Lyon : « Il n’y a aucun angélisme dans notre gestion de la sécurité », affirme Grégory Doucet

INTERVIEW Avant le conseil municipal de jeudi, le maire de Lyon s’est entretenu avec « 20 Minutes » pour évoquer les problèmes de violence que connaît la ville depuis plusieurs mois

Propos recueillis par Caroline Girardon
Grégory Doucet, le maire de Lyon est revenu pour 20 Minutes sur les problèmes de sécurité à Lyon.
Grégory Doucet, le maire de Lyon est revenu pour 20 Minutes sur les problèmes de sécurité à Lyon. — C.Girardon / 20 Minutes
  • Fusillades, règlements de compte à l’arme lourde, trafics de drogue et rodéos urbains… Depuis quelques mois, les épisodes de violence se multiplient à Lyon.
  • Critiqué sur la gestion de la sécurité, Grégory Doucet le maire de Lyon a accordé une interview à « 20 Minutes ».
  • A la veille du conseil municipal de jeudi, il revient sur les actions déjà menées et celles à venir en matière de sécurité.

Rodéos urbains, fusillades… La ville de Lyon connaît-elle une recrudescence de violence depuis l’arrivée des écologistes au pouvoir ? Attaqué sur sa gestion de la sécurité, accusé de dogmatisme, le maire de Lyon se sait attendu sur la question. A la veille du conseil municipal, au cours duquel seront votées plusieurs délibérations consacrées à la sécurité, Grégory Doucet s’est entretenu avec 20 Minutes.


Après la fusillade de la Duchère, l’opposition a vivement critiqué l’immobilisme, voire l’angélisme de la municipalité en matière de sécurité. Que répondez-vous ?

Mon job n’est pas de commenter ce que les autres peuvent dire. En revanche, il est d’assurer la tranquillité publique dans cette ville. C’est ça la prérogative et j’en ai fait une priorité. Nous nous sommes engagés là-dessus depuis le premier jour de notre élection. Sur la question des fusillades, que ce soit à Duchère ou à Gerland, il ne faut pas oublier qu’il y a une action déjà ancienne de la ville. Notre orientation est d’avancer sur deux jambes : la prévention et la répression. C’est ce que nous faisons à La Duchère, où il y a déjà énormément d’actions engagées visant à prévenir la délinquance, que ce soit par le biais des acteurs de l’éducation populaire, de la culture ou des acteurs sociaux.

Ensuite, sur le volet répressif, nous avons une présence très importante de la police municipale. Dans le quartier de La Duchère, par exemple, il y a plus d’une cinquantaine de caméras de vidéo protection que nous avons déplacées, à la demande de la police nationale, pour mieux suivre les nouvelles situations de délinquance et de criminalité et nous adapter à leur évolution. Il y a tout un travail de fine coordination opéré avec la préfecture et la direction départementale de la sécurité publique. C’est essentiel car nous avons besoin de la police nationale, notamment à La Duchère, où il y a un trafic de stupéfiants considérable mais aussi des règlements de compte qui se font à l’arme lourde et du trafic d’armes. Mais ça, c’est la prérogative de la police nationale. Nous, nous venons en soutien. Nous prenons part à cette coproduction de la sécurité dont le rôle majeur doit être joué par la police nationale.

Vous voulez dire que l’Etat ne joue pas ce rôle majeur ?

Non, pas du tout. J’explique comment les choses fonctionnent. Pour répondre à votre première question, je ne vois aucun angélisme dans notre gestion de la sécurité. J’ai une approche extrêmement pragmatique de la tranquillité publique et de la sécurité. Quand il le faut, j’interpelle l’Etat et ses représentants afin de demander une plus grande présence de policiers nationaux, afin de demander également qu’ils soient plus visibles sur le terrain. Si la mobilisation de la police nationale est nécessaire pour mener des enquêtes et arrêter les auteurs, sa visibilité est tout aussi importante pour prévenir certains faits.

Qu’attendez-vous de l’Etat en termes de renfort ?

Alors que nous étions en pleine pandémie, lors de notre prise de fonction en 2020, j’avais tout de suite fait le constat qu’il manquait plusieurs centaines de policiers municipaux sur la circonscription de sécurité publique de Lyon. En septembre, j’étais allé voir Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur pour lui demander d’augmenter les effectifs. Il a convenu que le diagnostic était bon. Il a augmenté les effectifs qui sont en train d’arriver. Je vous confirme qu’on a besoin d’une présence importante de la police nationale pour réaliser des enquêtes et être sur le terrain en complément de la police municipale. Nous ne sommes pas sur les mêmes prérogatives. La police municipale est sur la tranquillité publique, la police nationale, sur l’ordre public. On a besoin de cette complémentarité.

En complément des actions menées par la police nationale, faut-il également mettre davantage de policiers municipaux sur le terrain, selon vous ?

Oui, je souhaite qu’il y ait plus de policiers municipaux sur le terrain. Nous nous sommes déjà engagés à le faire. Aujourd’hui, nous avons élevé l’effectif à 365. En dépit de tensions sur le marché du travail, ainsi que de nombreux départs à la retraite, nous sommes en train de les recruter activement. On en a déjà enrôlé plus de 53. Je souhaite une police municipale très en proximité qui soit visible et en lien avec les habitants. Une police qui apaise et qui répare. Ceux qui disent qu’il faut armer la police municipale sont très mal informés car elle dispose déjà d’un équipement conséquent. On est en train de compléter cet équipement avec des caméras piéton, comme cela se fait dans d’autres villes car les expérimentations, menées ailleurs, ont montré que c’était très utile.

Certains habitants ont néanmoins le sentiment d’une montée de l’insécurité à Lyon, comment l’expliquez-vous ?

A l’issue des périodes de confinement, de nouveaux phénomènes de délinquance et de criminalité sont apparus et ont pris une ampleur importante. C’est un phénomène avec plus de violence que l’on observe partout en France, mais aussi ailleurs. Il est commun à toutes les moyennes et grandes villes. Cela implique de nouvelles formes d’action. Prenons l’exemple concret des rodéos urbains qui étaient très nombreux à Lyon. On a eu une action extrêmement volontariste avec la police nationale et les services du procureur. La cellule rodéo mise en place a permis d’agir rapidement et d’avoir une action systématique auprès des auteurs, grâce notamment aux images de vidéoprotection. Des condamnations ont été prononcées, les saisies de véhicule ont été nombreuses. Il y a également eu des opérations de communication destinées à dissuader ceux qui le voulaient de passer à l’acte. Résultat : on a vu dans la ville une diminution très significative du nombre de rodéos même si, cela ne veut pas dire qu’ils ont totalement disparu. Nous avons adapté nos modes d’actions pour endiguer le phénomène.



Avec la préfecture et les services du procureur, on se réunit tous les trimestres pour faire une révision d’ensemble de la situation et adapter nos pratiques, pour regarder les territoires où des phénomènes nouveaux apparaissent. En parallèle de cette coordination globale que je pilote, il y a, tous les mois et dans chaque arrondissement, un point fait avec les polices municipale et nationale et les élus. Par exemple, c’est ce qui a permis de mettre en place le dispositif de rappel à la loi. Il fonctionne très bien dans le 8e arrondissement.

Qu’allez-vous présenter mercredi en conseil municipal concernant la sécurité ?

Nous allons voter une augmentation de la rémunération des policiers municipaux. Cinq cent mille euros ont déjà été mis sur la table pour rendre meilleure l’attractivité du métier. On va également passer à la généralisation du système de vidéoverbalisation sur l’ensemble de la ville car ma responsabilité est aussi de mettre fin aux violences routières. La vidéoverbalisation va le permettre. Enfin, nous allons voter l’augmentation du budget dédié à la place Gabriel-Péri (quartier Guillotière), notamment en matière de prévention de la délinquance et d’actions sociales. Pour l’année 2022, 150.000 euros seront engagés pour mener des actions supplémentaires sur ce secteur.