Pédocriminalité dans l’Eglise : Justice et religieux s’allient pour dénoncer les abus sexuels sur mineurs
SIGNALEMENTS Un protocole visant à mieux traiter les signalements de délits sexuels rapportés aux évêques a été signé à Rennes mercredi
- Un protocole visant à améliorer le dialogue entre la justice et l’Eglise a été signé le 8 juin 2022 à la cour d’appel de Rennes.
- Ce texte a pour but de mieux traiter les signalements d’abus sexuels de mineurs victimes de prêtres ou de religieux.
- D’après le rapport Sauvé publié l’an dernier, 216.000 enfants auraient été victimes d’actes pédocriminels en France depuis soixante-dix ans.
C’est dans les murs du Parlement de Bretagne que les signatures ont été apposées. A deux pas de la principale salle d’audience de la cour d’assises où de nombreuses jeunes victimes ont témoigné de faits d’agressions sexuelles et de viols. Confrontée aux lourdes accusations d’agressions sexuelles subies par des dizaines de milliers d’enfants, l’Église veut se racheter. Mercredi soir, les diocèses de Bretagne ont signé un protocole avec la cour d’appel de Rennes visant à améliorer le traitement des dénonciations de délits sexuels confessés aux hommes d’Église. Les objectifs sont multiples : mieux recueillir la parole, assurer un meilleur traitement juridique et s’informer mutuellement des suites données aux signalements.
Compétente sur les cinq départements de la Bretagne historique, la cour d’appel espère ainsi améliorer la communication directe entre les évêques et les procureurs. « On sort d’une ignorance réciproque assez grande. Il faut trouver une aisance de contact », estime Frédéric Benet-Chambellan. Le président de la cour d’appel de Rennes n’est pas le premier magistrat à signer un tel protocole. A en croire les chiffres du nombre d’affaires, son territoire n’est pas le plus concerné par les abus sexuels dans l’Église. Le procureur évoque « douze affaires judiciaires » impliquant des prêtres sur les quinze dernières années, dont deux ont été enregistrées après fin 2020 et la publication du rapport Sauvé. Cette enquête d’ampleur faisait état de « 216.000 victimes potentielles en France » et 3.000 prêtres impliqués.
Les prêtres impliqués ? « La très grande majorité sont décédés »
L’archevêque de Rennes Monseigneur d’Ornellas a lui aussi joué la carte de la transparence expliquant qu’il avait connaissance de « 44 situations impliquant des prêtres et 15 impliquant des frères ou des religieux depuis les années 1936-1937 ». « La très grande majorité des personnes incriminées sont aujourd’hui décédées », a-t-il ajouté. Avec ce protocole, l’Église espère « une clarification dans la manière de gérer ces situations de pédocriminalité » afin « de prendre les décisions les plus justes et que justice soit faite », poursuit l’archevêque.
Lorsqu’ils recueillent des confessions d’abus concernant une personne mineure, les évêques sont tenus légalement de les rapporter à la justice, et ce, même la victime ne souhaite pas déposer plainte. Une obligation qui pourrait constituer un frein à la libération de la parole de certaines victimes. « C’est possible oui. Mais quand une personne se confie, cela ne se fait pas en une rencontre. C’est le fruit d’un dialogue. Ce dialogue doit nous servir à amener la victime à saisir la justice, lui faire comprendre que c’est pour son bien », estime Monseigneur d’Ornellas. « Le secret professionnel est levé dès lors que la victime est mineure. Dans l’hypothèse où la victime ne veut pas porter plainte, l’obligation de rapporter les faits demeure », rappelle Frédéric Benet-Chambellan.
En améliorant le lien de communication entre les évêques et les procureurs des cinq départements concernés, ce protocole devrait aussi aboutir à une meilleure formation des prêtres au recueil de la parole. « Notre plus grand travail, c’est de faire de la prévention, de former nos prêtres à recueillir la confidence dans de bonnes conditions, en dehors même du sacrement », promet l’archevêque.