Coronavirus : Olivier Véran n’a-t-il vraiment jamais été opposé aux vaccinodromes ?
FAKE OFF « Il n’y a jamais eu de religion antivaccinodrome » au sein du gouvernement, selon le ministre de la Santé
- En annonçant, lundi 22 mars, la prochaine ouverture d'au moins 35 vaccinodromes contre le Covid-19, Olivier Véran entend accélérer la campagne nationale lancée fin décembre.
- Ce choix lui a toutefois valu des critiques de la part d'élus qui réclamaient de longue date la mise en place de ces grands espaces de vaccination, et s'étaient vu opposer le refus du gouvernement, qui privilégiait des centres de vaccination de proximité, de plus petite taille.
- « Il n’y a jamais eu de religion anti-vaccinodrome », s'est défendu à ce propos le ministre de la Santé, alors qu'il s'est montré sceptique de leur pertinence ces derniers mois.
C’est un changement de cap majeur dans la stratégie française de vaccination anti-Covid-19 : l’ouverture prochaine, dans l’Hexagone, d’au moins 35 vaccinodromes afin de pouvoir utiliser toutes les doses livrées à partir d’avril.
En annonçant, lundi 22 mars, le développement par le service de santé des armées d’ « un certain nombre de grands centres de vaccination – [qu’on peut] appeler "vaccinodromes" ou "mégacentres" », Olivier Véran s’est vu reprocher par certains élus un revirement des plus tardifs. Nombre d’entre eux réclamaient en effet l’ouverture de tels espaces de longue date… sans succès, le gouvernement ayant jusque-là misé sur une stratégie de proximité fondée sur le déploiement de centres locaux de taille plus réduite mais mieux répartis sur le territoire et plus nombreux.
Pourtant, à en croire Olivier Véran, le ministère de la Santé n’était pas fondamentalement hostile à ces mégacentres installés dans des stades, hangars ou gymnases et capables de vacciner chaque jour des milliers de personnes, auxquels recourent depuis plusieurs mois certains voisins européens comme l’Allemagne. « Il n’y a jamais eu de religion antivaccinodrome. […] Le principe que j’ai soutenu et que je revendique, […] c’était celui de ne pas sacrifier la proximité sur l’autel de l’efficacité », a-t-il ainsi affirmé hier lors d’un débat à l’Assemblée nationale sur la stratégie vaccinale contre l’épidémie de Covid-19.
Selon lui, le fait de recourir désormais, en guise de moyen complémentaire, à des vaccinodromes, se justifie « parce que les livraisons [de vaccins] vont augmenter massivement dans une dizaine de jours. » Et que cela va permettre « de vacciner plusieurs milliers de personnes par jour ». Reste qu’Olivier Véran n’a pas manqué de répéter, ces derniers mois, son scepticisme à l’idée de recourir à des vaccinodromes.
FAKE OFF
Le 17 décembre 2020, au moment de détailler la stratégie vaccinale anti-Covid-19 du gouvernement au Sénat, le ministre de la Santé critiquait déjà à demi-mot ces structures en vantant les mérites des collectivités territoriales : « [Elles] pourront peut-être prêter main-forte à la vaccination dans les Ehpad reculés, repérer les personnes âgées isolées ou bien mettre à disposition des petits centres vaccinaux, et non d’immenses vaccinodromes. »
Le 21 décembre, à quelques jours du lancement de la campagne de vaccination au niveau européen, Olivier Véran affirmait au micro d’Europe 1 : « L’autre sens que nous voulons donner à cette campagne française, c’est celui de la confiance. Nous ne nous précipitons pas. C’est pourquoi vous ne voyez pas d’images de vaccinodromes, c’est pourquoi je ne vous annonce pas ce matin qu’il y aura 200.000 Français vaccinés le 27 décembre. Ça n’aurait pas de sens, nous ne sommes pas dans cette urgence-là. »
Deux jours après le lancement de la campagne de vaccination, c’est lors d’un passage au journal télévisé de France 2 (à partir de 15’08 sur le replay) que le ministre de la Santé justifiait le non-recours aux vaccinodromes par le raté de la gestion de la grippe H1N1 une dizaine d’années plus tôt : « Les Allemands ont fait un choix, ils ont mis en place des grands vaccinodromes – on avait essayé en France [lors de la crise du H1N1], ça n’avait pas marché. Nous avons fait en France un autre choix que je revendique. » En 2009, seulement un peu plus de 5 millions de Français s’étaient en effet fait vacciner dans ces grands espaces alors que le gouvernement visait un total de 65 millions de vaccinés.
Des doutes clairement exprimés début janvier
Mais c’est surtout le 4 janvier 2021 alors que le gouvernement était sous le feu des critiques pour la lenteur de sa campagne de vaccination, qu’Olivier Véran affiche le plus ouvertement son opposition aux vaccinodromes à l’occasion d’une prise de parole devant l’Hôtel-Dieu : « Je ne suis pas du tout certain – c’est mon opinion – que [la vaccination] doive prendre la forme de grands stades dans lesquels viendraient faire la queue des milliers de personnes en plein hiver ».
Un argument répété par le ministre une semaine plus tard sur l’antenne de Cnews : « Nous aurons dix fois plus de centres que la plupart de nos voisins pour éviter à des Français de 80 ans de faire 3 heures de queue dehors en plein hiver et de parcourir 350 km pour se faire vacciner ».
Désormais, il estime que les petits centres et mégacentres sont tout à fait complémentaires, comme il l’a assumé, lundi, face aux députés. « Certains pays ont fait le choix d’avoir 40 ou 50 centres de vaccination. Des personnes âgées, octogénaires, doivent réaliser parfois 2 heures, 2 heures 30 de transport, attendre deux heures dans le froid de l’hiver avant de rentrer dans un vaccinodrome. Nous avons considéré que pour vacciner les populations âgées, souvent isolées chez elles, avoir plus de 1.000 centres sur le territoire national était un gage de proximité. »