Lyon : Quand les femmes s'installent derrière les platines
PARITE Le Sucre, établissement nocturne de Lyon, forme depuis le début de l'année des femmes DJ afin d'amener davantage de parité dans sa programmation
- Fermé durant de longs mois en raison des restrictions sanitaires, le Sucre en a profité pour former des jeunes femmes au métier de DJ.
- Une trentaine a en a déjà bénéficié, certaines mixeront même lors du festival Nuits sonores.
- Il s’agit ainsi de rétablir un équilibre dans le milieu, très largement fréquenté par des hommes.
Casque vissé sur les oreilles, mains posées sur la console, Céline est installée derrière les platines, écoutant attentivement les conseils prodigués par Chloé. Pendant ce temps, Farah et Fanny attendent de pouvoir mixer à leur tour. Un exercice bien plus compliqué qu’il n’y paraît. Les jeunes femmes doivent apprendre à jongler avec tous les boutons de la table, s’assurer que le disque à venir soit calé sur le bon temps en surveillant les niveaux, et penser déjà au prochain enchaînement. Tout un art, on vous dit !
Contraint de baisser le rideau en raison des contraintes sanitaires, le Sucre, haut lieu des nuits lyonnaises dédié aux musiques électroniques, n’est pas resté inactif. Loin de là. Pendant ces longs mois de fermeture, les gérants ont eu l’idée de former des DJ. Uniquement des femmes. « L’objectif est d’avoir un maximum de parité dans notre programmation, explique Maëva Jullien, chargée de la production. Nous avions vraiment cette volonté de s’engager pour rétablir un équilibre et renouveler la scène lyonnaise qui en a bien besoin. »
91 % des artistes programmés sont des hommes
En France, les chiffres sont éloquents : en 2018, 91 % des artistes programmés dans les clubs étaient des hommes, dont 70 % d’hommes blancs. « A Lyon, le chiffre est encore pire », sourit Fanny, apprentie DJ. La jeune femme de 31 ans, travaille pour Arty Farty, l’organisateur des Nuits sonores à Lyon. Elle n’a pas hésité quand on lui a proposé de prendre des cours de DJing.
Les séances ont lieu tous les samedis par petit groupe de 2 ou 4 personnes. Depuis le début de l’année, une trentaine de femmes a déjà été formée. Certaines mixeront lors des prochaines Nuits Sonores (20-25 juillet). Participer à cet événement serait le « Graal » de Fanny. « Pour l’instant, je ne me suis pas encore lancée. Il me faudra encore quelques créneaux pour m’entraîner, confesse joyeusement la trentenaire. Mais dès que je serai prête, j’espère animer des soirées au Sucre. »
Casser les stéréotypes
Farah, 26 ans, qui n’a « pas l’ambition de devenir une artiste », est venue pour se « faire plaisir ». Gravitant dans le milieu associatif musical, la jeune femme a été bénévole pendant trois ans pour le festival Nuits sonores. Ce qui lui a donné l’envie de s’investir davantage. « Mon papa était DJ, je me dis que ça doit venir de là… Le naturel revient au galop », rigole-t-elle, savourant cette « chance inouïe » d’apprendre à mixer. « On voit que les lignes bougent », ajoute-t-elle soucieuse de « casser les stéréotypes ». C’est d’ailleurs le credo de Chloé, connue dans le milieu sous le nom de Bernadette.
A 28 ans, la jeune femme compte cinq années de mix derrière elle. Elle a fini par délaisser la harpe, dont elle a joué durant douze ans, pour basculer doucement vers les platines. Depuis, elle a fondé l’association « Move ur gambettes » afin de promouvoir les musiques électroniques « au féminin ». Les cours qu’elle dispense l’emmènent tantôt à Marseille, Grenoble, Paris ou Bordeaux. « Cela me tenait à cœur d’enseigner à des minorités de genre, des personnes handicapées ou racisées, car il y a vraiment un manque de parité dans le milieu », confirme-t-elle.
« Beaucoup de femmes n’osent pas venir, elles pensent qu’elles n’auront pas leur place et que ce milieu est réservé, appuie Maëva. Elles ont pourtant le même amour de la musique que les hommes et se débrouillent aussi bien sur le plan technique ». L’annonce de l’ouverture des cours a pourtant suscité un réel engouement. « On reçoit des demandes d’inscription tous les jours… », conclut Maëva.