Ettore Bugatti, esthète et inventeur de génie des voitures les plus rapides et luxueuses du monde

EN POLE POSITION (6/6) Ettore Bugatti, inventeur et constructeur des voitures éponymes, a marqué pour toujours l’histoire de l’automobile avec son sens du détail, son perfectionnisme et son esprit visionnaire. « 20 Minutes » et le site RetroNews vous proposent cet été de découvrir les pionniers et les pionnières de l’automobile et de l’aviation

Gilles Varela
Ettore Bugatti
Ettore Bugatti — Maison Bugatti
  • Pour vous divertir sur votre serviette de plage ou lors de votre pause en rando, 20 Minutes, en partenariat avec RetroNews le site de presse de la BnF, vous propose une série d’articles sur les pionniers et les pionnières de l’aviation et de l’automobile.
  • Ettore Bugatti, né en 1881 à Milan, inventeur et constructeur notamment des voitures éponymes, a marqué l’histoire de l’automobile avec des voitures les plus rapides et les plus luxueuses au monde.
  • Il construit sa légende depuis Molsheim, petite commune alsacienne. Passionné par les arts, la mécanique, c’était avant tout un esthète et un visionnaire de génie.

Synonyme de luxe, de raffinement, de vitesse, d’innovations mécaniques et aérodynamiques, souvent qualifiées d’œuvres d’art ou de « pur-sang », les voitures Bugatti sont depuis toujours prisées, recherchées, admirées, rêvées. Indissociable de cette épopée stylistique et technique, un homme, Ettore Bugatti.

Né à Milan le 15 septembre 1881, fils du célèbre sculpteur designer et orfèvre Carlo Bugatti, frère du célèbre sculpteur Rembrandt Bugatti, il baigne dans les milieux artistiques. Il fréquente la célèbre Académie des Beaux-Arts Brera de Milan, mais ce qui le passionne, ce sont les bolides. Il fait son apprentissage en fabriquant et en courant des courses sur des tricycles moteurs. Très vite, il en conçoit de nouveaux, les développe et à tout juste 19 ans, il fabrique sa première voiture. Repéré pour son talent par des industriels, après de multiples alliances et collaborations, notamment avec la société alsacienne De Dietrich, Ettore Bugatti s’installe en Alsace et y développera son industrie. Il traversera tant bien que mal les difficultés économiques des deux guerres mondiales, du chaos des années 1930.

Un homme à l’image de l’usine historique en Alsace

Des voitures et un homme à l’image de l’usine historique de Molsheim (Bas-Rhin). Un lieu où l’on a le réflexe de murmurer tant il est élégant et où l’on accueille encore tout acheteur du bolide. Salon privé, espace de conception, de fabrication, de réception… Un absolu pour qui veut « comprendre l’œuvre d’Ettore Bugatti », expliquait dans un article Paris Soir en 1929.

« Il faut avoir visité l’usine de Molsheim, qui ne peut se comparer à aucune autre usine du monde, assure le journal. L’harmonie qui a présidé à sa création, l’état d’esprit qui y règne, et où, dans la moindre des choses, on sent l’intervention du “patron”, sa recherche de l’ordre, de la propreté méticuleuse, de l’extrême précision mécanique qui est en somme une probité poussée à son plus haut point. »



Il n’a pas 20 ans qu’il est déjà célébré dans la presse. A l’image de La Gazetta dello Sport en 1921, comme le rapporte en 1923 le journal L’Information économique et financière. Il est écrit qu’il est déjà, « dans le monde de l’automobile, universellement reconnu ». Curieux, « il étudiait tous les divers types moteurs, les analysait, en notait les défauts, imaginait les modifications, entrevoyait dans son imagination une voiture parfaite », ajoute Le journal. Mais c’est avec la Bugatti Type 35, au tout début du XXe siècle, qui marque son premier succès commercial mais aussi en compétition avec une voiture de course aux 2.000 victoires. Il vend la voiture à de riches coureurs privés. C’est la seule à l’époque qui peut rouler sur circuit ou sur route. Avec elle, il signe l’aventure automobile. Aujourd’hui encore, c’est tout autant sur les lignes de fuites de la Chiron ou de la Veyron, que l’on perçoit encore le trait de génie d’Ettore Bugatti, mais aussi celui de son fils Jean qui devient plus tard son associé, avant de décéder dans un tragique accident. Reste la sobriété du trait, la justesse des courbes, la précision mécanique.

Epris de vitesse, il vivait avec son temps mais toujours avec la préoccupation du futur et soucieux d’un certain mode de vie. Curieux, il fabrique par exemple une voiture électrique dès 1931, la Type 56, un coupé deux places conçu à l’origine uniquement pour se déplacer sur le site de l’usine et autour de son domicile. Modèle qu’il finit par produire face à l’insistance de ses clients. « Est-ce parce qu’il n’a pas appris la mécanique qu’il est un mécanicien de génie ?, s’interrogeait déjà dans ses colonnes Le Gaulois en juin 1927. Est-ce parce qu’il a l’air d’un pur amateur que guide sa seule fantaisie et la recherche constante de l’originalité qu’on le considère comme un des cerveaux les mieux équilibrés qui animent aujourd’hui l’industrie ? »



Visionnaire, il était aussi exigeant : lorsqu’un objet du quotidien ne lui convenait pas, il l’améliorait ou le fabriquait. « Un produit technique n’était parfait que lorsqu’il l’était aussi d’un point de vue esthétique », rappelle sur son site Internet la maison Bugatti. C’est ainsi qu’il fabriqua une machine à faire des spaghettis avec un volant, créa la disposition personnalisée d’un service de table et fit fabriquer ses propres couverts avec ses initiales EB. Il fabriqua aussi des instruments chirurgicaux pour un ami, professeur à l’hôpital de Strasbourg, des chaussures à cinq orteils, un poulailler sur roue, « des poignées de portes automatiques, une canne à pêche avec un système avancé », détaille encore le journal L’Aube, le 23 août 1947.

« A première vue, cet homme est un paradoxe constant, car il met de l’art dans la matérialité des choses, car il réalise l’idée née de sa rêverie avec une précision d’opticien », analyse Le Gaulois. Le rédacteur de l’article, Georges Bruni, souligne « le merveilleux sens du possible » d’Ettore Bugatti, « une étonnante puissance d’anticipation » poursuivant : « il trouve avant d’avoir cherché. Il devine avant d’avoir examiné. Il a l’instant de la matière, de ses vertus, de ses faiblesses. »



C’est ainsi qu’aujourd’hui encore, cet inventeur et constructeur de génie fait perdurer le rêve. A sa mort à l’âge de 66 ans le 21 août 1947, Ettore Bugatti, devenu Français sur le tard, laisse l’empreinte d’une légende, avec plus d’un millier de brevets d’inventions. Une empreinte dans la légende automobile qui rappelle, selon le journal L’Aube dans une chronique parue au lendemain de sa mort, une autre légende, celle de Henry Ford : « L’un et l’autre ne s’étaient pas contentés de signer leurs voitures, et leur activité dépassait de bien loin le seul domaine automobile. Ils inventaient en tout. » Des inventions oui, mais toujours avec style.