Mort d’Elizabeth II : Les complotistes accusent les Irlandais, le vaccin et Hillary Clinton

KAMOULOX Le décès de la souveraine était l’occasion rêvée pour recycler certaines thèses et répandre la désinformation

X.R. avec AFP
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Plusieurs théories du complot ont émergé à la mort d'Elizabeth II.
Plusieurs théories du complot ont émergé à la mort d'Elizabeth II. — Montage XR/Canva (Roger Harris/UK Parliament/UPI/S/SIPA)

Du haut de ses 96 ans, il paraissait bien sûr improbable que la reine Elizabeth II ne meure de vieillesse. Alors, avant même l’annonce officielle de son décès, certains sont allés chercher des hypothèses farfelues. Un exemple frappant de la façon dont se répand la désinformation lors d’une actualité majeure, en recyclant les mêmes tactiques pour semer la confusion en ligne. Selon les chapelles, la mort d’Elizabeth II serait donc liée au vaccin contre le Covid-19 ou à Hillary Clinton. « Accepter les explications ordinaires pour un événement aussi important peut être moins convaincant ou moins attrayant », note Karen Douglas, professeure de psychologie sociale à l’université du Kent au Royaume-Uni.

La désinformation a commencé à circuler dès les premières inquiétudes sur l’état de santé de la reine, des comptes Twitter usurpant l’identité de médias réputés comme la BBC et annonçant prématurément sa mort. Puis, le 8 septembre, Buckingham Palace a officiellement communiqué le décès d’Elizabeth II. « Partout dans le monde les gens ont été informés du décès de la reine et affectés par celui-ci, ce qui a donné aux propagateurs de fausses informations un réservoir inépuisable d’histoires trompeuses dans lequel puiser », explique Dan Evon de l’association News Literacy Project.

Vieilles recettes et trucages ciblés

Autrement dit, il était facile de se servir de la détresse des gens pour semer la confusion en créant des fake news, et certains s’en sont donné à cœur joie. Parmi celles-ci, deux montages ont été créés délibérément pour l’occasion : une vidéo datant d’il y a un mois où des personnes dansent devant Buckingham Palace qui a été transformée pour faire croire que des Irlandais dansaient de joie après avoir été informés du décès de la reine, et une image truquée de Meghan Markle, épouse du prince Harry, portant un tee-shirt avec l’inscription « La reine est morte ».

Certains ont imputé la mort d’Elizabeth II au vaccin contre le coronavirus, comme ils l’avaient fait auparavant pour le décès des acteurs américains Betty White et Bob Saget. D’autres ont tenu Hillary Clinton pour responsable, alléguant que la souveraine aurait eu en sa possession des dossiers compromettants sur l’ancienne candidate à la Maison Blanche qu’elle s’apprêtait à faire éclater au grand jour. Il s’agit d’une théorie du complot ancienne selon laquelle les Clinton feraient assassiner leurs opposants politiques.

QAnon et la publicité détournée

Lorsqu’un événement important se produit, un militant tente toujours de trouver un angle qui se prête à ses propres croyances, selon Mike Caulfield, spécialiste de la désinformation au Center for an Informed Public (CIP) à l’Université de Washington. Par exemple, « les militants antivax essaient de voir s’il y a moyen de mettre la mort d’une personnalité publique sur le dos de la vaccination, » détaille-t-il.

Ceux qui adhèrent aux idées de la nébuleuse QAnon ont associé la mort de la reine à leurs convictions, selon lesquelles il existe un complot mondial sataniste et pédophile, s’en servant pour valider la légitimité de leur mouvement. « La famille royale, étant donné les relations étroites bien connues entre le prince Andrew et Jeffrey Epstein, a toujours donné du grain à moudre aux adeptes du mouvement QAnon », souligne Rachel Moran, membre du CIP. Une vidéo populaire chez les partisans de QAnon, qui s’est répandue comme une traînée de poudre sur le réseau social TikTok, montrant selon eux un garçon nu s’échappant de Buckingham Palace, s’est avérée être un vieux clip promotionnel d’une émission de télévision.

Réfléchir avant de partager

La semaine qui a suivi la mort d’Elizabeth II, la société Zignal Labs a fait état de 76.000 mentions de la reine associée à Jeffrey Epstein et sa complice Ghislaine Maxwell (condamnés tous deux pour trafic sexuel) sur les réseaux sociaux, sites Internet, à la radio, la télévision et dans la presse. Les récits liant Elizabeth II à des faits de pédophilie, à Hillary Clinton et aux vaccins étaient eux mentionnés respectivement 42.000, 8.000 et 7.000 fois.



Mais il existe des moyens pour ne pas tomber dans le piège de la désinformation. Les organisations d’éducation aux médias, comme la CIP, recommandent de comparer les publications en ligne à des sources d’information fiables et de marquer une pause avant de les partager. « Même quelques instants de réflexion peuvent souvent faire une grande différence », rappelle Gordon Pennycook de l’université de Regina au Canada.