Lyon : Deux étudiants « sans master » en grève de la faim, un problème insoluble ?

UNIVERSITE Deux étudiants lyonnais se sont mis en grève de la faim, faute d’avoir pu obtenir pour l’instant une place en master dans la filière de leur choix

Caroline Girardon
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Lyon, le 14 novembre 2017. Illustration d'étudiant sur le campus des quais de l'université Lumière Lyon-2 à Lyon.
Lyon, le 14 novembre 2017. Illustration d'étudiant sur le campus des quais de l'université Lumière Lyon-2 à Lyon. — E. Frisullo / 20 Minutes

« Extrêmement fatigué », « épuisé » par la grève de la faim, Rabah a fini par lever le camp ce mardi matin. Et peine à trouver les mots pour s’exprimer. La veille, son amie Iman prise d’un malaise a été conduite à l’hôpital à bout de forces. Les deux étudiants se sont installés devant l’Université Lyon  2 et ont cessé de s’alimenter le 5 octobre, par dépit et par révolte. Parce qu’ils n’ont pu s’inscrire en master afin de continuer leurs études de droit [droits des affaires et redressement des entreprises en difficulté]. Parce qu’ils se sont retrouvés le bec dans l’eau après avoir pourtant fait valoir leur droit à poursuivre leurs études.

Selon le décret du 19 mai 2021, le rectorat a l’obligation de soumettre trois propositions à tous les étudiants, titulaires d’une licence, qui souhaitent s’inscrire en Master. Rabah et Iman ont été recalés de Lyon 3, Lyon 2 et Aix-en-Provence. Sans qu’ils en comprennent les raisons. « De façon surprenante, ma candidature a été refusée par l’Université Lyon 2 puisque l’établissement ne reconnaît pas ma Licence obtenue à l’Université Lyon 3, faculté qui se situe sur le trottoir d’en face, s’étonne Rabah. La candidature d’Iman a été refusée par un motif stéréotypé, envoyé au mot près, à la ponctuation près. »

1.400 étudiants en attente de places dans l’académie

Leur cas n’est pourtant pas isolé. Loin de là. L’académie de Lyon a été saisie de 1.400 dossiers d’étudiants inscrits sur la plateforme gouvernementale Trouver Mon Master. Des étudiants détenteurs d’une licence qui n’ont, pour l’instant, pu s’inscrire nulle part, faute de places disponibles dans les filières recherchées.

Le rectorat a indiqué à 20 Minutes « recenser les endroits où il reste des places pour répondre aux élèves » d’ici la fin du mois d’octobre en tenant compte de l’aspect territorial mais aussi de la filière. « L’idée est de pouvoir leur permettre de continuer leurs parcours dans la région », assure-t-on.

Les dossiers de Rabah et Iman ont été réexaminés la semaine dernière sans que cela n’aboutisse à une solution sur Lyon. Le premier s’est vu proposer d’aller à l’université de Clermont-Ferrand pour s’inscrire en Master. La seconde est invitée à suivre une licence professionnelle à Saint-Etienne. Des propositions qu’ils ont déclinées. « Ces solutions sont inacceptables, réagit Marie Chapleau, membre du syndicat étudiant Unef. Tous n’ont pas les moyens de déménager. Et s’inscrire en licence professionnelle ne garantit pas de pouvoir être admis en master l’année prochaine. »

Des niveaux d’effectifs trop restreints

La jeune femme est pourtant consciente que le problème dépasse largement les frontières lyonnaises. « Cette situation est liée à la politique du gouvernement qui consiste à fermer les portes de l’enseignement supérieur. Des politiques sélectives ont été mises en place au cours de ces dernières années, que ce soit en licence ou en master », dénonce-t-elle. L’obtention d’une mention en licence est d’ailleurs l’un des critères de choix pour les admissions en master. Et les niveaux d’effectifs s’avèrent très restreints. Trop, selon l’Unef. Notamment dans les filières de droit très prisées.

Dans l’académie de Lyon, les chiffres sont éloquents. L’université Lyon-3, dans laquelle étudiaient jusqu’alors Rabah et Iman, a enregistré 35.700 demandes de master 1 en droit pour 1.350 places disponibles. A Lyon-2, plus de 5.200 dossiers pour seulement 255 places. L’établissement a « poussé les murs » afin de monter la jauge à 269 places. « Au-delà, les salles sont pleines. Les profs ne peuvent plus suivre. Et pour avoir des enseignants supplémentaires, il faut de l’argent… Et là, ça coince, souffle-t-on dans les couloirs de l’université. Les universités des grandes villes de France sont sous tension. Les solutions, on ne peut pas les trouver tout seuls. Et la plupart sont loin d’être idéales… »