Corrida : Les taureaux sont-ils volontairement affaiblis avant l’entrée dans l’arène ? Les preuves manquent
FAKE OFF Sur Facebook, une publication décrit les mauvais traitements qui seraient infligés aux taureaux avant les corridas, sans fournir de preuves
- Très partagé sur Facebook, un post liste des sévices cruels qui seraient infligés aux taureaux en amont des corridas.
- Présidente de l’Alliance anticorrida, Claire Starozinski, dénonce auprès de 20 Minutes de fausses accusations, « contre-productives pour les gens qui luttent contre la corrida ».
- De son côté, l’Observatoire national des cultures taurines dénonce « des mensonges éhontés ».
Edit du 12 mars à 14h45 : Ajout de l'origine de ces accusations et de la réaction de la présidente de l’Alliance anticorrida, Claire Starozinski.
« Avant la corrida de taureaux, on lui frotte de la vaseline dans les yeux pour lui ternir la vue. » C’est ainsi que commence une publication, vue près de 40 millions de vues sur Facebook ces derniers jours, qui énumère les sévices qui seraient infligés aux animaux quelques heures avant ces spectacles controversés : « coton dans les narines », « aiguille au milieu des parties génitales », « substance corrosive sur les jambes ».
La publication est accompagnée d’une photo de taureau, visiblement exténué, face à une foule rassemblée sur une place. Il n’est pas précisé où ni quand la photo a été prise. Publié lundi, ce post est la reprise, quasiment mot pour mot, d’autres posts publiés dès juillet 2019. Le texte est même la traduction d’une publication plus ancienne, rédigée par un site britannique et reproduite en 2013 sur un compte Facebook dédié à la défense du véganisme.
Les sévices listés ont initialement été décrits dans une lettre publiée en 1990 par le père Roger Pestre, décédé en 2007. C’est un extrait de ce texte qui semble avoir été depuis repris, dans des versions modifiées.
FAKE OFF
Qu’en est-il ? D’après Thierry Hély, président de la Fédération des luttes pour l’abolition des corridas (Flac), « les pratiques cruelles citées dans cette publication ne sont pas systématiques ». Toutefois « le monde taurin étant particulièrement opaque, il est extrêmement difficile de s’immiscer dans leurs pratiques ». Association membre de la Flac, la Société protectrice des animaux (SPA) cite aussi ces accusations de mauvais traitements lorsqu’elle explique son combat pour la suppression de la corrida.
Présidente de l’Alliance anticorrida, Claire Starozinski, a contacté 20 Minutes pour alerter sur ces accusations : « Même si le père Roger Pestre a vu ça, il y a une cinquantaine d’années dans un village reculé, c’est entièrement faux [de généraliser] ». Selon elle, « il y a suffisament de manipulations et de fraudes que l’on fait subir aux taureaux avant l’entrée dans l’arène sans ajouter des choses fausses, et contre-productives pour les gens qui luttent contre la corrida ».
« Ça n’existe pas »
Pour André Viard, président de l’Observatoire national des cultures taurines, « ce sont des mensonges éhontés, ça n’existe pas. La corrida repose sur l’intégrité physique du taureau. L’art de la tauromachie repose sur l’équilibre que le torero est capable de construire entre la force du taureau et sa propre gestuelle. »
D’après l’ancien torero, un taureau qui « paraît déficient », est « refusé par les services vétérinaires et n’entre pas dans l’arène ». En pratique, il existe « un contrôle antérieur à la corrida et un contrôle post-mortem, à l’abattoir, avant de le mettre dans la chaîne alimentaire, par les services sanitaires ».
« Diminuer le taureau »
L’Union des villes taurines de France, considère, dans un guide éthique publié sur son site, que ces « constats post-mortem » démontrent que « les accusations de mauvais traitements infligés au taureau en amont de la corrida sont sans fondement et relèvent de la malveillance ».
Du côté de la Flac, Thierry Hély estime au contraire qu’il « est évident que si un frêle torero devait affronter un taureau de 500 kg en parfaite santé, l’homme, confronté à une telle force, serait tué immédiatement », et qu’il « faut le diminuer physiquement, que ce soit avant son entrée dans l’arène ou pendant la corrida ».
Des cornes sciées ?
La Flac, comme le Comité radicalement anti-corrida (Crac), dénonce en particulier la pratique « quasi systématique » consistant à scier l’extrémité des cornes des taureaux. Selon Thierry Hély, « Ça fait extrêmement mal au taureau, et en plus, ça lui fait perdre ses repères spatiaux. »
« Cela n’existe plus dans les corridas !, rétorque André Viard. Ça s’est fait il y a très longtemps, et l’Union des villes taurines a pris des mesures contre cette fraude. C’est strictement interdit par le règlement. » Toutefois, scier les cornes se pratique toujours dans le cadre de « galas » ou de « courses de chevaux », moins d’une dizaine d’événements chaque année en France, selon lui. Du reste, l’ancien torero, considère que « ça ne fait pas mal au taureau ». « Ce qu’on lime, pour préserver les chevaux, c’est la créatine, c’est-à-dire de la corne. »
Quant à une autre accusation des anti-corridas, selon laquelle des sédatifs seraient donnés aux taureaux, André Viard est catégorique : « Jamais de la vie ! Le but d’un organisateur de corrida est de produire un spectacle brillant. Il faut que le taureau soit en pleine possession de ses moyens et le plus redoutable possible. Si le taureau devient imprévisible, il devient impossible à toréer. »
Pression judiciaire
Très remonté contre les associations opposées à la corrida, le président de l’Observatoire des cultures taurines les défie d’apporter la preuve de mauvais traitements qui seraient infligés avant l’entrée dans l’arène. Et se dit prêt à contre-attaquer en justice. « Comme ils n’accusent jamais nommément un organisateur, un torero, de se livrer à ces pratiques, on ne peut jamais porter plainte pour injure publique ou diffamation », explique-t-il.
La corrida concerne entre 700 et 1.000 taureaux chaque année en France, selon André Viard. « C’est difficile à évaluer, mais, au total, 200.000 taureaux environ sont tués chaque année dans le monde », estime de son côté Thierry Hély, président de la Flac.