Paris : « Il faut empêcher les dealers de crack de se réinstaller », explique le maire du 19e arrondissement

INTERVIEW Le maire du 19e arrondissement de Paris, François Dagnaud, revient sur l'évacuation des consommateurs de crack des Jardins d'Eole, mercredi matin

Caroline Politi
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François Dagnaud (maire du 19e arrondissement) et Anne Hidalgo
François Dagnaud (maire du 19e arrondissement) et Anne Hidalgo — PATRICK GELY/SIPA
  • Pendant un mois et demi, les consommateurs de crack ont été regroupés aux Jardins d’Eole (18e arrondissement), pour qu’ils quittent la place Stalingrad.
  • Ils ont été évacués mercredi matin pour rendre cet espace vert aux riverains, à la demande d’Anne Hidalgo.
  • Le maire du 19e arrondissement, François Dagnaud (PS), refuse qu’un « quartier de Paris porte à lui seul toute la problématique du crack en France ».

Anne Hidalgo en avait la promesse : les consommateurs de crack, regroupés depuis la mi-mai dans les Jardins d’Eole, à la lisière des 18e et 19e arrondissements de Paris, ont été évacués dans la nuit de mardi à mercredi. Et le parc, après avoir été nettoyé de fond en comble, a été rendu aux riverains. Mais aucune solution immédiate n’a été apportée pour prendre en charge les quelque 150 toxicomanes, dont la grande majorité est en situation d’errance. Raison pour laquelle la préfecture s’opposait à cette évacuation. Interview de François Dagnaud, le maire PS du 19e arrondissement de Paris.

A la mi-mai, lorsque la Mairie de Paris et la préfecture de Paris avaient décidé de regrouper les consommateurs de crack dans les Jardins d’Eole, vous aviez évoqué « la moins mauvaise des solutions ». Quel regard portez-vous sur son évacuation aujourd’hui ?

J’ai tenu ces paroles au moment de la mise en place de ce nouveau plan mais il faut garder en tête les engagements de l’époque : une présence très importante des associations d’aides aux toxicomanes et une présence renforcée des services de sécurité pour éviter un report vers les immeubles voisins. Force est de constater que cela n’a pas été le cas. Cette évacuation, c’est un engagement que nous avons pris auprès des riverains. Elle était attendue et est vécue comme un soulagement même si elle reste qu’une étape.

Aucune solution de prise en charge de ces toxicomanes n’a pour l’heure été arrêtée. N’avez-vous pas peur d’un report de cette population, dont la majorité est en situation d’errance, aux alentours ?

Bien sûr, qu’il y a de l’inquiétude et des interrogations mais nous n’allions pas rester éternellement dans cette situation de statu quo. Il fallait trouver une solution, les riverains ne comprenaient pas qu’on puisse laisser des gens se droguer sans être inquiété dans le parc à côté de chez eux. Nous n’allions donc pas faire ailleurs ce qui a été mal perçu ici. Il faut des solutions sur le long terme, c’est pour cette raison que nous en appelons à l’État. Un quartier de Paris ne peut pas porter à lui seul toute la problématique du crack en France. Nous plaidons pour un réseau métropolitain de lieux d’hébergement avec un accompagnement médico-social, voire psychiatrique. Et pour attirer ces personnes en situation de dépendance, il faut pouvoir les laisser consommer.

Mais pour l’instant, aucun lieu n’a été arrêté. Et cela prendra au mieux plusieurs semaines, voire des mois. Comment gérer cet entre-deux ?

Il peut y avoir des solutions intermédiaires, notamment des lieux ouverts de prise en charge, à l’écart de la population mais ce patrimoine appartient plutôt à l’État.

La situation s’était-elle améliorée autour de la place Stalingrad depuis le regroupement des toxicomanes aux Jardins d’Eole ? Ne craignez-vous pas une « rechute » ?

On a constaté une nette amélioration dans le quartier Stalingrad-Flandres, notamment la journée et en début de soirée. On croise encore quelques toxicomanes mais ce n’est plus comme avant, lorsqu’il y en avait des dizaines qui stagnaient dans l’espace public. Donc, évidemment, on va veiller à ce qu’il n’y ait pas de retour en arrière. Il faut à tout prix empêcher les dealers de se réinstaller dans le quartier puisque les consommateurs les suivront. Personne ne peut accepter de voir un quartier sous l’emprise du crack.