Coronavirus en Bretagne : « Le marché a bien repris »... Le plus gros armement de pêcheurs a repris la mer
EPIDEMIE Le secteur de la pêche a tremblé en début de confinement quand les bateaux sont rentrés à quai. Le patron de la Scapêche Sylvain Pruvost nous l'explique
- Le secteur de la pêche a été sérieusement secoué par la mise en place des mesures de confinement.
- De nombreux bateaux sont rentrés à quai et les criées se sont vidées, faisant craindre une grave crise pour la filière française.
- Le patron de la Scapêche, le premier armement français, assure que le marché a repris. La plupart de ses bateaux sont en mer.
Du jamais vu. Au début du confinement, les criées françaises ont vu leurs halles se vider. Sans poisson, sans clients, la pêche française a d’abord cru qu’elle avait perdu la guerre engagée sans prévenir par un ennemi invisible appelé Covid-19. Plus violente qu’une tempête et plus soudaine qu’un Brexit, l’épidémie de coronavirus a failli mettre à genoux l’un des principaux secteurs d’activité de la façade Atlantique.
Un mois après cette attaque fulgurante, l’armement français a su se réorganiser et se remettre debout. Sylvain Pruvost, président de la Scapêche, propriété du groupe des Mousquetaires et basée à Lorient (Morbihan), a accepté de livrer sa vision pour 20 Minutes. « Le marché a bien repris », reconnaît le patron du premier armement français.
Le secteur de la pêche a vécu un séisme au début du confinement. Racontez-nous…
La semaine de la mise en place du confinement, tous les bateaux ou presque sont rentrés à quai. Les équipages ne savaient pas s’ils pourraient continuer à pêcher. C’était un gros coup d’air, du jamais vu. Le marché était quasiment éteint. Il y avait peu de marchandises dans les criées et presque pas d’acheteurs. On aurait pu penser que les cours allaient s’envoler parce qu’il n’y avait pas de produits mais les mareyeurs n’étaient pas là et les prix ont chuté. On a vu les plus grosses criées françaises avec quelques tonnes de poisson. On a été dans le flou total.
Un mois après cet épisode, comment se porte la Scapêche, votre armement ?
Dès la semaine suivante, nos bateaux sont repartis en mer. Comment faire autrement ? Si on voulait que le marché reprenne, que les clients reviennent, il fallait de la marchandise. Il fallait montrer un signe et repartir en mer. Les mareyeurs se posaient beaucoup de questions aussi. Chacun a dû s’organiser pour reprendre dans le respect des mesures sanitaires.
Comment mettre en place ces mesures sur des espaces contraints comme les bateaux ?
Nos navires embarquent du gel hydroalcoolique, des masques et des casques visières pour travailler. On fait en sorte que chacun ne se croise pas trop même si c’est un espace plus complexe qu’à terre. Surtout, on ne prend aucun risque d’embarquer quelqu’un qui serait susceptible d’être porteur. En cas de doute, on préfère laisser un bateau à quai et placer l’équipage en quatorzaine. Il faut absolument éviter d’avoir un malade à bord. Il faut que l’équipage soit serein, que l’armement soit serein.
Combien de vos bateaux sont à quai actuellement ?
Nous possédons 22 bateaux au total. Huit sont à l’arrêt en ce moment mais ce n’est pas uniquement lié à l’épidémie. Nous avons profité de la situation pour faire de la maintenance sur certains. Un autre est en panne et d’autres repartiront dès le début de la semaine prochaine. Nous faisons travailler 250 marins et moins de cinq sont toujours en quatorzaine. Et nous n’avons aucun malade déclaré.
Comment se porte le marché, un mois après l’effondrement lié au début du confinement ?
Le marché a bien repris, il n’y a pas eu d’effondrement. L’arrêt des importations a permis de reflécher vers la pêche française et la grande distribution a joué le jeu. Dans nos enseignes Intermarché et Netto, les points de vente ont répondu présent. Les efforts de communication pour inviter la population à manger des produits de la mer français ont très bien fonctionné. Il y a une prise de conscience des consommateurs. La semaine de Pâques a été bonne, comparable à une année normale, alors que les réunions de famille étaient annulées. Les cours sont corrects. Ils étaient même très élevés la semaine dernière du fait du manque de marchandises mais c’est revenu à la normale. Aujourd’hui, nous accusons une baisse du tonnage d’environ 25 %.
Sur quelles espèces accusez-vous cette baisse ?
Sur la sardine, c’est flagrant, le maquereau aussi. Nous sommes en retard sur le merlu aussi mais c’est moins flagrant.
Certains de vos navires de pêche hauturière (pêche au large) ont dû rentrer à Lorient à cause du confinement ?
Certains de nos bateaux restent dans des bases avancées au nord de l’Ecosse. En temps normal, nous relevons les équipages par tiers en avion, mais l’Irlande et l’Ecosse avaient fermé leurs aéroports. Nous avons donc dû faire rentrer les bateaux à Lorient, mais cela prend deux jours et demi. Mais nous avons eu le feu vert pour reprendre les transferts en avion. Le poisson revient lui par la route, comme toujours.