Marseille : « Cela ne sert à rien, les touristes ils marchent sur les trottoirs ! » Le Vieux-Port piéton ne convainc pas tout le monde

REPORTAGE Entre calme retrouvé, aménagements très succincts et problèmes de circulation alentour, on est allé mesurer les impressions après deux mois de test

Caroline Delabroy
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Le Vieux-Port piéton vendredi matin
Le Vieux-Port piéton vendredi matin — C.Delabroy/20 Minutes
  • La ville teste jusqu’à dimanche le Vieux-Port piéton côté mairie, dans le cadre de l’opération « l’été marseillais ».
  • Les voix « pour » se félicitent du calme des lieux, d’autres pointent au contraire les difficultés de circulation sur les axes alentour, et les effets du départ du Petit Train sur le chiffre d’affaires.

« Ah bon, c’est piéton ? » Tout juste arrivées de Paris pour le Delta Festival, Lamine et Laura, 25 ans, n’avaient pas vraiment prêté attention au calme olympien régnant vendredi matin sur le Vieux-Port à Marseille. Juste pris le temps de commander une boisson dans un bar à jus, au pied du Panier, en train d’installer ses tables dehors. On leur explique que d’habitude, des bus, le Petit Train et des voitures dans un sens de circulation passent et que pour l’été, la municipalité teste deux mois totalement piéton sur le Vieux-Port, côté mairie. Fin de l’opération ce dimanche.

A leur décharge, personne ne marche sur la route, préférant déambuler près de l’eau ou profiter des quelques chaises longues en bois installées autour de la grande jardinière (avec brumisateur), près du départ du ferry-boat. « C’est agréable, il n’y a pas de bruit, à première vue c’est sympa », jugent les amies. « Et la signalétique 'l’été marseillais' qu’on voit un peu partout, c’est con, mais ça attire, on se dit qu’il y a une vraie programmation, on sent que la mairie a voulu faire quelque chose, j’apprécie », complète Laura.

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fsdf - C.Delabroy/20 Minutes

« Cela énerve tout le monde »

Un peu plus loin, le cabanon de « l’été marseillais » renseigne les premiers passants. Un papa qui cherche le départ du Petit Train, reporté en bas de la Canebière, un groupe d’amis qui veut savoir que faire à Marseille. A l’ardoise, les activités de la journée, « coach bien-être » place Bargemon, et « piste routière » et autre ciné plein air ne les intéressent pas vraiment : « On ne veut pas faire d’animations, on passe juste ». La personne de l’office de tourisme leur parle des Îles du Frioul, déployant le plan de Marseille.

« Oui, c’est bien pour les touristes à la rigueur, quoique ça sert à rien, ils marchent sur les trottoirs, mais pas pour les Marseillais », lâche un commerçant de la rue de la Loge, derrière le Vieux-Port. « Pour les livreurs, c’est l’horreur, en plus ils se prennent des amendes, et les coups de klaxons à toute heure, ça énerve tout le monde, poursuit-il. Franchement, qu’ils arrêtent d’abord de faire partir les avions, les bateaux, c’est eux qui polluent le plus ! » Sans compter la perte des touristes du Petit Train, qui se répercutent selon lui sur le chiffre d’affaires.

« C’est à améliorer »

Pierre, qui travaille dans un commerce dans une rue latérale au Vieux-Port, mesure lui aussi l’impact du départ du Petit Train. « Ceci dit, on n’était pas contre en soi la piétonnisation, mais derrière cela n’a pas suivi. Cela reste un lieu de passage, je ne suis pas sûr que tout ait été fait pour que ce soit un lieu de vie. » Il est l’un des rares commerçants sur le Vieux-Port à accepter de répondre, comme si l’évocation du sujet, à proximité de la mairie centrale, ou bien le ras-le-bol des questions sur le pass sanitaire, favorisait un silence prudent.

« Cela manque un peu de verdure, d’animation, c’est à améliorer », lâche une serveuse venue de Paris pour la saison. « Il n’y a pas un parasol quand le soleil cogne, trois fleurs, un brumisateur, on sent que c’est pas encore rodé, sourit-elle. A leur décharge, c’est la première année. » Présidente du CIQ (comité d’intérêt de quartier) du Vieux-Port-Hôtel-de-Ville, Denise Renucci a un avis nuancé sur la question. « Le quartier est plus apaisé le matin et dans la semaine, c’est calme, c’est agréable », témoigne-t-elle.

« Mais l’effet piétonnisation, conjugué à la surpopulation que l’on connaît depuis deux ans en été, a amplifié les nuisances », ajoute-t-elle, citant les embouteillages, notamment dans les rues Bonneterie et de la République, et « le développement important des épiceries de nuit. » Selon elle, la piétonnisation serait plutôt à tester « sur une période calme et normale, au moment où la ville se retrouve. » Après l’été, un automne marseillais ?