Réforme de la police judiciaire : Des agents rassemblés à Paris contre le projet du gouvernement

MOBILISATION Les agents parisiens se sont retrouvés ce mardi midi devant le siège de la police judiciaire pour protester contre la réforme qui concerne leurs collègues de la DCPJ

Thibaut Chevillard
— 
Des centaines d'agents se sont réunis mardi midi devant le siège de la police judiciaire parisienne pour protester contre un projet de réforme
Des centaines d'agents se sont réunis mardi midi devant le siège de la police judiciaire parisienne pour protester contre un projet de réforme — Gabrielle CEZARD
  • Plusieurs centaines de policiers ont manifesté devant le siège de la police judiciaire parisienne ce mardi midi.
  • Les agents protestent contre un projet de réforme de la police judiciaire et la mise à l’écart, vendredi, du patron de la PJ de Marseille, Eric Arella.

La contestation contre la réforme de la police judiciaire a traversé le périphérique. Plusieurs centaines d’agents se sont rassemblés devant le siège de la police judiciaire, rue du Bastion, dans le 17e arrondissement de Paris, ce mardi midi. Équipés de leur gilet « police judiciaire » barré d’un bandeau noir, ils se sont réunis pour « soutenir » leurs collègues de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), massivement opposés au projet de réforme de l’institution porté par Gérald Darmanin. Une fronde qui est montée d’un cran vendredi avec le limogeage d’Eric Arella, patron respecté de la PJ en zone sud, suscitant l’indignation chez les policiers et dans le monde judiciaire. « L’émotion est très vive après cette éviction que les collègues jugent injuste. Ils sont dans la réaction », explique Yann Bastière, délégué national investigations au sein du syndicat Unité SGP-police FO.

Figure de la police judiciaire, Eric Arella, 63 ans, paie l’accueil glacial qui avait été réservé, jeudi dernier, par les agents de la PJ de Marseille au patron de la police, Frédéric Veaux, venu leur vendre la réforme. Décrit comme un grand flic, respecté par ses troupes et ses partenaires judiciaires pour son professionnalisme et son intégrité, Eric Arella est parti de l’Evêché en voiture sous les applaudissements. Sa mise à l’écart après trente-sept années de service a provoqué un tollé. « A la Préfecture de police, on n’est pas concerné par la réforme, mais on n’est pas d’accord avec le fait qu’il se soit fait virer comme ça », indique une policière présente au rassemblement. « Il a été viré sur un prétexte fallacieux », ajoute-t-elle.

« Il a été viré sur un prétexte fallacieux »

Nice, Montpellier, Versailles Strasbourg… Dès l’annonce du départ d’Eric Arella, des centaines d’agents de la PJ ont manifesté leur colère. Des opérations ont même été reportées en signe de protestation. Au sentiment de ne pas être écoutés par leur administration et leur ministre de tutelle, se conjugue l’impression de ne pas pouvoir exprimer leurs craintes de voir disparaître la PJ, au risque d’être sanctionnés. Opposés à la réforme, les patrons de la PJ de Lille et de Montpellier ont respectivement été mutés en Irak et au Niger, comme l’a révélé le Canard Enchaîné. « Et d’autres attendent leur tour, ils savent qu’ils sont sur un siège éjectable », confie une source policière.

La réforme tant critiquée, aussi bien par les policiers que les magistrats, prévoit de placer tous les services de police à l’échelle du département - renseignement, sécurité publique, police aux frontières et PJ - sous l’autorité d’un seul Directeur départemental de la police nationale, dépendant du préfet. Les opposants au projet estiment qu’elle signe la mort de la PJ, créée en 1907 par Georges Clémenceau. « Leur combat n’est pas indemnitaire ou catégoriel, poursuit Yann Bastière. Ils veulent juste préserver leurs conditions de travail, leur degré de compétence, d’expertise, leur niveau d’excellence. C’est une cause noble. »

« Le ministre n’a pas convaincu »

A Paris, les flics de la PJ - qui, eux, sont placés sous l’autorité du préfet de police - ont donc manifesté pour exprimer leur « peur » de voir disparaître la maison à laquelle ils appartiennent aussi, un peu. A leurs côtés, dans la foule, plusieurs magistrats ont fait le déplacement. Depuis plusieurs semaines, juges d’instruction et procureurs alertent sur les conséquences de la réforme. Pas plus tard qu’hier, la procureure de la République de Paris, Laure Beccuau, a publié un communiqué qui n’avait d’autre but que de souligner le rôle essentiel des « services centraux, régionaux et locaux de police judiciaire de la police nationale » pour lutter contre la criminalité organisée.

Pour tenter de les rassurer du bien-fondé de sa réforme, le ministre de l’Intérieur s’est adressé lundi matin à l’ensemble des fonctionnaires de la PJ, dans un courrier. Une manière, pour Gérald Darmanin, de leur envoyer « de nombreux signaux d’ouverture », assure son entourage. « Le ministre n’a pas convaincu », juge néanmoins Yann Bastière. Plusieurs appels à manifester le 17 octobre ont d’ailleurs été lancés par des policiers, partout sur le territoire. Ce jour-là, Frédéric Veaux devait se rendre à la PJ de Versailles. Un déplacement qu’il a préféré reporter.