Oui, d'anciennes Autolib' sont bien stockées sur un terrain vague de Romorantin

FAKE OFF Des photos d'anciens véhicules électriques du service parisien d'autopartage, prétendument abandonnées sur un terrain vague, sont relayées sur les réseaux sociaux pour dénoncer un gâchis écologique et financier

Alexis Orsini
Un véhicule de la flotte Autolib', à Paris, en 2012 (illustration).
Un véhicule de la flotte Autolib', à Paris, en 2012 (illustration). — ERIC PIERMONT / AFP
  • « On a retrouvé les Autolib'. Difficilement vendables, elles sont stockées dans des cimetières en plein air », dénonce, sur Twitter, un message accompagné de plusieurs photos.
  • On y voit de nombreuses voitures électriques du modèle Bluecar, celui qui composait la flotte du service de location disponible à Paris jusqu'à sa disparition, à l'été 2018.
  • Si les photos sont authentiques et ont bien été prises sur un terrain vague du Loir-et-Cher, elles ne montrent pas toute la flotte de voitures – dont une partie a été revendue ces dernières années à des particuliers.

Quatre ans après son abandon pour cause de déficit excessif, Autolib’, le service parisien de partage de véhicules électrique en libre-service, refait surface. Tout du moins sur les réseaux sociaux.

Une série de photos montrant les fameuses Bluecar de BlueSolutions, la filiale du groupe Bolloré qui produit ces véhicules, fait en effet jaser de nombreux internautes. On y voit, alignées sur plusieurs rangées, le long d’une vaste étendue verte, ces voitures grises affublées du slogan « Libre comme l’air ». De quoi laisser penser que les près de 4.000 véhicules composant la flotte d’Autolib’ ont bien fini dans cette casse de plein air depuis l’été 2018 et la fin du contrat qui liait les communes utilisatrices du service à BlueSolutions.


« On a retrouvé les Autolib'. Difficilement vendables, elles sont stockées dans des cimetières en plein air. "Libres comme l’air"… Ici c’est du côté de Romorantin, dans le Loir-et-Cher », affirme l’une des multiples publications dénonçant un désastre écologique ou financier. Quitte à laisser penser, à tort, que toute la flotte s’est retrouvée dans ce type de « cimetière ».

FAKE OFF

A la fin de l’été 2018, nombre de médias évoquaient l’avenir de ces voiture électriques, à l’instar de nos confrères de LCI : « La grande majorité des voitures finira à la casse. Alors même qu’Autolib' vivait ses dernières heures, des centaines de véhicules étaient déjà acheminés dans une usine de recyclage automobile à Romorantin-Lanthenay, une commune située dans le Loir-et-Cher. » « Des employés d’Autolib’ont confié à TF1 que près de 2.700 voitures seraient ainsi détruites [sur le site]. Elles doivent être démantelées et certaines pièces récupérées », notait la chaine d’information en continu.

En pratique, nombre de ces voitures ont été rachetées puis revendues par une entreprise locale, le garage Cavarec, et par la société de revente de voitures ou de pièces détachées Autopuzz, comme la presse locale – et 20 Minutes – s’en étaient fait l’écho dans les mois suivants.

« On a beaucoup parlé de nous et d’Autopuzz, qui sommes les deux plus grands revendeurs de Bluecar en France, mais beaucoup d’autres entreprises en ont rachetén explique le garage Cavarec à 20 Minutes. De notre côté, nous avons dû en acheter entre 300 et 350, pas plus. Elles ont été commercialisées en novembre 2018 et ont rencontré un grand succès vu leur prix. » Nombre de particuliers ont en effet profité de l’occasion pour s’offrir une voiture électrique à moindre coût.

Le groupe Autopuzz, que nous avons également contacté, indique pour sa part avoir « repris quasiment la totalité de la flotte ». « Nous avons commencé par vendre 300 Bluecar et aujourd’hui nous sommes à plus de 1.000 au total. Depuis, nous avons aussi repris l’ancien équivalent Autolib’ de Bordeaux et de Lyon, les voitures des services Bluely et Bluecab, mais ces véhicules sont traités dans ces régions », ajoute Autopuzz.

Un terrain vague occupé par « une centaine » de voitures électriques

Les photos des Bluecars relayées sur les réseaux sociaux ont cependant bien été prises à Romorantin, comme nous le confirme Mathias, blogueur pour le site Blog-moteur, qui a publié, le 8 mars, un long article riche en photos retraçant sa visite du fameux « cimetière » en plein air.

« Quand j’ai vu les photos sur un post Facebook, ça m’a interpellé, je me suis demandé ce qu’allaient devenir ces voitures, donc je suis allé voir car j’habite à côté », nous explique-t-il. « Je n’ai pas compté le nombre de véhicules mais il devait bien y en avoir une centaine au total, sachant qu’elles sont assez petites et alignées sur plusieurs rangées. »

Des véhicules majoritairement dépourvus de batterie

Toutefois, contrairement à ce qu’affirment les publications virales autour de ce « cimetière », il n’est pas seulement composé du modèle Bluecar d’Autolib’. Il accueille aussi de véhicules ayant servi aux services Bluely et Bluecab de Bordeaux et Lyon, comme le note Mathias. Le blogueur précise en outre que la plupart des véhicules qu’il a inspecté ne disposent plus de leur batterie électrique, ce que nous avons pu confirmer en consultant les photos concernées.

« Nous ne possédons pas ces véhicules, ils ont été installés sur ce terrain vague par une entreprise privée, qui assure leur gestion, indique le garage Cavarec. Ils sont entièrement dépourvus de batterie et sont vraisemblablement voués à être déconstruits pour permettre la revente de leurs pièces détachées, contrairement aux véhicules électriques présents sur le parking Romo 3, destinés à la revente. »

Si Mathias note, photo à l’appui, que quelques batteries auxiliaires sont rassemblées sur une partie du terrain vague, il confirme que la majorité des véhicules électriques présents sur ce « cimetière » sont dépourvus de batterie principale.

« Les voitures sont bien alignées, les rangées séparées par quelques mètres à chaque fois… On sent que les choses ont été faites dans les règles de l’art, je ne dirais pas que toutes les consignes de sécurité ont été été respectées mais ça inspire une certaine notion de sérieux », précise-t-il. Et le blogueur de conclure : « Je pense que ces voitures restent là car il a été décidé de ne pas les revendre en l’état. La plupart ne reverront probablement jamais la route mais leurs pièces détachées restent une valeur marchande intéressante. »