Mort de George Floyd : « C’est à nous de construire la société de demain », disent ceux qui lui ont rendu hommage à Paris

REPORTAGE Près de 2.400 personnes étaient réunies à Paris ce mardi soir pour rendre hommage à George Floyd, le jour de ses obsèques à Houston (Texas)

Alexis Orsini
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Des manifestants lors du rassemblement en hommage à George Floyd, le 9 juin 2020 à Paris.
Des manifestants lors du rassemblement en hommage à George Floyd, le 9 juin 2020 à Paris. — AO/20 Minutes
  • A l'appel de l'association SOS Racisme, près de 2.400 manifestants se sont réunis place de la République, à Paris, pour rendre « un hommage solennel » à la mémoire de George Floyd, décédé à Minneapolis (Minnesota) après une violente interpellation policière, le 25 mai.
  • Ce rassemblement, organisé au même moment que les obsèques de cet homme Afro-américain devenu un symbole de la lutte contre les violences policières s'est déroulé au lendemain d'annonces de Christophe Castaner visant à lutter contre le racisme au sein des forces de l'ordre.
  • Entre espoir d'un début de changement et pragmatisme, les manifestants et les organisateurs de ce rassemblement y ont observé 8 minutes 46 de silence.

« On est là pour se rappeler de la mort de quelqu’un, c’est nécessaire, mais je ne pense pas qu’il y aura autant de monde qu’à la manifestation contre les violences policières de la semaine dernière ». A quelques pas de la banderole déployée en hommage à George Floyd, sur la place de la République à Paris, Joan, 29 ans, observe la foule de plus en plus compacte venue saluer, comme lui, la mémoire de cet homme Afro-américain décédé le 25 mai à Minneapolis (Minnesota), peu après sa violente interpellation par la police locale.

Ce rassemblement organisé à l’initiative de SOS Racisme est loin d’être le premier, en France ou à l’étranger, consacré à celui qui est devenu un symbole des violences policières après s’être vu maintenu au sol, un genou sur la nuque, pendant 8 minutes et 46 secondes. Mais il coïncide avec les funérailles de George Floyd, entamées au même moment à Houston (Texas), à 8.000 kilomètres de là.


Et si les annonces faites la veille par le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, pour lutter contre le racisme dans ses rangs n’ont pas vraiment convaincu Joan, il se félicite de voir les choses bouger dans son entourage après des années passées à tenter de fédérer ses proches sans grande réussite : « Bizarrement, le confinement a aidé. Les gens se sont pas mal documentés sur le sujet des violences policières, ils ont eu le temps de réfléchir sur leur vie. Ça a fait du bien de ne plus avoir à affronter toutes les micro discriminations rencontrées au quotidien, ça a boosté pas mal de gens qui ne sont plus dans le train-train du boulot et veulent se bouger. »

« C’est un petit pas en avant mais on a besoin d’un grand pas contre le racisme »

Au milieu des pancartes rendant principalement hommage à George Floyd – ou au mouvement américain Black Lives Matter –, certains manifestent en effet pour la première fois. Comme Natacha, 47 ans, venue au côté de sa fille Anaïs, et qui se dit « traumatisée par les images de l’interpellation de George Floyd » : « J’ai été agréablement surprise par les annonces de Castaner, c’est un petit pas en avant mais on a besoin d’un grand pas pour lutter contre le racisme. »


Elle anticipe ainsi sans le savoir la teneur du discours des différents intervenants qui se succéderont à la tribune du camion installé aux abords de la place de la République. Celles-ci n’auront toutefois lieu qu’après une interprétation surprise de We Shall Overcome, hymne du mouvement des droits civique aux Etats-Unis, par la chanteuse Camélia Jordana – dont les récents propos sur le « massacre » perpétré par certains policiers avaient suscité de vives réactions.

Et surtout après le respect par les quelque 2.400 manifestants présents – selon la préfecture de police - de 8 minutes et 46 secondes de silence à l’appel de plusieurs jeunes membres de SOS Racisme. Qui se souviennent « d’avoir vu les portraits de Zyed et Bouna comme d' Adama Traoré à la télé, alors que leurs parents baissaient le son » pour préserver leurs enfants.


Au terme de cette longue séquence sans un bruit – à l’exception du glissement régulier des irréductibles skateurs installés à l’autre bout de la place et de quelques « On est là ! » ou « A bas Macron ! » lancés de manière isolée –, Dominique Sopo, président de SOS racisme, suscite les premiers applaudissements nourris de la soirée : « Nous sommes ici parce que le racisme tue, nous l’avons vu aux Etats-Unis et ce n’est pas sans rapport avec ce que nous vivons en France. Nous nous battons pour que plus jamais, nulle part, il n’y ait de George Floyd ou qui que ce soit d’autre tué en raison de sa couleur de peau. »

« On a notre part de responsabilité »

Pour mieux illustrer ses propos, les témoignages de proches de victimes de violences policières se succèdent alors à la tribune, du cousin de Malik Oussekine, disparu en 1986, à Eleanor, la sœur de Théo Luhaka, particulièrement lucide sur les efforts nécessaires aux prémices d’un véritable changement : « C’est une lutte au quotidien, il faudrait qu’on vienne moins souvent ici et qu’on arrange les choses à notre petite échelle. Qu’est-ce qu’on a laissé passer ? Qu’est-ce qu’on n’a pas corrigé ? On a notre part de responsabilité, il faut dire stop au racisme qu’on observe au quotidien ».

Un constat partagé par Grégory, l’un des militants de SOS Racisme présents en tribune au moment de l’hommage silencieux à George Floyd : « Il y a des solutions concrètes à mettre en place, comme les tickets de contrôle, qui permettraient qu’une personne déjà contrôlée ne puisse l’être de nouveau le même jour, ou encore l’inclusion de civils dans les enquêtes de l’IGPN pour éviter que seuls des policiers ne jugent des policiers. »

« On est là ce soir pour montrer que la jeunesse s’empare de ce combat, il y a eu une société avant, celle de nos parents, il y a une société aujourd’hui, et il y aura une société demain, c’est à nous de la construire pour s’assurer que le respect de la dignité de chacun y soit assuré », conclut le jeune homme de 22 ans, convaincu que sa génération est la première concernée.