« Un moment magique », « Une fierté »… Amputés du tibia, ils gravissent le Mont-Blanc
EXPLOIT Samuel Ferber et Luc Méheux s’étaient entraînés pendant huit mois avant d’arriver jusqu’au sommet des Alpes
- Le 14 juillet, Samuel Ferber et Luc Méheux, amputés au niveau du tibia, ont réussi à gravir le Mont-Blanc.
- Comment leur est venue l’idée ? Tout est parti de leur prothésiste.
- « C’était une fierté, j’ai lâché une petite larme », avoue Samuel Ferber, qui espère que cela donnera maintenant l’idée à d’autres personnes de tenter leur chance. Malgré un éventuel handicap.
« Quelques petites courbatures » par-ci, une « contracture à la jambe » par là… Trois jours après leur ascension du Mont-Blanc, Samuel Ferber et Luc Méheux ont presque totalement récupéré. Leur exploit du 14 juillet, ils l’ont maintenant uniquement en tête. « Avec plein de beaux souvenirs à l’esprit », note le premier nommé, amputé au niveau du tibia droit il y a cinq ans, à la suite d’un accident de moto.
« Moi, c’était après un accident de jardinage dans les vignes il y a six ans », explique le deuxième, 40 ans, qui bénéficie lui aussi d’une prothèse. C’est ce dispositif qui les a réunis dans les Alpes. Ou plutôt un salarié de leur prothésiste commun, installé à Horbourg-Wihr en Alsace, Antony Schubnel. « Il avait des relations avec des guides de Saint-Gervais-les-Bains et ils ont eu le projet de faire monter des personnes amputées », retrace Luc Méheux. « Il fallait juste qu’ils trouvent des personnes qui avaient le mental et la caisse suffisante. C’est comme ça qu’on s’est connu. »
Sportifs dans l’âme, les deux ont quand même eu droit à huit mois d’entraînement, avec des sorties « une à deux fois par semaine dans les Vosges et en Suisse ». Jusqu’au grand saut donc, débuté le 13 juillet par une montée jusqu’au refuge de la Tête Rousse, à 3.167 mètres d’altitude. « On y a dormi et on est parti à 4 heures du matin », poursuit Luc Méheux, qui faisait partie d’un groupe de 13, dont trois personnes du fameux cabinet orthomédical Welter, deux médecins et cinq guides de haute montagne.
« J’avais l’impression d’être au bout de ma vie »
Sur la voie dite « normale » jusqu’au Mont-Blanc, l’équipe a ensuite rallié le refuge du Goûter, à 3.835 mètres. Avant un final très compliqué. « J’avais l’impression d’être au bout de ma vie. Soulever une jambe puis l’autre était très compliqué », poursuit celui qui est ingénieur en bureau d’études dans la région de Belfort. « Les dernières centaines de mètres étaient difficiles, il y avait plein de petites bosses et on croyait qu’on n’y arriverait jamais », complète Samuel Ferber, 35 ans et électricien dans la région de Colmar.
L’aboutissement est finalement arrivé après sept heures d’effort. Vers 11 heures, le groupe atteignait le sommet, à 4.810 mètres. « C’était un moment magique. La vue était dégagée avec une petite mer de nuages à gauche et à droite », reprend Luc Méheux. « C’était une fierté, j’ai lâché une petite larme », ajoute son compagnon d’aventure, avant d’insister sur le symbole que leur montée représente. « J’ai lu qu’on avait des prothèses sur-mesure mais ce n’est pas vrai. Moi j’avais la même que celle au quotidien. J’avais juste acheté du matériel de montagne et je m’étais entraîné… Tant mieux si ça peut montrer à d’autres personnes que c’est faisable de gravir le Mont-Blanc en étant amputé. »
« Le moignon a pas mal désenflé »
Ont-ils justement souffert de leur handicap pendant l’effort ? « Surtout lors de la descente », répond le Belfortain. « Pendant la montée, la prothèse appuie tantôt sur l’avant, tantôt sur l’arrière du moignon, ce n’est pas très douloureux. Mais quand on est reparti du sommet, le moignon a pas mal désenflé et j’ai dû m’arrêter plusieurs fois pour ajouter des couches et éviter qu’il y ait du jeu avec la prothèse. » Autre souci relevé par Samuel Ferber, « il fallait souvent compenser car vu qu’on n’a pas de cheville, on partait plus facilement en avant. Mais ça a été. »
Les deux ont depuis « très bien dormi » et pensent doucement à un prochain défi. « Benjamin Tomé [lui aussi amputé] devait venir avec nous au Mont-Blanc mais s’est blessé au dernier entraînement. L’idée est de l’emmener sur un sommet moins compliqué à 4.000 mètres, alors pourquoi pas l’accompagner », conclut Luc Méheux.