Lyon : Un mois après l’arrivée d’une brigade spéciale, la Guillotière s’est-elle apaisée ?
SECURITE Un effectif policier a été affecté début février au quartier de la Guillotière, pour freiner ses violences récurrentes et rassurer ses habitants. Un mois après, le bilan est mitigé
- Après un renforcement policier constaté cet hiver à la Guillotière, des agents spécialement affrétés patrouillent depuis février de la place Raspail à la Part-Dieu.
- Si certains riverains déplorent le retour des trafiquants dès que la police a le dos tourné, d’autres apprécient l’effet dissuasif de ces rondes quotidiennes.
- La lutte contre la délinquance à la Guillotière est un chantier à long terme, auquel les projets de pétionnisation du quartier risquent d’être contre-productifs.
Les beaux jours reviennent, les trafiquants aussi. Sur la place Gabriel-Péri, au cœur de la Guillotière (Lyon 7), des revendeurs de cigarettes alpaguent les gens qui sortent de la station de métro. Mardi soir, sur une place voisine, un règlement de comptes par balles a grièvement blessé un jeune homme. « C’est reparti comme en quarante », constate Nathalie Balmat, la porte-parole du collectif La Guillotière en colère, « ça continue d’être un bordel sans nom. »
Le retour des trafiquants et du marché sauvage
Début février, pourtant, une brigade dédiée aux quartiers de la Guillotière et de la Part-Dieu est arrivée pour renforcer la présence policière, demandée depuis l’automne dernier par les commerçants et les riverains. « De novembre jusqu’à mi-janvier, on a eu une vraie présence policière », reconnaît Nathalie Balmat. « Après, on savait que ça n’allait pas durer, et c’est ce qui s’est passé. La brigade, on ne la voit pas beaucoup, ou alors elle est discrète. Si on s’en tient aux faits, on peut voir une centaine de dealers, de revendeurs de cigarettes. Dès que les policiers s’en vont, les dealers reviennent instantanément. Le marché sauvage aussi. »
Quant aux projets de la municipalité pour continuer « d’apaiser » le quartier, ils ne rassurent pas Nathalie Balmat : « Un passage piéton qui relie le 3e au 7e est en train d’être construit, on se doute que ça va être suivi de la piétonnisation de la rue Paul-Bert et de la rue de Marseille. Ce que personne ne veut, parce que si on laisse de la place aux délinquants, ils la prendront ! On se tire une balle dans le pied en refusant des aménagements qui pourraient être sympas. Tout le monde a envie de végétalisation, de rues sans voitures. Mais vu l’état actuel du trafic et de la délinquance, c’est leur donner de bonnes conditions pour opérer. »
Des violences moins nombreuses et plus éparpillées
Bruno Dupuis, gérant d’une pizzeria cours Gambetta, avait participé à la manifestation des commerçants en octobre dernier. Pour lui, la brigade arrivée le mois dernier est bien présente, et la situation s’est améliorée. « Je n’attendais pas de miracle du jour au lendemain, il faut être réaliste. C’est une brigade qui travaille sur le long terme, alors on attend de voir si ça assèche un peu les trafics », tempère-t-il. « Moi qui suis là de 8h30 à 1 heure du matin, je vois la police passer, à pied, en voiture, tout au long de la journée. Les agressions sont moins nombreuses, même si on aura toujours des vols de téléphones portables, des règlements de compte. Mais les choses se sont rééquilibrées. »
Bruno Dupuis constate lui aussi que les trafiquants réapparaissent dès que la police patrouille ailleurs. « Vers Saxe-Gambetta, des revendeurs sont toujours là le matin, sous les caméras en permanence, mais plus l’après-midi, parce qu’ils savent qu’une brigade peut leur tomber dessus », explique-t-il. Des mesures juridiques d’interdiction de paraître dans le quartier ont également été prises contre les récidivistes, apparemment efficaces. « On savait aussi que ça allait éclater et éparpiller les délinquants, ce qui complique les choses pour la police, c’est sûr. Mais ça redonne aussi un peu de respiration aux habitants du quartier. »
Pour Lucie, une étudiante qui loue un studio rue Sébastien-Gryphe, la brigade spéciale devrait patrouiller jour et nuit pour qu’elle se sente vraiment en sécurité. « J’adore ce quartier, et ma rue, pour ses bars et ses restos. Mais c’est le soir, la nuit que j’ai peur, je m’arrange toujours pour ne pas rentrer trop tard chez moi. » Elle montre de récentes bagarres dans sa rue, filmées avec son téléphone de sa fenêtre : « C’est assez fréquent, ça éclate d’un coup. Parfois la police arrive, mais c’est trop tard, ils sont déjà partis. Il faudrait peut-être plus de renforts », soupire-t-elle.