Réfugié, un militant kurde a été interrogé par des policiers français à la demande de la Turquie

INFO 20 MINUTES Vedat Bingol a été interrogé par la police française, mercredi, après une demande de la Turquie, sur la base d’une convention internationale

Mathilde Cousin
Une manifestation en soutien aux Kurdes à Paris, le 12 octobre 2019.
Une manifestation en soutien aux Kurdes à Paris, le 12 octobre 2019. — BUFKENS CEDRIC/SIPA
  • Vedat Bingol, un militant kurde réfugié en France, a été entendu mercredi par des policiers du Val de Marne.
  • Il a été auditionné à la demande de la Turquie dans le cadre d’une convention internationale.
  • La justice turque lui reproche des faits de « propagande d'une organisation terroriste », ce qu’il conteste.

Trois jours après les déclarations d’Emmanuel Macron sur les risques « d’ingérence » turque lors de la prochaine présidentielle en France, voilà un nouveau chapitre dans des relations diplomatiques agitées entre les deux pays. Selon nos informations, un militant kurde réfugié dans l’Hexagone a été interrogé, mercredi, par des policiers français à la demande de la Turquie.

Co-président du Conseil démocratique kurde en France (CDK-F) de 2016 à 2019, Vedat Bingol a été convoqué, mercredi, au commissariat de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) sur la base d’une demande d’entraide pénale internationale. La justice turque lui reproche des faits de « propagande d’une organisation terroriste », un qualificatif qui n’existe pas dans le droit pénal français. En cause, une dizaine de tweets publiés en 2018 et 2019 accusés de critiquer la politique étrangère de la Turquie.

« Hors de question qu’il réponde aux autorités turques »

« Lors de la convocation, j’ai affirmé que je ne faisais pas de propagande, que je ne faisais que partager des informations », détaille Vedat Bingol à 20 Minutes. Son avocate, Camille Souleil-Balducci, ajoute que son client « était prêt à apporter des éléments de réponse aux autorités françaises mais qu’il était hors de question qu’il réponde aux autorités turques. »

Pour l’heure, le militant n’a pas accès à son dossier. Comme le prévoit la demande d’entraide internationale, son audition doit être transmise à la Turquie. Contactée par 20 Minutes, l’ambassade de Turquie en France n’a pas donné suite à nos sollicitations. Mais aux dires des militants du CDK-F, cette audition d’un kurde réfugié réclamée par la Turquie serait une première en France. En Allemagne, des militants kurdes auraient également été entendus, toujours selon le CDK-F.

Des avoirs gelés en 2019 et 2020

« La France accepte d’entendre des personnes qui sont poursuivies pour leur liberté d’expression », déplore Camille Souleil-Balducci, qui rappelle que son client « est réfugié politique » et qu’à ce titre, il bénéficie d’une « protection de la France ». Cette audition « est choquante pour nous », abonde Agit Polat, actuel porte-parole du CDK-F, qui regroupe 24 associations kurdes de France.

En 2019, l’administration française avait déjà décidé de geler les avoirs de Vedat Bingol pour une durée de six mois, avant de renouveler la mesure en 2020, ce que les militants ont contesté. Dans sa décision, l’administration cite le code monétaire et financier, dont un article autorise le blocage des fonds de personnes soupçonnées de terrorisme. Mais elle ne détaille pas les faits qu’elle reproche précisément aux militants.

« Aujourd’hui, Vedat Bingol et moi pouvons justifier la provenance et la dépense du moindre centime d’euro ayant circulé sur nos comptes, développe Agit Polat. A aucun moment, on nous a reproché de financer le terrorisme. » A ce propos, Camille Souleil-Balducci pointe les incohérences de l’administration qui a laissé plusieurs mois s’écouler avant le renouvellement de ce gel.

Une dizaine de militants kurdes en garde à vue

Par ailleurs, 20 Minutes a eu confirmation de source judiciaire du placement en garde à vue mardi d’une dizaine de militants kurdes, résidant principalement dans le sud de la France. Une information judiciaire a été ouverte pour « association de malfaiteurs terroristes » et « financement d’une entreprise terroriste ».

Ces militants étaient encore en garde à vue jeudi. Les faits qui leur sont reprochés seraient en lien avec le PKK, le parti des travailleurs du Kurdistan, que l’UE a classé dans une liste de groupes « impliqués dans des actes de terrorisme » et « faisant l’objet de mesures restrictives ». Ces arrestations ne sont pas liées à l’audition de Vedat Bingol.