Coronavirus : Des soignants de l’hôpital d’Ivry-sur-Seine ont-ils jeté leurs médailles à la poubelle ?

FAKE OFF La vidéo de soignants jetant leurs médailles à la poubelle a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux. Il s'agit en réalité d'une action syndicale

Aymeric Le Gall
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Emmanuel Macron lors de sa viste à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, le 27 février 2020.
Emmanuel Macron lors de sa viste à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, le 27 février 2020. — Martin Bureau / POOL / AFP
  • Une vidéo de soignants de l’hôpital Charles-Foix d’Ivry-sur-Seine jetant leurs médailles à la poubelle a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux.
  • Cet acte était censé être une réponse aux promesses du gouvernement de récompenser le personnel soignant dans sa lutte contre le Covid-19.
  • Il s’agissait en réalité d'une action syndicale avec de fausses médailles imprimées sur du papier représentant le logo de la République Française et… un tube de vaseline.

La symbolique du geste a marqué les esprits. Dans une vidéo publiée mardi sur Twitter et sur Facebook, et relayée plusieurs milliers de fois, on y voit le personnel soignant de l’hôpital Charles-Foix d’Ivry-sur-Seine jeter dans une poubelle les fameuses médailles promises par le gouvernement afin de remercier celles et ceux qui ont été en première ligne face à l’épidémie de coronavirus.

« Les médailles à la poubelle, les médailles ce n’est pas ce qu’on veut. Ce qu’on veut, c’est de la reconnaissance, des salaires, des moyens et arrêter les fermetures de lits, voilà ce qu’on veut actuellement dans les hôpitaux », explique un soignant en blouse blanche au premier plan, tandis que ses collègues passent à la chaîne pour jeter les médailles dans une poubelle.


Mais à y regarder de plus près, ces médailles ressemblent davantage à des bouts de papier et certains internautes se sont étranglés en imaginant l’Etat offrir des breloques en carton aux « héros » de la lutte contre l’épidémie, pour reprendre l’expression d’Emmanuel Macron. « Je trouve que le papier flotte très facilement au vent ! Ils jettent le papier et gardent le contenu, non ? », se demande ainsi un utilisateur de Twitter.

FAKE OFF

Il s’agit bien de fausses médailles imprimées sur du papier et distribuées au personnel de cet hôpital gériatrique de la région parisienne dans le cadre d’une action syndicale, explique Nolwenn Cotel, secrétaire générale CGT de l’établissement, à 20 Minutes. « L’idée, c’était de mettre sur pied une action, on s’est dit qu’il était temps de reparler de nos revendications, de déconfiner notre colère, chose qu’on avait totalement mise de côté avec la crise du Covid-19, explique-t-elle. On voulait faire quelque chose de soft mais qui marque les esprits, quelque chose de symbolique. On s’est dit qu’on allait organiser un jeté de médaille pour dire tout simplement qu’on n’en veut pas. C’était de fausses médailles qu’on a imprimées sur des papiers le logo de la République Française et un tube de vaseline. » Le message est on ne peut plus clair.


Après l’annonce d’Emmanuel Macron au sujet des médailles qui seraient attribuées aux soignants mobilisés contre le coronavirus, Nolwenn Cotel est restée bouche bée. « Ca fait des années qu’on attend une reconnaissance de la part de l’Etat, ça fait 17 ans que notre point d’indice est gelé dans la fonction publique », souligne la militante de la CGT, qui rappelle que le salaire des infirmières et infirmiers hospitaliers français pointe à la 23e place sur 33 dans le classement de l’OCDE. « Alors quand on a entendu ça, on s’est dit qu’ils se moquaient de nous. »

Comme dans de nombreux hôpitaux français depuis le début de la crise, le personnel de Charles-Foix a dû gérer la crise du Covid-19 avec les moyens du bord. « On a dû faire face à un déficit de matériel, un déficit de personnel, on a travaillé avec des masques périmés, des sacs-poubelle en guise de surblouse, c’est honteux…, souffle cette aide-soignante. Même si on a bien géré cette crise à Charles-Foix, ça s’est fait au détriment du personnel soignant puisqu’on a quand même eu plus de 80 cas de contamination parmi nos collègues. »

Le « Ségur de la santé » ne rassure pas les syndicats

Alors, au moment où les hôpitaux d’Ile-de-France semblent enfin respirer et voient leur nombre de patients atteints du Covid-19 décroître chaque jour un peu plus, le temps est venu pour les syndicats (CGT, Sud et CFDT) de revendiquer pour de meilleures conditions de travail et de meilleurs salaires. L’idée étant de passer un premier message alors que s’est ouvert lundi le « Ségur de la santé ».

Pourtant, malgré ces négociations qui doivent s’étaler sur deux mois, qu’elle qualifie de « simple effet d’annonce de la part du gouvernement », Nolwenn Cotel a encore de « gros doutes ». « Ce qu’ils veulent faire, avec ce Ségur, c’est revenir sur les 35 heures, bien que celles-ci ne soient déjà pas appliquées à l’hôpital depuis très longtemps vu le manque d’effectif et la fuite du personnel vers le privé. On nous a placés en héros ces derniers mois mais quand on voit la façon de faire aujourd’hui, on se dit que c’est vite oublié. »

Les médailles ? « C’est silence radio de ce côté-là »

Sa seule véritable satisfaction après plus de deux mois de crise sanitaire, avoir gagné le cœur de l’opinion publique. « On l’a vu dans cet élan de solidarité qui est né lors de la crise du Covid. Au-delà des applaudissements, je parle surtout des dons, des préparations de repas, etc. Maintenant, on va avoir besoin d’eux dans les semaines et les mois à venir lors des prochaines mobilisations sociales, conclut la syndicaliste. Plus on sera nombreux, plus on pèsera face au gouvernement et plus on sera entendu. Les Français ont un vrai rôle à jouer à l’avenir sur la question de l’hôpital et de la santé dans notre pays. »

Quid, enfin, des fameuses médailles évoquées au sommet de l’Etat le 13 mai dernier ? « Je ne sais pas, répond Nolwenn Cotel. C’est silence radio de ce côté-là. » Après le tollé qui a suivi cette annonce, le ministère des Solidarités et de la santé fait profil bas. Interrogée par 20 Minutes sur ce point précis, la direction générale de la santé a éludé notre question, nous renvoyant simplement au communiqué de presse relatif à la « prime exceptionnelle Covid-19 » publié sur son site officiel le 15 mai dernier.