Noël à Lille : Quelle est l’origine de la coquille, brioche distribuée aux enfants pour les fêtes de Saint-Nicolas ?

« TRADICOOL » « 20 Minutes » fait un tour de France des traditions de Noël. Dans le Nord, c’est la coquille qu’on distribue aux enfants

Gilles Durand
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Dans le Nord, la coquille se mange en décembre, entre la Saint-Nicolas et Noël.
Dans le Nord, la coquille se mange en décembre, entre la Saint-Nicolas et Noël. — G. Durand / 20 Minutes
  • Les fêtes de Noël approchent. 20 Minutes vous fait découvrir différentes traditions régionales.
  • Dans le Nord, il s’agit de la coquille, cette brioche offerte aux enfants entre Saint-Nicolas et Noël.
  • Les friandises de Noël représentent souvent un « petit homme » à manger.

Mais d’où viennent les coquilles de Noël ? Quelle est donc l’origine de cette brioche distribuée dans les écoles et vendues un peu partout dans le Nord et en Belgique, au mois de décembre ? Cette tradition très localisée est bien difficile à inscrire dans une histoire. 20 Minutes tente de le faire avec Isabelle Duvivier, une rédactrice passionnée par les traditions régionales.

La coquille, qu’est ce que c’est ? Il s’agit d’une brioche garnie au choix de raisins secs, de pépites de chocolat ou de grains de sucre. Elle a la forme symbolique d’un bébé emmailloté, ce qui lui vaut aussi le surnom de pain de Jésus. Autrefois, elle se retrouvait dans les petits souliers des enfants, le jour de Noël, accompagnée de la non moins traditionnelle orange.

Cougou en Belgique, folard à Dunkerque

Aujourd’hui, la tradition de ce gâteau figuratif persiste, entre le 6 décembre, jour de la Saint-Nicolas – l’autre père Noël des Nordistes – et le 25 décembre, jour de Noël. Mais si les recettes foisonnent, les origines s’étiolent.

Car cette coquille peut prendre d’autres appellations : cougnou en Belgique ou même folard (ou craquendoule) dans le Dunkerquois. Sauf qu’à Dunkerque, le folard est attaché à la fête de Saint-Martin, en novembre, et il est censé représenter les crottes de l’âne que le saint homme aurait, jadis, transformé en brioche.

Un tableau de Brueghel

« Saint-Martin est très présent dans les légendes et les cultes du XIXe siècle, raconte Isabelle Duvivier. Toujours est-il que les folards ressemblent plus aux coquilles qu’à des crottes d’âne. » Alors ?

Alors, difficile de s’y retrouver parfois. « Il est fait mention des coquilles dans un ouvrage sur l’Histoire de Lille, édité en 1730, note Isabelle Duvivier. Il évoque des "petits gâteaux en forme de coquille" jetés du haut du beffroi à l’occasion des fêtes de la paix du 20 septembre 1579. Le tableau de Brueghel, Les Jeux d’enfants, peint en 1560, montre aussi un enfant tenant ce qui ressemble à une coquille. »

Selon l’historienne amateure, d’autres traces sont retrouvées au XVIe siècle, en Picardie, avec les « cuignets » distribués aux enfants à Noël. « Les cougnoux pourraient être, à l’origine, une "redevance" seigneuriale au Moyen-Age. Peu à peu, cette tradition aurait évolué vers un cadeau à offrir aux enfants à Noël », précise-t-elle encore.

Des « petits hommes à manger »

Mais c’est au cœur «des légendes des petits hommes à manger » qu’il faut aller puiser pour comprendre la tradition des coquilles, d’après elle. « Il ne s’agit peut-être pas d’une simple représentation de la naissance du Christ, mais d’une survivance de rites plus ancestraux où les enfants doivent apprendre à manger le "petit homme". »

Elle se base sur l’étude de l’ethnologue Christine Armangaud, parue dans le livre Le diable sucré*. « Cette auteure explique que la religion chrétienne a beaucoup combattu la survivance de traditions dites païennes, sans pouvoir les éradiquer totalement. Alors, ces rites ont été intégrés dans un calendrier et un cérémonial chrétien », glisse Isabelle Duvivier.



Or, il est vrai que les friandises traditionnelles de Noël et de la Saint-Nicolas représentent souvent un « petit homme », comme le mannele alsacien, par exemple. « Les recherches de Christine Armangaud montrent, par ailleurs, que ces figurines n’étaient pas que de gentilles friandises pour les enfants, indique Isabelle Duvivier. Certains historiens estiment aussi que le cougnou belge, cousin de la coquille nordiste, était, à l’origine, composé d’une tête et d’un sexe féminin grossièrement matérialisé. »

Depuis, la friandise est devenue plus sage, en apparence.

* Editions de la Martinière, 2000.