Bordeaux : Après les témoignages de violences sexuelles à Sciences Po, qu’est-ce qui va changer ?
LIBERATION DE LA PAROLE Après avoir recueilli en quelques jours, sur une page Facebook privée, 150 témoignages de violences sexistes et sexuelles auprès d’étudiants de Sciences Po Bordeaux, des actions de prévention vont être mises en place
- La page Facebook privée d’une association de Sciences po Bordeaux a été prise d’assaut par des victimes de violences sexistes et sexuelles.
- La direction, en lien avec l’association Sexprimons nous, va mettre en place des actions de prévention dès le printemps.
- Un groupe de travail est lancé et des formations pour sensibiliser les nouveaux étudiants et ceux qui partent à l’étranger, jugés particulièrement fragiles, vont être organisées.
« On a senti des gens en grande détresse et pour nous cela n’a pas été facile à gérer », commente Marie, une des représentantes de l’association féministe Sexprimons nous, portée par des étudiants de Sciences Po Bordeaux. Le 23 janvier dernier, une victime de violence sexuelle raconte ce qu’elle a subi sur une page Facebook privée de l’association et son témoignage incite d’autres étudiants à franchir le pas. En quelques jours, plus de 150 récits de sexisme, harcèlement, violence sexuelle et viol affluent, émanant d’anciens ou d’actuels étudiants de la prestigieuse institution bordelaise, qui compte environ 3.000 étudiants.
« Tout le monde a été surpris, choqué et dans l’empathie aussi, réagit Caroline Dufy, chargée de l’égalité hommes-femmes à Sciences Po Bordeaux. Il y a une volonté de mettre en place des mesures pour que ces choses-là n’arrivent plus. » « On n’a pas été du tout étonnées du contenu des témoignages, réagit Amélie, de l’association Sexprimons nous. Ce qui nous a surpris, c’est le fait que beaucoup aient témoigné à visage découvert ». L’association veut œuvrer à « recréer un lien confiance entre les étudiants et l’administration », ajoute Léa, constatant à la lumière de certains témoignages qu’il avait été abîmé.
Une cellule de veille et d’écoute a été créée en 2018, associant des professionnels tels que des psychologues et des juristes, afin de prendre en charge différents types de violences (harcèlement, mal être, violences sexistes et sexuelles, difficultés psychologiques etc.) « Il faudra la renforcer », estime Caroline Dufy.
Groupe de travail et formations
Un groupe de travail a été constitué et va se réunir ce jeudi, en associant des enseignants, des représentants de la direction et des étudiants. « Ils savent mieux où sont les trous dans le dispositif », pointe Caroline Dufy. « On va essayer de concrétiser nos idées déjà formulées, bien accueillies par la direction, et on a fait un appel à propositions auprès des étudiants », précise Amélie de Sexprimons nous.
A l’occasion de stages ou de mobilité dans leurs cursus, les étudiants de Sciences Po Bordeaux sont amenés à séjourner à l’étranger. « Il faut mieux les former avant leur départ, estime Caroline Dufy. Le dépaysement est une opportunité considérable mais il faut renforcer la prévention car ils sont loin de leur famille, de l' institution, de leurs amis, et ils se retrouvent démunis face à des agressions ».
L’association pointe néanmoins que seules 20 des 150 personnes qui témoignent se trouvent dans une situation de mobilité, même si le contexte n’est pas toujours explicité dans les témoignages. « Mais, il est sûr que c’est un facteur de vulnérabilité parce qu’on ne parle pas forcément la langue du pays et qu’il est plus difficile de trouver l’accompagnement adéquat en cas de problème », ajoute Amélie.
Dès le printemps, des formations seront proposées aux étudiants qui vont partir à l’étranger et à la rentrée prochaine, une autre sera proposée à tous les nouveaux étudiants. La lutte contre les violences sexistes et sexuelles « doit constituer un point d’attention majeur de notre projet d’établissement pour les années à venir », écrit Bernard Cazeneuve, président du conseil d’administration de Sciences Po Bordeaux, au directeur Yves Deloye, dans une lettre ouverte en date du 5 février.
Des actions militantes
Sur le versant militant, l’association a prévu une campagne sur les réseaux sociaux, évoquant notamment le consentement, les agressions sexuelles, la culture du viol, etc. Un annuaire de psychologues et thérapeutes est aussi en cours d’élaboration. « Le fait de témoigner a pu réveiller en eux des traumatismes, c’est aussi pour ça qu’on a mis en place des groupes de parole, souligne Marie. Il y a une demande à échanger entre victimes ».
« On ne peut pas continuer comme ça c’est certain, les étudiantes et étudiants ont le droit d’étudier dans des atmosphères de sérénité et de tranquillité », conclut Caroline Dufy.