Congé parental : « Certains pères se disent que ce dispositif est une affaire de femmes »
INTERVIEW Pour inciter les pères à prendre davantage un congé parental, les auteurs d’une étude préconisent une « réforme plus ambitieuse » et une meilleure indemnisation
- Une réforme a été votée en 2015 pour encourager le recours des pères au congé parental afin qu’ils consacrent davantage de temps aux tâches parentales et pour inciter les mères à retourner sur le marché du travail plus rapidement.
- Mais selon une étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques, moins de 1 % des pères ont pris un congé parental à temps plein après la naissance de leur enfant.
- Pourtant, le gouvernement ambitionnait d’atteindre 25 % de taux de recours des pères à ce congé. Indemnisation, « affaire de femmes »… Hélène Périvier, économiste à l'OFCE et coautrice du rapport, a expliqué à « 20 Minutes » pourquoi ce dispositif séduit peu.
Alors qu’une réforme en vigueur depuis 2015 ambitionnait de porter à 25 % le taux de pères qui prennent un congé parental à temps plein après la naissance de leur enfant, ce sont finalement moins d’1 % d’entre eux qui en ont profité, révèle une étude réalisée par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), publiée ce mercredi.
Depuis début 2015, pour les familles ayant au moins deux enfants, le congé parental ne dure plus trois ans, mais deux, sauf si les parents se le partagent : par exemple la mère peut s’arrêter de travailler deux ans, et le père prendre le relais la troisième année. Malgré ce texte, l’écrasante majorité des pères n’en n’ont pas profité. Faible indemnisation, « effet de genre », méconnaissance… Selon les auteurs, les raisons sont nombreuses. 20 Minutes fait le point sur cette étude avec Hélène Périvier, économiste à l’OFCE et coautrice du rapport.
Que révèle cette étude sur la prise du congé parental par les pères ?
Malgré la réforme, le taux de recours des pères au congé parental « n’a presque pas augmenté ». Il est passé de 0,5 % à 0,8 % pour un congé à plein temps, contre près de 14 % pour les mères (pour un premier enfant). Pour le congé à temps partiel, c’est-à-dire les salariés qui continuent à travailler mais qui réduisent leur temps de travail, seuls 0,9 % des pères d’un enfant (13,2 % des mères, toujours pour un premier enfant) et 1,8 % des pères de deux enfants ou plus l’ont pris. L’objectif de la réforme n’est pas atteint. La réforme n’a pas permis d’accroître le recours des pères à l’allocation de congé parental.
L’objectif de la réforme c’était que l’autre parent, en l’occurrence le père, prenne la dernière année, mais également que cela permette aux mères de revenir sur le marché du travail plus vite. Et cet objectif-là est atteint. Beaucoup de mères ont bénéficié du congé parental, deux ans au lieu de trois, et ont retrouvé leur poste au bout de 24 mois, dans les conditions dans lesquelles elles l’avaient laissé.
Pourquoi les pères sont-ils si peu nombreux à prendre ce congé parental ?
La première cause, la plus importante, c’est évidemment le faible montant de l’indemnisation proposée. Quelle que soit la rémunération antérieure, le parent perçoit 399 euros par mois pour un congé à temps plein, 258 euros pour un congé à temps partiel et 149 euros pour 80 % du temps de travail. C’est vrai que ça ne rend pas le congé attractif pour les pères. Un congé parental engendre forcément des pertes de revenus pour le couple, et souvent, c’est le père qui gagne mieux sa vie. Les couples ont tendance à choisir, pour le congé parental, celui qui gagne moins, et c’est souvent la mère.
Pour les pères qui travaillaient déjà à temps partiel avant la naissance de leur enfant, c’est différent, ils n’auraient rien à perdre à demander un congé partiel. En plus de leur revenu habituel de temps partiel, ils toucheraient une indemnité de 149 à 258 euros par mois. On s’attendait à ce que tous les pères qui travaillent à temps partiel prennent l’allocation à temps partiel, car c’est du bonus, mais 70 % des pères ne le font pas, contre 25 % des mères dans la même situation.
Les hommes considèrent-ils que le congé parental est genré ?
Oui, il y a certainement un effet genré du congé parental. Certains pères se disent que ce dispositif ne les concerne pas, qu’il n’est pas prévu pour eux, que c’est une affaire de femmes, ou bien ils sont dissuadés parce qu’ils constatent que leurs collègues masculins n’y recourent pas. Et puis, quand on regarde qui s’occupe de l’organisation de la vie de famille autour de l’arrivée d’un enfant, ce sont quand même souvent les mères qui gèrent. Il y a sûrement aussi une méconnaissance de leurs droits. Les pères sont moins au courant de leurs droits, de ce qu’ils peuvent faire en matière de paternité.
Que préconisez-vous pour rendre ce congé parental plus attractif pour les pères ?
La question de l’indemnisation semble être la plus importante. Il faudrait donc revoir le montant, avec une indemnisation calculée en proportion du salaire passé, ou un congé plus court qui engendrait des pertes de revenus moins importantes. Il faudrait aussi une réforme plus ambitieuse du congé parental, qui doit englober aussi une réforme de la petite enfance avec la scolarisation. Enfin, il faudrait une grande campagne qui devrait être lancée pour informer et sensibiliser les parents, surtout les pères, sur ce dispositif de congé, le rendre plus visible, car il concerne autant les pères que les mères. Il faut réduire le biais de genre qui affecte ce dispositif.