le 28 octobre 2021, Transdev décrochait le contrat de la ligne Marseille-Nice. Les autres résultats sont attendus dans les prochains mois. « La SNCF sera partout [pour défendre ses positions], a assuré son PDG Jean-Pierre Farandou. On va se battre sur chaque appel d’offres. »