Uber Files : Non, Uber n'a pas participé à ce déjeuner dans un grand restaurant avec des parlementaires

FAKE OFF Dans un tweet très partagé, le compte Le Discord Insoumis explique avoir retrouvé la vidéo « du déjeuner entre lobbyistes d’Uber, députés et membres du cabinet Macron »

Emilie Jehanno
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Photo d'illustration Uber.
Photo d'illustration Uber. — Mourad ALLILI/SIPA
  • Un tweet viral dénonce, vidéo à l’appui, un « déjeuner entre lobbyistes d’Uber, députés et membres du cabinet Macron ».
  • Cette vidéo est bien une séquence tournée en caméra cachée lors d’un déjeuner entre des lobbyistes d’entreprises de VTC, des parlementaires et un membre du cabinet d’Emmanuel Macron, qui a eu lieu le 28 juin 2016 au Laurent, un restaurant de luxe parisien.
  • Mais les représentants d’Uber n’étaient pas présents lors de ce déjeuner, selon plusieurs sources concordantes.

Dès la sortie en début de semaine des Uber Files, l’enquête du Monde sur les liens entre Emmanuel Macron et l’entreprise de VTC américaine quand il était à Bercy, une caméra cachée montrant un déjeuner au Laurent, un restaurant de luxe parisien, est réapparue sur les réseaux sociaux. Dans un tweet partagé près de 2.000 fois, le compte Le Discord Insoumis explique avoir retrouvé la vidéo « du déjeuner entre lobbyistes d’Uber, députés et membres du cabinet Macron ». Et conclut : « Il est maintenant temps de chercher qui est à la table. »

Cette caméra cachée était mentionnée dans une autre séquence devenue virale : celle d’un échange musclé entre Sayah Baaroun, secrétaire général du syndicat des chauffeurs privés VTC (les véhicules de tourisme avec chauffeur), et Emmanuel Macron, qui a eu lieu en 2017 dans l’Emission politique sur France 2.


A l’époque, Sayah Baaroun explique avoir vu « le directeur de cabinet d’Emmanuel Macron dans un restaurant de luxe » (il s’agit en fait d’un membre du cabinet d’Emmanuel Macron, comme l’a relaté Rue 89 en 2016), avec des députés, des sénateurs. Ils déjeunent « avec l’écosystème du VTC, les loueurs de véhicules », dénonce-t-il, ajoutant qu’Emmanuel Macron se « battait contre la loi » Grandguillaume.

« Des accusations graves », assène sur le plateau l’ex-ministre de l’Economie et candidat à la présidentielle, qui indique qu’il faut des noms, la liste pour aller « devant le juge ». « Je n’ai jamais défendu les intérêts de l’un ou de l’autre, plaide-t-il encore. Je dis juste que je défendrai les emplois que l’on a créés. »

FAKE OFF

La vidéo dans le restaurant est bien celle tournée en caméra cachée par Sayah Baaroun, comme il le confirme à 20 Minutes. La séquence dure en réalité 3 min et est toujours visible sur YouTube, ses images se recoupant avec l’extrait partagé sur Twitter. Cependant, selon plusieurs sources concordantes, des représentants d’Uber n’étaient pas présents lors de ce déjeuner.

Ce 28 juin 2016, au Laurent, un restaurant de luxe près des Champs-Elysées, les PDG de SnapCar, AlloCab, Chauffeur-Privé, MarcelCab et LeCab ont invité à déjeuner quatre députés, un sénateur, et un membre de cabinet ministériel d’Emmanuel Macron, raconte Rue89.

Mais, « de mémoire, il n’y avait pas Uber », nous indique Sayah Baaroun. En juin 2016, la loi Grandguillaume, du nom d’un député socialiste, était dans les tiroirs et inquiétait les entreprises de VTC. « Ils essayaient de la détricoter, poursuit le syndicaliste. Nous, on voulait mettre en place une formation plus qualifiante et sérieuse. »

« C’est un événement d’une totale banalité »

La loi, qui sera adoptée en décembre 2016, visait notamment à mettre fin au détournement du statut dit LOTI, conçu pour le transport collectif. Les chauffeurs devenant VTC devaient faire reconnaître leur expérience professionnelle (en justifiant de 1.600 heures d’activité) ou passer un examen d’accès à la profession de VTC.

Les plateformes de réservation de VTC, qu’elles soient françaises ou américaine comme Uber, ont fait pression contre cette loi. Un lobbying assumé par Yves Weisselberger, PDG de SnapCar, devenue LeCab entretemps : « Des déjeuners parlementaires, j’en fais, se défend-il auprès de 20 Minutes. Nous allons expliquer notre point de vue à des députés, des sénateurs, des conseillers de ministères. C’est un événement d’une totale banalité. » A Rue89, il expliquait qu’il allait « lutter de toutes (ses] forces pour que la loi ne passe pas », car des « dizaines de milliers d’emplois [risquaient] de sauter ».

« Il n’y avait pas Uber »

Sur la présence d’Uber au déjeuner de 2016, il est formel : l’entreprise américaine n’avait pas de représentant. « Il n’y avait pas Uber, dit-il. En 2016, on se synchronisait très peu. Avec les plateformes françaises, on défendait des positions différentes des leurs, qui étaient plus radicales et très agressives vis-à-vis des pouvoirs publics. » Contacté, le service presse d’Uber ne nous a pas répondu.

Christophe Caresche, alors député PS, reconnaît aussi sans « aucun problème » sa présence à ce déjeuner. Il affirme également qu’Uber ne faisait pas partie de la tablée ce 28 juin 2016 et précise avoir aussi rencontré les taxis G7 à l’époque. Dans son enquête, Le Monde détaille les engagements de celui qu’il présente comme « un VRP d’Uber » : il a relayé des amendements de l’entreprise à l’Assemblée nationale et organisé une rencontre entre Uber et des parlementaires. Il aurait aussi fait remonter des demandes auprès de membres du gouvernement, ce que nie l’intéressé. Aujourd’hui, l’ancien député défend toujours le bilan d’Uber, estimant que « les taxis ont fait de très gros progrès » et que, donc, Uber aura été « utile » en France.