Réforme de la PJ : A Marseille, la crainte d’un grand banditisme en roue libre
POLICE La réforme de la police judiciaire, contestée tant par les policiers que par les magistrats, laisse craindre une efficacité moindre des enquêtes et donc un renforcement de la grande criminalité
- Plusieurs centaines de policiers et magistrats ont manifesté devant le tribunal de Marseille ce lundi.
- Outre le risque de collision politique induite par cette réforme, les enquêteurs de la PJ redoutent de « laisser le champ libre à la grande criminalité ».
Policiers, magistrats, avocats… Ils étaient un peu plus de 300 réunis ce midi en face du palais de justice de Marseille pour manifester contre la réforme de la police judiciaire. Et ici, sans doute plus qu’ailleurs ou des rassemblements étaient également organisés, les enquêteurs de la police judiciaire (PJ) redoutent les effets de cette réforme. Les agents de la PJ seraient amenés à « s’occuper des délits de voie publique », dénonce Thomas, un capitaine de police, porte-parole de l’association nationale de la police judiciaire (ANPJ), une organisation tout juste constituée pour lutter contre la réforme initiée par Gérald Darmanin.
« Cela nous amènerait à participer à des opérations demandées par le ministre, comme les opérations anti-rodéos, par exemple, au détriment de notre travail d’investigation », poursuivit-il. A Marseille, siège de la juridiction inter-régionale spécialisée (Jirs) pour la zone sud, le mouvement a réuni ce lundi l’essentiel des 450 policiers de la PJ.
« On va laisser le champ libre à la grande criminalité… »
« Cette réforme, c’est pour traiter tout ce qui se voit dans la rue. Les vols de scooters, les petits trafics, les vols à l’arraché… Et en contrepartie on laisse tomber le travail de la PJ », explique un des 400 enquêteurs de la police judiciaire marseillaise. « On va laisser le champ libre à la grande criminalité. Vous voyez le nombre de morts de la guerre des gangs, et bien, il y aura moins d’enquêtes sur eux », redoute-t-il. Car ce week-end encore, un individu a été abattu par arme à feu dans les quartiers Nord de la ville. Ce serait la 28e victime de l’année dans les Bouches-du-Rhône dans ce qui s’apparente à un nouveau règlement de compte.
Pour autant, les membres de la PJ n’entendent pas, pour l’heure, baisser les bras sur les « sujets chauds » marseillais. « On ne lutte pas contre cette réforme pour baisser les bras aujourd’hui. Ça a encore flingué ce week-end, et bien sûr qu’on était là. On ne va pas risquer de mettre par terre une affaire qu’on suit depuis trois ans », détaille anonymement un autre policier présent à ce rassemblement.
A ce propos, « une belle affaire » conduite par la PJ marseillaise va atterrir au tribunal lundi prochain. En avril 2020, les enquêteurs captent une conversation dans la voiture d’une équipe de trafiquants qu’ils ont sonorisée. L’équipe envisage clairement un règlement de compte, finalement déjoué, mais pour lequel cinq hommes et une femme comparaîtront. « Ça, il n’y a que la PJ qui peut le faire. Et faire des écoutes pendant huit heures tous les jours, c’est huit heures de travail. On ne peut pas faire en même temps un vol à l’arraché ou autre », donne en exemple un expérimenté policier marseillais présent au rassemblement.
« Ce mouvement va forcément ralentir un peu les enquêtes, mais ce n’est pas le but du jeu. On ne peut pas dire qu’on laisse la drogue rentrer en France et qu’on n’arrête pas les meurtriers », prévient Thomas de l’ANPJ, selon qui « cette réforme va ouvrir la voie aux cartels et aux mafias ». Et en passant moins de temps à travailler sur le grand banditisme, de leur céder encore du terrain et de laisser en roue libre.