Criminalité : Voitures de luxe, bijoux, villas… Comment l’État tape au portefeuille des délinquants

ARGENT SALE Créée en 2010, l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués lutte contre la criminalité en s’attaquant au patrimoine des délinquants. Après Lyon et Marseille, deux nouvelles antennes régionales viennent d’ouvrir à Rennes et Lille

Jérôme Gicquel
Une Lamborghini saisi à un délinquant dans la région rennaise vient d'être vendue aux enchères.
Une Lamborghini saisi à un délinquant dans la région rennaise vient d'être vendue aux enchères. — Enchères Domaine
  • Depuis 2010, l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) traque l’argent sale des délinquants et des trafiquants.
  • Les biens saisis ou confisqués peuvent être vendus aux enchères, l’argent revenant ensuite dans les caisses de l’Etat.
  • Après Lyon et Marseille, deux nouvelles antennes régionales de l’Agrasc viennent d’ouvrir au début du mois à Rennes et Lille.

Une Lamborghini Huracan Spyder, une Tesla Model S, une Mercedes Classe S Coupé… A condition d’avoir un peu d’argent, il y avait moyen de se faire plaisir lors de la vente flash qui s’est achevée ce mercredi matin sur le site Enchères Domaines. Tous ces bolides ont été saisis récemment dans la région rennaise et appartiennent à des délinquants actuellement mis en examen dans diverses affaires. Après quelques jours d’enchères, leur vente a rapporté 338.000 euros, une somme qui sera consignée jusqu’à la décision de justice. Si l’accusé est condamné, l’argent ira directement dans les caisses de l’État. « En cas de relaxe, on restituera par contre la valeur des biens saisis », souligne Nicolas Bessone, directeur général de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc).

Créée en 2010, cette agence, placée sous la double tutelle des ministères de la Justice et du Budget, est « le bras armé de l’État pour aller chercher réparation auprès des délinquants en les tapant au portefeuille », selon le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti. En un peu plus de dix ans d’existence, l’Agrasc, dont la devise est « Nul ne doit tirer profit de son délit », s’est d’ailleurs constitué un joli pactole grâce aux escrocs, trafiquants et autres proxénètes. Son compte à la caisse des dépôts et consignation affiche ainsi un solde de 1,5 milliard d’euros.

Villas, yachts, cryptomonnaies ou troupeau de bovins

Chaque année, ses agents s’attaquent au patrimoine des délinquants en saisissant ou en confisquant dans le cadre d’enquêtes leurs biens mal acquis. Il peut s’agir d’objets de luxe comme des bijoux ou des grosses cylindrés mais aussi des villas, des yachts, des assurances vie ou des cryptomonnaies. « On a même saisi une fois un troupeau de bovins », sourit Frédéric Benet-Chambellan, président du conseil d’administration. L’enjeu est bien sûr financier en tapant là où ça fait mal. Mais l’action de l’Agrasc vise aussi à empêcher la commission d’autres infractions. « L’argent sale permet de financer de très nombreux crimes et délits, de la corruption au terrorisme », précise Nicolas Bessone.

Dans certains cas, les biens saisis ou confisqués sont vendus aux enchères. Lors d’une grande vente organisée le 5 novembre pour les 10 ans de l’agence, 2,98 millions d’euros ont ainsi été récoltés. D’autres biens ayant appartenu à des délinquants sont également mis à la disposition des forces de l’ordre, comme des véhicules ou du matériel high-tech, ou à des associations d’intérêt public. En Guadeloupe, la villa d’un escroc devrait ainsi bientôt à accueillir une association proposant des stages de responsabilisation pour les maris violents. Certains immeubles confisqués à des marchands de sommeil ou à des proxénètes ont aussi vocation à être réhabilités pour accueillir du logement social.

Quatre antennes régionales

Pilotée de Paris depuis sa création, l’Agrasc se déploie désormais en région. L’an dernier, deux antennes régionales ont ainsi vu le jour à Lyon et Marseille. « En quelques mois, 28 millions d’euros ont déjà été récupérés », souligne Nicolas Bessone. Pour accentuer la pression sur les délinquants et améliorer l’efficacité des services enquêteurs et judiciaires, deux nouvelles antennes ont ouvert au début du mois à Rennes et à Lille et deux autres devraient suivre l’an prochain à Bordeaux et Nancy.