Coronavirus : Les capteurs de CO2 et les purificateurs d'air dans les classes sont-ils vraiment efficaces ?

RENTREE SCOLAIRE Syndicats d’enseignants et médecins réclament la mise en place de capteurs de CO2 et de purificateurs d’air pour optimiser l’aération dans les salles de classe, et ainsi limiter la propagation du virus

Hakima Bounemoura
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Rentrée des classes dans une école.
Rentrée des classes dans une école. — SIPA
  • L’aération dans les établissements scolaires, présentée comme un outil nécessaire pour lutter contre la propagation de l’épidémie de Covid-19, est au cœur des débats en cette rentrée scolaire.
  • Plusieurs grandes villes et collectivités ont pris les devants en équipant leurs salles de classe de ces appareils, avant la rentrée prévue ce jeudi 2 septembre.
  • « Les capteurs de CO2 peuvent être un moyen de limiter la propagation du virus en lieu clos, puisqu’ils permettent de piloter l’aération d’une pièce », explique Antoine Flahault, professeur épidémiologiste et directeur de l’Institut de la santé globale à Genève en Suisse.

A quelques jours de la rentrée scolaire, l’aération dans les établissements scolaires, présentée comme un outil nécessaire pour lutter contre l’épidémie de Covid-19, est au cœur des débats. Des syndicats d’enseignants et de nombreux médecins réclament la mise en place de capteurs de CO2 (qui mesurent le taux de dioxyde de carbone dans l’air et donc la potentielle saturation en virus) et de purificateurs d’air (dispositifs qui aspirent l’air ambiant, et le filtrent en le débarrassant des particules en suspension) pour optimiser l’aération dans les salles de classe, et ainsi limiter la propagation du virus.

Le ministère de l’Éducation nationale encourage depuis le mois d’avril les collectivités locales à utiliser ces capteurs de CO2 dans les écoles, et les purificateurs d’air pour les salles qui seraient difficiles à aérer. Mais ils ne sont pas « centraux dans notre stratégie », a pourtant expliqué Jean-Michel Blanquer lors de sa conférence de presse de rentrée. « Les capteurs de C02 agissent comme des « thermomètres », le plus important, c’est surtout d’ouvrir les fenêtres le plus souvent possible (…) Quant aux purificateurs d’air, ils ne sont pas utiles dans toutes les circonstances », a-t-il ajouté. Ces appareils, censés prévenir et limiter la propagation du virus auprès des élèves, qui ne sont pas soumis à l’obligation vaccinale​, sont-ils vraiment utiles ?

« Je ne sais pas si c’est vraiment efficace, mais ça rassure beaucoup les parents »

Même si l’Education nationale incite les collectivités à se doter de ces appareils, aucune directive claire ni aide financière pour l’équipement n’a pour l’instant été annoncée. Ce qui n’a pas empêché plusieurs grandes villes et collectivités de prendre les devants afin d’en équiper leurs salles de classe avant la rentrée scolaire, prévue ce jeudi 2 septembre.  À Cannes (Alpes-Maritimes), les 230 classes des 32 écoles « seront toutes équipées » de purificateurs d’air, a ainsi fait savoir Dominique Aude-Lasset, directrice générale adjointe (LR) à la mairie. De nombreuses écoles d’Ile-de-France, de Rhône-Alpes et d’ Occitanie se sont également dotées à leurs frais de ces appareils pour contrôler et améliorer la qualité de l’air dans les classes.

Le maire d’Alfortville (Val-de-Marne), Luc Carvounas (PS) en a également équipé les écoles primaires de sa ville. « Nous avons acheté 52 sondes C02 qui ont commencé à être disposées dans tous les réfectoires des 16 écoles de ma commune, ainsi que dans les crèches et les résidences pour personnes âgées, pour un coût de 6.000 euros », explique l’édile à 20 Minutes. « Dans certaines salles, mal agencées et très peu aérées, nous nous sommes également équipés de 10 purificateurs d’air, qui eux ont coûté plus de 38.000 euros », ajoute Luc Carvounas. « Je ne sais pas si ces appareils sont vraiment efficaces, on le saura dans quelques semaines. Mais ça rassure en tout cas beaucoup les parents et les administrés de ma commune. C’est un aspect très important à prendre en compte dans la gestion de cette crise sanitaire ».

« Ils sont utiles car ils permettent de piloter l’aération d’une pièce »

Dans une tribune signée par une trentaine de médecins et publiée le 19 août dans le Monde, des épidémiologistes, infectiologues et pédiatres préconisent l’utilisation de ces appareils. « La prévention de la transmission par aérosols reste largement insuffisante (…) Les fenêtres doivent être bien plus fréquemment ouvertes et la recommandation d’équiper les établissements de détecteurs de CO2 ne peut suffire : cela doit être la règle. Aucune mesure ne vise les cantines, le recours à des purificateurs d’air n’est même pas mentionné », déplorent ainsi ces médecins, qui critiquent le protocole mis en place par l’Education nationale.

Côté scientifique, les avis sont pourtant bien plus partagés. Si certains reconnaissent l’utilité de ces appareils, d’autres sont bien plus réservés. « Les capteurs de CO2 peuvent bel et bien être un moyen de limiter la propagation du virus en lieu clos, puisqu’ils permettent de piloter l’aération d’une pièce. Car plus le taux de CO2 est élevé dans une pièce, plus le risque de concentration de gouttelettes émises par les individus en respirant est élevé », explique Antoine Flahault, professeur épidémiologiste et directeur de l’Institut de la santé globale à Genève en Suisse. « C’est quelque chose qu’on connaît bien dans le milieu hospitalier depuis plusieurs années. Les purificateurs d’air permettent de travailler en milieu fermé. L’air est aspiré et détruit les virus », explique de son côté Yves Buisson, épidémiologiste et membre de l’Académie de médecine, dans une interview à Marianne.

L’épidémiologiste Catherine Hill reste quant à elle très mesurée sur l’efficacité de ces appareils. « Mettre en place des purificateurs d’air ne peut pas faire de mal aux écoles et aux élèves qui y sont. Mais non, cela n’endiguera pas l’épidémie. Vacciner, tester très régulièrement : voilà les deux seules façons de le faire », a-t-elle expliqué à l’Obs. D’autres médecins et scientifiques, qui se basent notamment sur des données provenant d’autres pays, comme les Etats-Unis, l’Allemagne ou l’Italie, estiment que leur efficacité n’est pas démontrée à ce jour. Le ministère de l’Education a fait savoir qu’une évaluation sera bientôt menée pour déterminer la réelle utilité de ces appareils.