Réchauffement climatique : Les décès de sans-abri sont-ils plus nombreux l'été, comme l'indique Sandrine Rousseau ? Pas vraiment

SOLIDARITE Les décès des sans-abri sont, de manière générale, très difficiles à recenser

Lina Fourneau
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Un sans-abris sous un pont dans le 19e arrondissement
Un sans-abris sous un pont dans le 19e arrondissement — ROMUALD MEIGNEUX/SIPA
  • A l’Assemblée mardi, la députée (Nupes) Sandrine Rousseau a déclaré que davantage de sans-abri mouraient l’été que l’hiver.
  • Mais attention, le recensement des personnes décédées n’est pas si simple que cela.
  • Selon le collectif Morts de la rue, il y a en fait plus de décès l’hiver parmi les sans-abris, mais l’écart entre les deux saisons reste minime.

En plein cœur de l’Hémicycle, mardi, la députée Nupes Sandrine Rousseau a tenu à alerter le nouveau ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, sur l’impact du réchauffement climatique. « L’été va être chaud, que préparez-vous ? », a fustigé l’écoféministe. L’occasion pour Sandrine Rousseau de rappeler le sort de victimes trop souvent oubliées lors des fortes chaleurs :  les sans-abris. « Les SDF meurent plus de chaud l’été que l’hiver », a lancé la députée.

Des propos très vite raillés, notamment par le député européen (ex-RN) Gilbert Collard. « Il y a des coups de thermomètre qui se perdent », a ironisé ce dernier sur son compte Twitter. Il va de soi qu’on meurt plus de chaleur l’été que l’hiver. Mais le message de la députée est clair : les sans-abri sont des victimes invisibles des fortes chaleurs actuelles – lesquelles ne devraient pas diminuer avec le réchauffement climatique. Mais meurent-ils vraiment plus l’été que l’hiver, comme le prétend Sandrine Rousseau ?

FAKE OFF

Pour le savoir, 20 Minutes a interrogé le collectif Morts de la rue. Depuis 2003, cette association interpelle et sensibilise la société sur le sort des sans-abri. Ses membres effectuent notamment un recensement des décès « de personnes sans chez soi ». Outre les sans-abri, cela comprend les personnes vivant en hébergement ou dont le lieu de vie n’a pas pu être défini au cours des trois mois précédant le décès.

D’après ce collectif, le recensement est bien plus compliqué qu’une simple comparaison entre les saisons. « Nous n’avons pas de vision exhaustive, nous ne pouvons recenser qu’une partie des décès », regrette l’épidémiologiste de Morts de la rue. En 2014, par exemple, un croisement des données avait été effectué avec celles de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), qui enregistre les causes de décès en France. « Il montrait qu’on ne comptait qu’une partie infime de cette catégorie, à savoir 17 % ».

« Plus de décès l’hiver que l’été »

L’épidémiologiste l’assure, la qualité de la surveillance s’est nettement améliorée depuis. Chaque année depuis 2016, on sait désormais qu’il y a 600 décès de sans-abri en France. « Pour les données qu’on recense, on remarque que la mortalité suit la même tendance que la population générale. Il y a plus de décès l’hiver que l’été, même s’il y en a beaucoup en été », compare l’épidémiologiste. Les écarts entre les saisons sont très faibles. « Sur la période cumulée de 2012 à 2020, on a 26 % des décès survenus lors de la période hivernale, 21 % au printemps, 22 % l’été et 25 % en automne », remarque notre interlocuteur.

Si ces décès restent donc – malheureusement – continue toute l’année, le collectif remarque surtout une évolution des mentalités au fil des saisons. « L’hiver, nous faisons plus attention et redoublons de vigilance vis-à-vis des sans-abri avec le froid. Mais souvent l’été, comme il fait chaud, il y a moins de solidarité », déplore le membre du collectif.

Mais ce n’est pas tout. Avec les vacances, des lieux d’hébergement ferment, l’aide alimentaire diminue, et les maraudes s’avèrent de moins en moins nombreuses. « Les problématiques ne sont plus tout à fait les mêmes entre les saisons », résume l’épidémiologiste. Une chose est sûre : la rue fragilise l’état de santé des sans-abri et contribue à leur mort précoce, qu’importe les saisons.