Présidentielle 2022 : « Le rapport au temps n’est pas le même »… Mathilde et Jason ont quitté Paris pour la campagne bretonne
PORTRAITS DE FAMILLE Avant l’élection présidentielle, « 20 Minutes » vous fait partager les attentes des familles d’aujourd’hui. Rencontre avec Mathilde et Jason, qui ont délaissé la région parisienne pour une petite maison dans la ruralité du Morbihan
- Avant l’élection présidentielle, 20 Minutes a rencontré des familles qui composent la société française d’aujourd’hui. Elles évoquent ce qui a changé au cours de ce mandat, leurs attentes et leur vision du monde politique actuel.
- Aujourd’hui, Mathilde et Jason nous racontent leur départ de Paris pour la campagne du Morbihan et leur statut de néoruraux.
- Le couple et sa fille ont vu leurs modes de déplacement et de consommation changer. La hausse du prix du carburant est devenue une préoccupation plus prégnante.
Ils sont arrivés là un jour de novembre. « Le pire mois de l’année » pour tester leur capacité à vivre ou non à la campagne. Mathilde habitait à Paris depuis presque vingt ans et son arrivée dans la capitale pour y suivre des études de journalisme. Son compagnon Jason y a passé les trente premières années de sa vie. Une enfance dans le Val-d’Oise puis un appartement acheté avec son amoureuse à Asnières-sur-Seine. En 2021, l’arrivée d’Anna a tout chamboulé. Le petit verre de vin en terrasse après le boulot est devenu plus rare. Le partage de la seule chambre de l’appartement de 45 m² plus compliqué. Leur fille n’aura pas connu longtemps la vie à Paris, qu’elle a quittée avant de souffler sa première bougie.
En novembre, le trio a posé ses valises à Guillac, petit village du Morbihan situé à quelques kilomètres de Ploërmel. Un changement de vie radical mais mûrement réfléchi. « La première chose qui m’a marquée, c’est la lumière. A Paris, il ne fait vraiment jamais nuit. Quand on est arrivés ici, à 17 heures, il faisait tout noir, comme si la journée était terminée », témoigne Mathilde.
Premier jour où les transats sont dépliés
Ce changement de vie, cela faisait plusieurs années qu’ils y réfléchissaient. Le Covid-19 a évidemment été un accélérateur mais l’envie était déjà là. Ancien ingénieur du son, Jason avait entamé une reconversion en informatique pour trouver plus facilement du travail en province. Mathilde a préféré quitter son emploi de journaliste pour lancer son activité de vidéaste à destination des artisans du Morbihan. Prudent, le couple a d’abord opté pour une maison en location pour tester sa nouvelle vie mais salue l’accueil spontané des locaux. « Ici, il y a beaucoup moins de monde mais le lien se crée facilement. On tutoie la boulangère, on connaît son prénom », embraye Jason. « Il y a une simplicité dans les rapports humains. A Paris, tu as toujours l’impression de ne pas avoir le temps. A la campagne, le rapport au temps n’est pas le même », ajoute Mathilde.
Alors que le printemps pointe son nez, la famille néorurale commence à profiter des joies d’avoir un jardin au calme. Quand nous passons leur rendre visite, ils viennent de sortir leurs transats pour la première fois. Anna gambade à quatre pattes dans les herbes hautes et s’amuse à cueillir des pâquerettes. Derrière, le ciel est rougeoyant à mesure que le soleil se couche, offrant une large vue sur un paysage vallonné ponctué de champs. Au bord des routes, les narcisses sont en fleur. « Je suis très emballée par notre nouvelle vie. Mais c’est très tranquille, il faut s’y préparer », reconnaît Mathilde, pour qui l’hiver a parfois été un peu long. Des regrets ? « Aucun », répondent-ils. La preuve : cinq mois après son arrivée, le couple vient de s’engager dans l’achat d’une maison à Caden, un petit village situé entre Redon et Rochefort-en-Terre. Comme pour la location, la lutte a été féroce pour trouver ce bien, devenu très prisé. « On n’est pas les seuls à vouloir venir ici, on dirait. On est aussi un peu responsables de cette situation », reconnaissent Mathilde et Jason.
Le prix de l’essence, nouvelle préoccupation du couple
Depuis son arrivée en Bretagne, le couple a dû faire face à une nouvelle donne : la dépendance à la voiture. Leur petite maison installée dans un hameau à plusieurs kilomètres du village ne permet pas de rallier les commerces à pied. « La voiture pour tout, c’est gênant. On n’avait pas réalisé cette contrainte. Avant, on faisait tout à pied », reconnaît Jason. Trois fois par semaine, lui se rend à Rennes pour travailler, soit environ deux heures de route aller-retour. « Avant, je ne me préoccupais pas du prix de l’essence. Maintenant, je regarde à chaque fois que je passe devant une station ». Pour limiter sa dépendance à la voiture, la famille a choisi d’acheter une maison proche du bourg et des commerces.
En attendant l’emménagement, le couple subit comme des millions de Français l’inflation fulgurante du prix du carburant, qui influe sur son pouvoir d’achat : ce qu’il économise en loyer, il le dépense en partie dans l’essence. Un changement inattendu qui n’est pas de nature à chambouler ses intentions de vote, malgré les multiples prises de position des partis politiques en chemin pour l’Elysée. A deux semaines du premier tour de l’élection présidentielle, Jason est déjà fixé sur son ou sa candidate. « Mais je reconnais que je suis plus attentif aux discussions autour de prix du carburant. Ce n’est pas une obsession, mais ça m’interroge ». Mathilde, elle, hésite encore. « Mes considérations politiques n’ont pas changé parce qu’on a déménagé, notamment sur le climat. Mais la guerre en Ukraine, ça joue, j’y suis sensible. J’ai envie de voir comment les candidats se positionnent ».
Au moment où la fraîcheur du printemps breton commence à faire sentir, Anna et ses parents s’apprêtent à rentrer dans leur maison. Dans un peu plus de deux semaines, ils iront tous voter à Guillac pour la première et peut-être la dernière fois de leur vie. Mais c’est bien en Bretagne que leur avenir s’écrira, peu importe le nom du futur ou de la future présidente du pays. A l’heure de ranger les transats pour la nuit, le couple tient le même constat : « On ne réalise pas du tout que l’élection est déjà là. » Le pouvoir de déconnexion de la campagne du Morbihan ? Ou peut-être l’étrangeté de cette campagne présidentielle.
Paris, ils l’aiment toujours !
Cinq mois après avoir quitté la capitale, Mathilde et Jason n’ont pas eu beaucoup l’occasion d’y retourner. Mais à chaque fois, c’était avec plaisir. « On était bien quand on habitait là. Mais quand on y retourne, on y va presque avec des yeux de touristes. C’est une saveur plus unique. C’est là qu’on se rend compte que Paris est l’une des plus belles villes du monde », assure Mathilde. Son conjoint va dans le même sens. « Pour apprécier pleinement Paris, peut-être qu’il ne faut plus y vivre ».