Déconfinement : Comment s’est passée l’école pour les enfants de soignants depuis la mi-mars ?
ENFANTS Alors que certains enfants devraient retourner à l’école cette semaine, 30.000 enfants de soignants ont continué à aller en classe depuis la mi-mars
- A partir de ce lundi, 15 % des élèves du premier degré et 34 % des enseignants regagneront le chemin de l’école.
- Mais 30.000 enfants n’ont pas été confinés et ont été accueillis à l’école depuis la mi-mars.
- Un enseignant, qui a volontairement travaillé à l’école pendant le confinement, et une infirmière dont les deux filles sont allées à l’école, ont confié à 20 Minutes leur ressenti sur cette période particulière.
Ce lundi 11 mai et les jours suivants, qui sonnent le début de déconfinement progressif, beaucoup de parents espèrent ou redoutent que leur marmaille retrouve le chemin de l’école. Dans quelles conditions seront-ils accueillis ? Est-ce que les mettre dans une « garderie » mérite de prendre le risque d’attraper le coronavirus ?
Depuis la mi-mars, ce sont 30.000 élèves, selon le ministère de l’Education nationale, qui ont été accueillis dans certains établissements. Les enfants de soignants tout d’abord, puis les enfants de pompiers, de gendarmes et de policiers à partir de début avril. Comment ces élèves, les enseignants volontaires et les parents ont-ils vécu cette période ?
« Cela demande beaucoup d’adaptation, mais c’était très enrichissant »
Charles-Antoine et sa compagne font partie des 20.000 enseignants volontaires qui se sont relayés depuis la mi-mars pour assurer les cours à l’école, en plus de la classe virtuelle. « On savait qu’il y aurait besoin de professeurs pour faire classe, raconte cet instituteur dans une école élémentaire du 19e arrondissement de Paris. Je n’étais pas prêt à rester chez moi. » Alors la première semaine, il se retrouve devant une classe de maternelle multi-niveaux dans une école voisine de la sienne. « Le métier d’enseignant en maternelle et en élémentaire, ce n’est pas le même. Cela m’a demandé beaucoup d’adaptation, mais c’était très enrichissant. »
Au bout d’une semaine, les groupes étant plus étoffés et les enseignants plus nombreux, Charles-Antoine retrouve des CP, CE1, CE2. Mais aucun de ses élèves. « Le matin, on fait le travail que chaque enseignant a envoyé sous forme d’aide individuelle, jusqu’à la récréation. Ensuite, on essaie de faire des activités en commun d’art plastique, de musique, de lecture. »
« Mes filles se sont senties privilégiées »
Et pour les élèves, est-ce que cette période a été anxiogène et ce « cas particulier » désagréable ? « J’ai l’impression que ça glisse sur la plupart d’entre eux, avance l’enseignant. C’est assez normal pour eux, ils jouent, ils discutent, ils ne sont pas traumatisés. » Si chaque cas est particulier, pour Carla, infirmière comme son compagnon dans le Val-de-Marne et mère de Charline, 9 ans et Joanna, 8 ans, cette période n’a pas été mal vécue.
« Au début, j’étais partisane de les mettre à l’école le moins possible. J’ai vite été convaincue de l’inverse. Elles sont plus heureuses comme ça. Et on travaille tous les deux à l’hôpital, donc on avait de gros risques d’attraper le coronavirus. D’ailleurs, j’ai été infectée. Et je suis en quarantaine avec elles depuis deux semaines. »
Auparavant, ses filles allaient quatre jours par semaine à l’école. Carla salue la bonne organisation et la réactivité de son établissement (privé sous contrat) qui, dès le lundi 16 mars, proposait de recevoir ses filles tous les jours. « Elles ont toujours eu le même groupe de neuf enfants en élémentaire, explique Carla. C’est rassurant pour éviter de multiplier les possibilités de contaminations et sympa pour elles. Le fait d’être avec des enfants qui vivaient la même chose, ça les a réconfortés. Elles se sont senties privilégiées. Les enfants de soignants ont été désavantagées parce que leurs parents prennent un risque, sont fatigués par le travail. Mais en réalité, c’était compensé par le fait d’être pris en charge par des personnes volontaires, de faire des activités en petit groupe, jardinage ou préparation de cookies. Ils pouvaient jouir d’un grand espace aussi. »
Et d’un accès à un ordinateur, denrée précieuse en ces temps de continuité pédagogique virtuelle… Un soulagement pour cette infirmière, qui ne se fait pas d’illusion. « On travaille à flux tendu, il y a beaucoup de couples de soignants comme nous. Cela aurait été catastrophique pour les hôpitaux si l’école n’avait pas été ouverte pour nos enfants. »
Combien de ces enfants, dont les parents passaient la journée à l’hôpital et qui sont restés en collectivité, ont été infectés ? Le ministère de l’Education nationale n’a pas ce chiffre. Mais les études les plus récentes démontrent que les enfants ne seraient finalement que peu vecteurs du virus.
Que va changer le déconfinement ?
Le retour à l’école, à partir de cette semaine, ne changera donc pas grand-chose pour ces enseignants et ces enfants qui ont poursuivi leur scolarisation dans les murs. A quelques détails près… Tout d’abord, les enseignants vont retrouver leurs élèves. « Pendant le confinement, on n’est pas dans la réflexion d’une activité qui va convenir à un groupe parce qu’on ne connaît pas ces élèves, mais dans l’enseignement pur de devoirs imaginés par des collègues. Pour moi, ce n’est pas de la garderie, c’est plus de l’encadrement. »
Les élèves, eux aussi, vont retrouver leur école, leur classe, leur enseignant et quelques camarades. Mais ce qui risque de compliquer et de modifier un peu leurs repères, ce sont les consignes sanitaires dévoilées par l’Education nationale : port du masque obligatoire pour les enseignants (bonne chance pour expliquer les consignes et faire de la discipline), distance d’un mètre à respecter partout jusque dans les toilettes, sports de contact proscrits, tout comme l’échange de jeux…
Certaines mesures ont, petit à petit, été mises en place : « On lave les mains des enfants avant et après la récréation, avant et après le déjeuner, précise Charles-Antoine. On explique aux maternelles qu’ils doivent utiliser un seul crayon toute la journée. Et on commence à installer le marquage au sol pour faire la queue devant les toilettes. Mais on a l’impression que le catalogue de 63 pages de mesures s’applique à des robots, or on a des enfants de 6 à 10 ans en élémentaire. Qui entendent quelque chose et font le contraire… » Et ces contraintes, renforcées, vont prendre beaucoup plus de temps si les classes passent de 5 à 15 élèves.
Même air dubitatif du côté de Carla. Si certaines habitudes avaient un peu évolué pendant le confinement, le quotidien n’était pas chamboulé. Par exemple, pour le repas, ses filles mangeaient leur pique-nique, froid ou réchauffé, sur une table seule et non côte à côte. « Mais les enfants continuaient à jouer normalement à la récré ! Mes filles sont dans un petit cocon, chouchoutées pour le moment. Elles vont se retrouver avec plein de contraintes. Je ne vois pas comment les enseignants peuvent tenir. Par exemple, ils sont censés laisser leur classe pour accompagner chaque élève aux toilettes se laver les mains ? Comment voulez-vous demander à des enfants de moins de 10 ans de ne pas être en contact ? »