Coronavirus en Ile-de-France : « En une semaine, le nombre de nouveaux cas chez les 10-19 ans a augmenté de 44 % »

INTERVIEW Réanimations saturées, hausse de l’incidence mais également perspective de vaccination… Le directeur adjoint de l’ARS d’Ile-de-France, Nicolas Péju, revient pour « 20 Minutes » sur la situation francilienne une semaine après le troisième confinement

Caroline Politi
Les réanimations sont saturées alors que la troisième vague fait rage en Ile-de-France
Les réanimations sont saturées alors que la troisième vague fait rage en Ile-de-France — BERTRAND GUAY / AFP
  • En Ile-de-France, le taux d’incidence est désormais supérieur à ce qu’il était lors de la deuxième vague. Malgré les mesures de freinage mis en place la semaine dernière, la situation se dégrade.
  • Avec près de 1.400 malades en réanimation, les services sont d’ores et déjà saturés.

Ce printemps ressemble à s’y méprendre à celui de l’an dernier… et cela ne dit rien qui vaille. Une semaine après le début du troisième confinement – ou de la mise en place des « mesures de freinage », comme préfère les appeler le gouvernement –, les chiffres du coronavirus en Ile-de-France donnent le tournis. Ce jeudi, 1.410 patients atteints par le Covid-19 se trouvent en réanimation, c’est 300 en plus qu’à l’automne dernier, au pic de la seconde vague. Et la situation ne devrait pas s’améliorer dans les jours à venir puisque l’incidence – c’est-à-dire le nombre de nouveaux cas sur les sept derniers jours – poursuit sa flambée et s’établit désormais autour de 600 cas pour 100.000 habitants. Alors que de plus en plus de voix s’élèvent pour un durcissement des mesures, 20 Minutes fait le point avec le directeur adjoint de l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France, Nicolas Péju.

Nicolas Péju, directeur adjoint de l'ARS d'Ile-de-France
Nicolas Péju, directeur adjoint de l'ARS d'Ile-de-France - ARS

Les chiffres sont depuis quelques semaines alarmants dans la région. Quelle est précisément la situation ?

La circulation virale progresse très fortement, en Seine-Saint-Denis et dans le Val-d’Oise, l’incidence a dépassé les 700 cas pour 100.000 habitants, et les services de réanimation sont d’ores et déjà saturés. Ce jeudi soir, 1.410 patients ayant contracté le Covid-19 sont en soins critiques auxquels s’ajoutent les 1.100 patients hospitalisés dans ces services pour d’autres pathologies. D’ordinaire, il faut bien se rendre compte qu’il y a en tout et pour tout 1.150 lits de réanimation en Ile-de-France. Pour faire face à cet afflux nous avons été obligés d’intensifier les déprogrammations : on est passé de 40 % à un objectif de 80 %. La situation actuelle est vraiment extrêmement préoccupante.

Est-ce pire que lors de la première vague ?

Chaque vague est différente de la précédente mais ce qui est certain c’est que celle-ci a déjà dépassé celle de l’automne, tant en intensité qu’en gravité. Contrairement à la première vague, nous ne pouvons pas espérer de renforts d’autres régions, c’est la raison pour laquelle nous sommes obligés de faire appel au personnel d’autres services ce qui implique des déprogrammations mais également de former en urgence ces soignants. L’arrivée du variant a modifié la donne mais il y a également la perspective de la vaccination qui change tout.

Quel est le profil des personnes actuellement hospitalisées en réanimation ?

On note un rajeunissement. Au cours des 30 derniers jours, l’âge moyen est passé de 65 à 63,6 ans. Cela suit la courbe des contaminations, l’incidence chez les personnes de plus de 80 ans baisse, grâce notamment à la vaccination, alors qu’elle augmente très fortement chez les 20-60 ans. Les réanimateurs nous signalent également que ce sont des personnes qui présentent moins de comorbidités qu’auparavant. Des études sont en cours mais cela pourrait être un des effets des variants.

Les mesures de freinage mises en place sont-elles suffisantes ?

Les chiffres ne sont pas bons, l’incidence a progressé cette semaine de 33 % au niveau régional et pour l’instant, on ne note pas d’inflexion. Mais il s’agit de personnes qui ont été contaminées avant les annonces gouvernementales, nous n’avons pas encore le recul nécessaire pour dire si ces mesures seront efficaces. L’expérience nous a appris qu’il fallait au moins une quinzaine de jours pour en voir les premiers effets.

L’autre sujet de débat ces derniers jours est la fermeture des écoles. Quelle est la situation actuellement ?

Le 24 mars, il y avait 800 classes et 30 établissements scolaires fermés dans la région. L’incidence chez les plus jeunes suit la tendance générale et s’accélère donc très nettement ces dernières semaines. Rien qu’entre le 18 et le 25 mars, le taux d’incidence chez les 10-19 ans est passé de 476 à 685 cas pour 100.000 habitants dans la région parisienne. C’est 44 % de plus en une semaine. Cette très forte augmentation peut néanmoins partiellement s’expliquer par une augmentation du dépistage des plus jeunes.

Le débat selon lequel les enfants seraient moins contaminants n’a donc plus lieu d’être…

Non. Je pense qu’aujourd’hui tout le monde s’accorde pour dire que les enfants peuvent être contaminés et donc contaminants.

Certaines voix proposent d’avancer les vacances scolaires de deux semaines. Avez-vous noté, au cours de cette dernière année, un lien entre les vacances et la progression de l’épidémie ?

Oui, il y a moins de contaminations pendant les vacances car les établissements scolaires sont des lieux où les interactions sociales peuvent augmenter la circulation du virus. Mais la priorité pour l’instant est de faire baisser globalement la circulation du virus en appliquant les mesures de freinage.

L’accélération de la vaccination attendue dans les prochaines semaines peut-elle endiguer cette troisième vague ?

Elle a déjà beaucoup augmenté au mois de mars. A la fin du mois de février, on s’attendait à recevoir 300.000 doses pour le mois de mars. Finalement, nous avons réalisé ce mois-ci 800.000 injections. Mais la vaccination, si elle nous permettra de sortir de l’épidémie, n’a pas un effet à court terme, elle ne va pas ralentir la circulation virale. Seules les mesures de freinage sont efficaces pour casser la dynamique.

Combien de vaccinodromes verront le jour en Ile-de-France ? Quelles sont les prévisions de vaccination au mois d’avril ?

Pour l’instant, deux centres de grande capacité ouvriront au cours du mois d’avril, l’un au Stade de France, l’autre à Saint-Quentin-en-Yvelines. Ils vaccineront en parallèle des centres actuels dont la dotation en doses augmentera également. S’ils ne parviennent pas à faire face, nous en ouvriront d’autres. On prévoit de réaliser environ un million d’injections en avril.

Le pourcentage de soignants vacciné a-t-il augmenté ?

Il progresse chaque jour. Dans les Ehpad, plus de 60 % des soignants sont vaccinés, à l’hôpital c’est un peu plus de 35 %. C’est un peu au-dessus du taux de vaccination pour la grippe mais il faut poursuivre nos efforts.