Menus sans viande à Lyon : Le ministre de l’Agriculture dénonce une « honte d'un point de vue social », mais les données le contredisent

FAKE OFF Le ministre de l’Agriculture a dénoncé l’introduction temporaire de menus sans viande dans les cantines lyonnaises, pointant notamment un déséquilibre « d’un point de vue social ». Une étude de 2017 de l’Anses va à l’encontre de cette déclaration

Mathilde Cousin
— 
Des enfants mangent un plat végétarien dans une école de Saint-Denis-D'Oléron, le 22 février.
Des enfants mangent un plat végétarien dans une école de Saint-Denis-D'Oléron, le 22 février. — UGO AMEZ/SIPA
  • C’est la dernière polémique qui divise le gouvernement : Julien Denormandie, le ministre de l’Agriculture, a à nouveau dénoncé ce mardi l’introduction temporaire de menus sans viande dans les cantines lyonnaises, pointant notamment un déséquilibre « d’un point de vue social ».
  • Une étude de 2017 de l’Anses (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) va à l’encontre de cette déclaration : les enfants de parents qui ont un bac + 4 mangent moins de viande que ceux qui ont des parents moins diplômés.

Edit : Précision le 25 février sur les élections municipales de 2020.

Fini la langue de bœuf sauce piquante, vive la macédoine de légumes. Depuis lundi, à Lyon, les cantines scolaires servent uniquement des menus sans viande. Une mesure défendue par la municipalité EELV et qui se veut temporaire, en réponse aux contraintes liées à la crise sanitaire.

La mesure n’a pas les faveurs du ministre de l’Agriculture. Julien Denormandie a annoncé l’ouverture d’une enquête par le préfet du Rhône afin de vérifier que les menus couvrent les besoins des enfants. Invité de RTL ce mardi, le ministre a précisé sa pensée. « D’un point de vue nutritionnel, c’est aberrant », a-t-il lancé, avant d’ajouter : « D’un point de vue social, c’est une honte, parce que c’est toujours une écologie de l’entre-soi, où, à chaque fois, ce sont ceux qui sont les plus fragiles qui n’ont pas forcément accès à des repas équilibrés qui sont pénalisés par de telles décisions. »

Gérard Collomb, qui s’était rallié à Emmanuel Macron pendant la présidentielle de 2017 et dont le poulain Yann Cucherat avait été battu par l’écologiste Grégory Doucet aux municipales de 2020, avait déjà proposé temporairement à la sortie du premier confinement des menus sans viande dans les écoles lyonnaises.

FAKE OFF

Ces menus sans viande mais avec œufs, poissons et produits laitiers pénalisent-ils les enfants les plus défavorisés, comme le sous-entend le ministre de l’Agriculture ? L’Anses a passé au crible en 2017 les habitudes alimentaires des Français. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail souligne que les chez les enfants de 0 à 10 ans, « l’alimentation semble globalement peu associée à la PCS [catégorie socioprofessionnelle] » de ses parents.

L’agence a toutefois noté quelques différences de comportement alimentaire : les enfants de cadres sont ainsi plus nombreux à consommer des légumes que les enfants d’ouvriers. Leurs assiettes de légumes ne sont pas composées de la même manière : « Les enfants de cadres consomment deux fois moins de pommes de terre et autres tubercules » que les enfants d’ouvriers, toujours selon l’Anses.

Les enfants des parents les plus diplômés mangent moins de viande

En prenant en compte le niveau d’études des parents, les enfants les plus nombreux à manger de la viande – à l’exclusion de la volaille – sont ceux qui ont des parents qui ont quitté le système scolaire entre le lycée et le bac+3. Les plus petits consommateurs ont des parents qui ont un niveau bac + 4 ou supérieur.

Et si un sondage publié par le Secours populaire en 2018 fait état d’une plus grande difficulté à acheter de la viande pour les foyers gagnant mois de 1.200 euros net par mois par rapport à ceux dont les revenus sont compris entre 1.200 et 2.000 euros, l’enquête réalisée par Ipsos montre surtout que ce sont les fruits et légumes frais et le poisson qui sont plus difficiles d’accès pour les familles pauvres.

Des œufs ou du poisson toujours au menu

Quid des besoins nutritionnels des enfants ? Il convient de souligner que les cantines de Lyon continuent à servir des œufs, du poisson et des produits laitiers. Les menus sont par ailleurs établis avec des professionnels de la nutrition.

Sollicitée pour une étude sur l’introduction d’un menu végétarien par semaine dans les cantines, l’Anses a indiqué que ce régime alimentaire « peut contribuer à la couverture de l’ensemble des besoins nutritionnels des enfants, dès lors qu’il est équilibré ». Elle publiera des recommandations plus détaillées à la fin de l’année. L’agence ne s’est pas penchée sur des menus végétariens qui seraient proposés chaque jour aux écoliers.

Des chercheurs montpelliérains ont eux analysé les menus des cantines à partir d’une base de données. Dans leur étude, non encore relue par des pairs, ils notent un risque d’une diminution de l’apport en fer avec des menus strictement végétaux, mais concluent que « les plats complets proposés en restauration scolaire, qu’ils soient végétariens ou non, sont dans l’ensemble de bonne qualité nutritionnelle ».

Leur recommandation ? « Diversité et modération ! » Ce qui se traduit pour les plats végétariens « par un nécessaire équilibre entre ingrédients d’origine végétale (légumes, légumes secs, céréales complètes,…) et ingrédients d’origine animale (œufs et produits laitiers) de bonne qualité et en quantité adaptée ». Une recette pour les cantines lyonnaises ?