VIDEO. Coronavirus en Charente : Les « confinés volontaires » de l’Ehpad de Mansle retournent à la vie normale

ENSEMBLE, C'EST TOUT Le 24 mars, la moitié du personnel de l’établissement charentais choisissait de s’enfermer 24 heures sur 24 avec les 59 seniors résidents

Marion Pignot
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Plusieurs Ehpad de France sont touchés de plein fouet par l'épidémie de Covid-19.
Plusieurs Ehpad de France sont touchés de plein fouet par l'épidémie de Covid-19. — FRED SCHEIBER/SIPA
  • Dix-huit personnels volontaires d’un Ehpad de Mansle, en Charente, ont choisi fin mars de se confiner dans l’établissement pour « éviter tout contact avec l’extérieur » et protéger les 59 personnes âgées qui y résident.
  • La décision avait été prise pour une période initiale de quinze jours. Parmi les 18 salariés volontaires figuraient des aides-soignants, des agents d’entretien mais aussi des cuisiniers et des responsables administratifs.
  • Après trois semaines de « confinement total », l’Ehpad a repris son fonctionnement normal ce lundi alors qu’aucun cas de Covid-19 n’a été détecté parmi les 59 résidents.

« Nous ne sommes pas des sous-mariniers, il fallait que ça s’arrête. On est fatigués et on ne pouvait pas continuer comme ça des mois et des mois. » Après trois semaines de confinement total, l’Ehpad Bergeron-Grenier, situé à Mansle (Charente), a repris, ce lundi, son fonctionnement normal toujours en pleine épidémie de Covid-19​. « C’était une aventure professionnelle, certes, mais surtout humaine », résume ce mardi, le directeur Pascal Ramirez.

Le 24 mars dernier, aides-soignants, agents d’entretien, cuisiniers et responsables administratifs, soit la moitié du personnel de l’établissement, choisissaient de s’enfermer 24 heures sur 24 avec leurs seniors. « Une évidence », selon Patricia Vandebrouck, la secrétaire comptable, « afin d’éviter toute contamination extérieure et de préserver les 59 résidents encore épargnés par le virus. Parmi eux, des personnes de 70 à 90 ans en moyenne, mais nous avons aussi deux dames de 103 ans chacune ».

La chapelle était transformée en dortoir pour héberger les 18 volontaires, tout comme l’une des salles d’animation et une salle de réunion. « On s’y est installés par petits groupes de trois ou quatre. Pour l’instant tout se passe bien. Il faut dire que l’équipe est soudée, le groupe vit bien », glissait Patricia Vandebrouck, dès la première semaine de confinement.

« Il y a eu un engagement sincère, ce n’était pas que pour faire genre »

Trois semaines plus tard, c’est une équipe soudée que 20 Minutes retrouve. « J’avoue que quand je suis arrivée en décembre, mes premières impressions n’étaient pas bonnes, on était loin de l’Ehpad idéal, tranche Pascal Ramirez. Aujourd’hui, je suis fier de mon équipe, j’ai été plus qu’agréablement surpris. Il y a eu un engagement sincère, ce n’était pas que pour faire genre. »

Dès le début de l’épidémie de Covid-19, les cadres avaient émis l’idée d’un confinement total. Vite balayée par l’ampleur de la tâche. « Puis Romain, l’agent de maintenance, est venu me dire « soit on se confine, soit je me barre. Fais-le et tu seras surpris » », se rappelle le directeur. D’emblée, c’est la totalité du personnel qui se montre volontaire. Mais impératifs familiaux obligent, certains sont appelés à rester à la maison. D’autres aideront les confinés de l’extérieur en faisant des courses, déposées sur le pas de la porte. Quant aux livraisons de médicaments, de nourriture ou de matériel, elles seront assurées en respectant les strictes procédures sanitaires.

« Nos résidents ne se sont jamais aussi bien portés »

De leurs côtés, Santé publique France ou l’Agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine ont émis des doutes sur l’efficacité de cette décision radicale. « Il n’existe pas de confinement total, a expliqué, ce vendredi, le représentant de Santé publique France lors d’une visioconférence de presse. Se confiner avec les résidents n’est pas un rempart au Covid-19. » « Personne n’est entré dans notre maison », assure, ce mardi, Pascal Ramirez. Les trois visites médicales prévues durant ces trois semaines se sont déroulées dans les chambres donnant sur l’extérieur. « Des balcons ont été démontés et les médecins sont passés par les fenêtres », détaille le directeur.

Malgré le scepticisme de certains de ses pairs, les chiffres donnent pour le moment raison à Pascal Ramirez : aucun cas de Covid-19 n’a été recensé dans cet Ehpad, dont les 59 résidents n’ont pas été en contact avec leurs familles depuis mi-mars. « On sait que ça marche, poursuit le directeur affable, devenu la coqueluche des médias. Nos résidents ne se sont jamais aussi bien portés. Même les personnes souffrant de démence (Alzheimer, etc.) sont calmes, apaisées. Parce qu’il y a eu moins d’agitation, moins de perturbations dans leur quotidien. »

Une note d’espoir en cette période trouble

Les volontaires étaient cependant fatigués, et comme le personnel ne voulait pas « devenir plus dangereux que le remède proposé », l’aventure a dû s’arrêter. Non sans tristesse et un sentiment d’inachevé, voire d’échec. « On n’avait pas de relais 100 % sûr. L’ARS ne peut pas fabriquer des tests en un claquement de doigt. Fatigués, on pouvait faire des erreurs alors on a choisi de sortir de notre bulle », argumente Pascal Ramirez. Un bulle comme une note d’espoir en cette période trouble. Une bulle qui aura fait des « confinés volontaires » les coqueluches de 20 Minutes ou CNN, en quête de douceur et de chouettes actions. « On a réussi à mettre Mansle sur la carte de la Charente, puis sur celle de Poitou-Charentes, puis sur celle de la France et du monde. On choisissait même quels résidents parlaient aux médias durant notre nouvelle activité télé », sourit Pascal Ramirez.

Mais depuis lundi soir, fini les grandes tablées, les parties de cartes ou de Mölkky et les karaokés. Il faut désormais rentrer dans le rang. Ce mardi, une douzaine de personnels restés chez eux a pris le relais des collègues cernés. Les règles sanitaires deviennent celles préconisées par l’ARS, avec des pensionnaires en chambre, la mise en place d’un sas de décontamination à l’entrée de l’Ehpad et le port du masque obligatoire pour chaque salarié.

« On va maîtriser les flux, respecter les gestes barrières, comme demandé, car c’est désormais notre seule arme contre le virus », explique Pascal Ramirez qui redoute de devoir utiliser ce mur modulable construit pendant « l’aventure ». « Il doit nous permettre de sectoriser les places s’il s’avère que des pensionnaires peuvent être touchés par le Covid-19, précise le directeur, inquiet. Parce que désormais le seul danger, c’est nous. Nous, qui sortons et faisons nos courses alors que dans les magasins c’est encore n’importe quoi. »