Avec l’exercice militaire Volfa, la France « se prépare à la haute intensité » avec sept alliés

REPORTAGE « 20 Minutes » a suivi pendant une journée l’entraînement annuel de préparation au combat de l'Armée de l'Air, Volfa, qui réunit un millier de soldats provenant de sept nations, sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan (Landes)

Mickaël Bosredon
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Embarquement de troupes aéroportées pour un exercice en A400M
Embarquement de troupes aéroportées pour un exercice en A400M — Mickaël Bosredon
  • L’exercice militaire Volfa, qui a lieu tous les ans depuis 2016 à Mont-de-Marsan, prend une dimension particulière cette année avec la guerre en Ukraine.
  • « Avec le contexte international, les nations sentent qu’elles ont besoin de se préparer, convient le directeur de Volfa. Mais on se préparait à la haute intensité avant l’Ukraine, et on continue de s’y préparer. »
  • Lors de l’exercice, 20 Minutes a notamment pu embarquer dans une mission de transport tactique qui visait à larguer des commandos parachutistes dans une zone ennemie.

Après quatre de jours de combat de « haute intensité », la coalition internationale a subi de premières pertes au sein de ses troupes. La mission de ce jour va consister à envoyer des parachutistes au sein du territoire envahi par l’ennemi, pour compléter les forces de la coalition. Cinq avions vont ainsi décoller de la base de Mont-de-Marsan (Landes) pour pénétrer en basse altitude l’espace aérien ennemi, dont un A400M accompagné de deux Rafale qui voleront au-dessus, pour écarter toute menace, et larguer des commandos parachutistes dans le centre de la France.


Un avion de transport de troupes et de fret A400M, sur la base de Mont-de-Marsan
Un avion de transport de troupes et de fret A400M, sur la base de Mont-de-Marsan - Mickaël Bosredon

Exceptionnellement, 20 Minutes a pu embarquer jeudi dans l'A400M pour suivre cette mission TAT (Tactical Air Transport), à l’occasion de l’exercice militaire Volfa, l’entraînement annuel de préparation au combat de l’armée de l’Air et de l’Espace, qui réunit pendant trois semaines à la BA 118 de Mont-de-Marsan une soixantaine d’aéronefs et environ un millier de militaires.

Les parachutistes sortent les sacs en papier sous les sièges

« Ce ne sera pas une promenade de santé », prévient le colonel Gilles, directeur de l’opération Volfa, avant d’embarquer. « Vol tactique » veut en effet dire que l'A400M devra enchaîner les phases en basse altitude avant de remonter brutalement, multiplier les changements de cap en fonction de la menace ennemie, ou encore effectuer des demi-tours. L'objectif étant d'éviter la riposte et de rentrer sans encombre.


Commandos parachutistes dans un avion de transport A400M
Commandos parachutistes dans un avion de transport A400M - Mickaël Bosredon

Au moment de prendre place dans l’appareil, on nous conseille de se sangler au fond de notre siège. Complètement. Sourire en coin, les parachutistes se regardent. « Vous avez déjà fait un vol tactique ? », demandent-ils, goguenards, en sortant les sacs en papier situés sous les sièges… Le pilote actionne ses quatre moteurs développant chacun plus de 11.000 chevaux, et c’est parti pour deux heures d’un raid qui va se révéler… musclé.

Mauvaise visibilité

Si la plupart des parachutistes présents viennent de Pau, Julien*, arrive du commando marine Trépel de Lorient. Il en est à son 27e saut, et profite de l’exercice Volfa pour suivre un stage et obtenir une qualification supérieure. « Volfa est l’occasion d’effectuer un saut avec notre équipement de guerre, et en très grand nombre. Cela permet de s’entraîner au plus proche du réel. » A 25 ans, il est déjà bien rôdé à ce type d'exercice. Il reconnaît toutefois qu'il y a « toujours un peu d'appréhension avant de sauter. »

L’opération doit se réaliser à 300 mètres d’altitude. Une fois arrivés sur zone, la centaine de parachutistes se prépare, vérifie une dernière fois que l'ensemble du paquetage qui pèse 25 kilos est bien sanglé. Un moment de grande concentration. Mais la visibilité au sol s’avère finalement trop mauvaise. Le pilote décide de ne pas prendre le risque de larguer les troupes. Malgré un deuxième passage, il opère un demi-tour et rentre à la base de Mont-de-Marsan. Tout en montrant ce que son A400M a dans le ventre lors du vol de retour…

« On est forcément déçus de ne pas sauter, mais ce sont les aléas quand on est parachutiste » poursuit Julien. « Cela reste un exercice, et la sécurité de nos militaires passe avant tout », insiste après l'opération le général Julien Sabéné, chef d’État-Major du commandement des forces aériennes, une fois l’appareil enfin posé.

« Les nations sentent qu’elles ont besoin de se préparer »

Comme l’an passé, Volfa se déroule sur trois zones principales : l’océan Atlantique, le Sud-Ouest et le Massif Central, qui représente la zone annexée par l’ennemi qu’il faut chercher à reconquérir, et où se dérouleront les actions au sol avec les commandos. Mais l’exercice, qui existe depuis 2016, est clairement monté d’un cran cette année, avec sept nations représentées (contre quatre l’année dernière par exemple) en plus de la France.

La Grèce, l’Italie, le Portugal et les Emirats arabes unis qui sont venus avec leurs F-16, les Américains (comptabilisés en fournissant un avion ravitailleur) ont par exemple répondu présent, avec les Espagnols et les Canadiens déjà là l’an passé. « Pour les Emirats, c’est une première, annonce le colonel Gilles. On a l’habitude de s’entraîner avec eux puisque nous disposons d’une base sur leur territoire, mais c’est la première fois qu’ils se déploient pour un exercice. »



Cette mobilisation internationale est-elle la conséquence de la guerre en Ukraine ? Oui et non. « Avec le contexte international, les nations sentent qu’elles ont besoin de se préparer, convient le directeur de Volfa. Mais le scénario de cette édition a été établi en décembre 2021, donc avant la guerre. On se préparait à la haute intensité avant l’Ukraine, et on continue de s’y préparer. »

Le général Julien Sabéné confirme que Volfa n’est en rien une réponse à la situation internationale actuelle. « Mais on ne peut pas faire non plus comme s’il n’y avait pas l’Ukraine. Entre la planification de l’exercice il y a un an, et son exécution aujourd’hui, nous avons recalé deux-trois choses, en mettant l’accent sur la lutte informationnelle, au regard de ce qu’il se passe en Ukraine, même si c’est quelque chose que l’on voit monter depuis des années. Les fake news font maintenant partie de notre quotidien, on le voit dans tous les combats hybrides. Je pense toutefois que la guerre de demain sera encore différente de celle d’aujourd’hui et il faut garder un coup d’avance. »

« Croiser les cultures »

C’est pourquoi Volfa 2022 se veut un exercice « multilieux et multichamps », comprenant également des composantes spatiales et cyber. « On a tendance dans l’aviation de combat à s’entraîner entre nous, l’objectif de Volfa est précisément de décloisonner, explique le lieutenant-colonel Mathieu, pilote de Mirage 2000-5 à la base de Luxeuil. On met tout le monde dans un scénario, et on croise toutes les cultures pour mener une campagne aérienne globale. »


Hélicoptère Caracal, lors de l'édition 2022 de l'exercice Volfa à Mont-de-Marsan
Hélicoptère Caracal, lors de l'édition 2022 de l'exercice Volfa à Mont-de-Marsan - Mickaël Bosredon

Avions de transport, hélicoptères, commandos, chasseurs, systèmes de défense sol-air… Tous les secteurs de l’armée de l’Air et de l’Espace sont ainsi représentés, au sein d’un scénario qui évolue au fil du temps pour placer les soldats en conditions réelles. « Toute l’armée de l’Air est impliquée, avec aussi des moyens de guerre électronique pour se retrouver comme sur un théâtre d’opérations, poursuit le colonel Gilles. Et si Mont-de-Marsan est au cœur de l’opération, nous avons cette année la base d’Istres qui participe aussi, et comme d’habitude nous opérons au-dessus de l’océan qui nous permet de disposer d’un très grand espace, certaines missions pouvant mobiliser jusqu’à quarante appareils, et d’effectuer des vols supersoniques. »

La base de Mont-de-Marsan, « un outil de combat H24 »

Mont-de-Marsan n’a pas été choisi par hasard pour coordonner l’exercice Volfa. D’une surface de 700 hectares, cette base possède toutes les infrastructures nécessaires pour un tel déploiement. Au quotidien, « la base est un outil de combat H24, puisque nous avons des missions en permanence, notamment de police du ciel pour effectuer la surveillance de l’espace aérien français, rappelle son directeur le colonel Jean-Michel Herpin. Nos Rafale sont prêts à décoller en quelques minutes, et nous disposons de radars qui contrôlent l’ensemble du quart Sud-Ouest. »


Avions de chasse Rafale sur la base de Mont-de-Marsan
Avions de chasse Rafale sur la base de Mont-de-Marsan - Mickaël Bosredon

Et puisque la composante spatiale est désormais intégrée au sein de l’armée de l’Air, le commandant de la base indique que « nous avons aussi une mission de protection de l’espace, puisque nous possédons un radar de trajectographie satellite sur le champ de tir de Captieux, qui nous permet de suivre les entrées dans l’atmosphère, pour voir si celles-ci peuvent impacter le territoire national. »

Missions à l’étranger

Le colonel rappelle aussi que des missions à l’étranger s’opèrent depuis la base de Mont-de-Marsan. « Le dernier exemple en date est la mission EVA (Enhanced Vigilance Activities) déclenchée dès l’invasion de l’Ukraine le 24 février : à 5 heures du matin les troupes russes traversaient la frontière, avant midi deux Rafale décollaient d’ici, armés, pour aller faire de la réassurance au profit de nos alliés de l’Otan sur la frontière Est. Depuis, nous continuons à réaliser ces missions, même si le rythme a baissé. » Mont-de-Marsan peut aussi mener des missions vers les territoires français d’Outre-Mer.



Même s’il est de grande ampleur, Volfa reste toutefois un exercice. Aucun tir réel n’est effectué durant les trois semaines de l’opération qui s’achèvera le 14 octobre. « Mais nous nous entraînons toute l’année sur le champ de tir de Captieux, d’une surface de 10.000 hectares, ou au-dessus de l’océan » indique le colonel Gilles.

*Le prénom a été modifié