Chasse : Après la mort d’une randonneuse, le permis doit-il être réformé pour éviter les accidents ?

SOUS CONTRÔLE La mort d’une randonneuse de 25 ans, abattue par la balle perdue d’une chasseuse de 17 ans, pose des questions sur les conditions de délivrance du permis de chasse

Marie De Fournas
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Image d'archive d'un contrôle de permis de chasse en 1999 au Platier d'Oye (près de Calais).
Image d'archive d'un contrôle de permis de chasse en 1999 au Platier d'Oye (près de Calais). — PHILIPPE HUGUEN / AFP
  • Une jeune femme a été tuée par accident samedi 19 février dans le Cantal par une adolescente de 17 ans qui participait à une battue aux sangliers.
  • La délivrance du permis de chasse en France nécessite de suivre une formation et de réussir une série d’épreuves pratiques et théoriques.
  • Si la sécurité est au cœur de la formation et l’examen, plusieurs organismes trouvent la première trop courte et le second trop facile à obtenir, pour garantir la sécurité lors des chasses.

A chaque nouvel accident de chasse, la pratique et son encadrement font débat et interrogent. La mort tragique d'une randonneuse de 25 ans samedi, tuée par la balle perdue d’une jeune chasseuse de 17 ans n’a pas fait exception, certains s’interrogeant sur les conditions de délivrance du permis de chasse.

En France, on ne peut pas voter, ni conduire seul avant 18 ans, mais on peut posséder une arme et l’utiliser avant sa majorité ? Les conditions d’obtention du permis sont-elles en partie responsables des accidents de chasse ? Doivent-elles évoluer ? 20 Minutes fait le point.

  •  Le permis de chasse peut-il être passé par n’importe qui ?
     

Trois conditions sont à remplir pour pouvoir se présenter à l’examen : avoir 15 ans révolus, fournir un certificat médical ainsi qu’une attestation sur l’honneur certifiant que le candidat n’est pas inscrit au Fichier National des personnes Interdites d’Acquisition et de Détention d’Arme. Un âge minimum critiqué par certains organismes. « C’est aberrant qu’il ne soit pas possible de voter, ni passer son permis avant 18 ans et que l’on puisse avoir une arme de guerre entre les mains à 15 ans », lance Léa Jaillard, cofondatrice du collectif « Un jour un chasseur », créé après la mort de Morgan Keane, tué par un chasseur.

« A 16 ans, on peut même chasser seul sans accompagnateur », ajoute Richard Holding, chargé de communication à l’ASPAS, l’Association pour la protection des animaux sauvages. « Si l’on regarde les statistiques, l’âge n’est pas déterminant dans les accidents, c’est toujours le non-respect des règles élémentaires », contrebalance Nicolas Rivet, directeur général de la Fédération nationale des chasseurs.

  •  La formation est-elle assez complète ?
     

Pour pouvoir passer l’examen du permis de chasse, il est obligatoire depuis 1989 de passer une formation auprès d’une Fédération départementale de chasse. Elle se décompose en une partie théorique d’environ cinq heures et d’une partie pratique sur une journée. « Pour la théorie, les candidats bachotent un livre avec des connaissances sur la réglementation, les armes ou encore la faune », explique Nicolas Rivet. Concernant la pratique, les élèves révisent les quatre épreuves qu’ils passeront lors de l’examen, à savoir évoluer sur un parcours avec une arme, la transporter en toute sécurité dans une voiture, ou encore tirer sur des cibles sans mettre en danger autrui.

Un apprentissage « insuffisant » pour Léa Jaillard, selon qui les candidats devraient par exemple avoir des mises en situation « à la tombée du jour ou encore sous la pluie ». « Il manque aussi une formation basée sur la précision du tir », déplore Richard Holding précisant que les balles « peuvent aller jusqu’à 3 km de distance ». Sauf que pour Nicolas Rivet, ce qui compte pendant la formation et pour la délivrance du permis, c’est « uniquement la sécurité ». « L’efficacité du tir vient avec la pratique », ajoute-t-il. « L’enjeu pour les formateurs ce n’est pas que l’on touche la cible, confirme Quentin, 29 ans, qui a passé son permis il y a cinq ans en Ile-de-France. Pendant la formation, on répète quinze fois chaque exercice avec des formateurs très rigoureux qui rabâchent les règles, jusqu’à ce qu’on les fasse en toute sécurité. »

L’examen du permis est-il donné à tout le monde ?

Une fois cette formation passée, l’inscription aux épreuves reste très accessible avec un montant de 31 euros pour les mineurs et de 46 pour les adultes. La partie pratique de quatre épreuves et celle théorique avec un QCM se déroulent en une demi-journée. L’ensemble est noté sur 31 points et il en faut 25 pour repartir avec le permis. « Contrairement au permis voiture où il faut le code pour passer l’épreuve pratique, là les deux se complètent », regrette Léa Jaillard.

S’agissant du niveau d’exigence, associations et Fédération de chasse n’ont pas le même point de vue. « Chez nous, le permis est assez facile à obtenir », assure Richard Holding. « Il y a plus de 80 % de réussite à l’examen, contre 50 % pour le permis de conduire », donne comme échelle Léa Jaillard. La Fédération nationale des chasseurs souligne pour sa part que certaines fautes sont éliminatoires. « Si vous mettez votre fusil à l’épaule pour tirer une cible alors que l’examinateur a en même temps sorti une silhouette humaine, vous ne poursuivez pas les épreuves », assure Nicolas Rivet. « Lorsque j’ai passé le permis, il y avait un candidat qui faisait n’importe quoi. Il ne l’a pas eu, alors que cela faisait plusieurs fois qu’il le passait », se rappelle Quentin, selon qui les examinateurs étaient « extrêmement pointilleux » et ne délivraient pas le permis « si tu n’étais pas nickel sur les exercices ».

  •  La formation et l’examen du permis doivent-ils être réformés ?
     

Pour l’ASPAS, la précision de tir devrait faire partie des épreuves et être éliminatoire. Une telle condition nécessiterait indéniablement d’allonger la période de formation au permis de chasse « comme c’est le cas en Suisse ou en Allemagne ». Quentin le reconnaît, la formation donne à son sens « le minimum » pour pouvoir chasser en toute sécurité. « Ce qui fait la différence, c’est d’être bien accompagné au début et de pratiquer avec des gens expérimentés. Un peu comme pour le permis bateau où il n’y a que trois jours de théorie et une épreuve dans le port », explique le jeune homme, qui visiblement collectionne les permis.

La Fédération nationale des chasseurs explique faire constamment des efforts pour sécuriser la pratique. « Dans la  loi du 24 juillet 2019, il est maintenant écrit que les chasseurs doivent suivre une remise à niveau d’une demi-journée tous les dix ans », donne en exemple Nicolas Rivet. Un laps de temps beaucoup trop long du point de vue de l’ASPAS qui voudrait également que le certificat médical des chasseurs leur soit demandé chaque année comme c’est le cas pour les sportifs détenteurs d’une licence.

Le collectif « Un jour un chasseur » dénonce par ailleurs le manque de sanctions pour pénaliser les délits de chasse. « Il n’y a rien aujourd’hui pour suspendre un permis si un chasseur est alcoolisé ou envoie sa balle dans le volet d’une maison. Cela n’arrive que s’il tue ou blesse quelqu’un », déplore Léa Jaillard qui suggère d’instaurer un permis à point comme pour celui de conduire.