La filière porcine toujours divisée sur l’interdiction dans six mois de la castration à vif

DEBAT Ce type de castration sans anesthésie concerne encore la grande majorité des élevages français et près de 10 millions de porcelets par an

20 Minutes avec AFP
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Illustration d'un élevage de cochons en Bretagne.
Illustration d'un élevage de cochons en Bretagne. — S. Salom Gomis / Sipa

La question de la castration à vif des porcelets divise toujours autant. Cette pratique va pourtant devoir évoluer d’ici six mois pour atténuer la douleur des animaux. C’est en effet acté depuis un arrêté de février 2020 : la filière porcine n’aura plus le droit de la pratiquer à compter du 1er janvier 2022.

Mais les réticences sont encore nombreuses. Cette opération permet en effet d’avoir une viande plus grasse, des animaux moins agressifs et de se prémunir de l’odeur d’urine dégagée à la cuisson par certains mâles « entiers ». Elle concerne encore la grande majorité des élevages français et près de 10 millions de porcelets par an.

Bientôt une anesthésie locale

Le problème est que l’opération est très douloureuse pour le porcelet et déplaisante pour l’exploitant. Ainsi, depuis plusieurs années, un anti-inflammatoire est administré pour atténuer les douleurs postopératoires. A l’avenir, les élevages devront aussi pratiquer une anesthésie. Le ministère de l’Agriculture doit d’ailleurs rédiger une instruction technique sur le sujet.

« On se dirige vers de l’anesthésie locale par injection intratesticulaire », indique Valérie Courboulay, ingénieure d’études à l’Ifip, un institut au service de la filière porcine. Selon elle, ce geste « pas très difficile en soi » permet une « amélioration significative de la prise en charge de la douleur ». Toutefois, ce scénario désole les associations de défense des animaux d’élevage et les éleveurs favorables à l’arrêt de la castration. Ce sera « très difficilement conciliable avec les cadences des élevages », estime ainsi Sandy Bensoussan-Carole de l’ONG Welfarm.

Bigard « maintiendra la castration »

Depuis son élevage du Finistère​, Jean-Jacques Riou juge lui aussi « ubuesque » le protocole envisagé. L’ex-président du marché au porc breton est à la tête d’une association d’éleveurs défendant la production de mâles entiers. Mais lui-même doit toujours castrer les porcelets, son groupement de producteurs n’ayant pas de débouché pour les mâles entiers. Les industriels de l’abattage, réunis dans l’organisation professionnelle Culture Viande, refusent ces viandes présentant un risque de mauvaise odeur. « Bigard maintiendra la castration » pour les porcs qui passeront dans ses abattoirs, a d’ailleurs déclaré Thierry Meyer, directeur de la filière porc de ce poids lourd du secteur. Selon lui, le groupe répond aux attentes de ses clients. Le cahier des charges du jambon de Bayonne, par exemple, exclut les mâles non castrés, dont les gras sont jugés inadaptés pour le séchage.

Au final, les éleveurs plaident pour que la castration soit pratiquée uniquement sur dérogation et non imposée par défaut à la plupart d’entre eux. Le leader français du porc Cooperl a ainsi montré la voie : 85 % des 2.700 éleveurs de la coopérative produisent des mâles entiers. Dans ses abattoirs, Elle s’est désormais armée du seul dispositif fiable pour détecter les carcasses malodorantes (entre 1 % et 2 % des mâles) : le nez humain.