Coronavirus en Ile-de-France : Un patient sans antécédents a-t-il été privé d’un lit en réanimation par manque de place ?
FAKE OFF Selon l’avocat Juan Branco, un hôpital d’Ile-de-France a décidé de « cesser de soigner » un patient de 75 ans pris en charge pour une suspicion de Covid-19, bien qu’il ne présente pas d’antécédents médicaux
- Un hôpital d’Ile-de-France a-t-il commencé à opérer un « tri » dramatique entre certains patients par manque de moyens, en pleine épidémie de coronavirus ?
- C’est ce qu’affirme l’avocat Juan Branco en partageant un document interne à l’AP-HP, qui évoque un patient de 75 ans sans antécédents médicaux et potentiellement atteint du coronavirus privé d’un lit en réanimation en l’absence de places.
- L’AP-HP confirme l’authenticité du document à 20 Minutes et reconnaît « des tensions sur les lits de réanimation », tout en rappelant les mesures prises pour pallier ces difficultés.
Face à l’afflux de patients atteints du coronavirus en Ile-de-France, le personnel hospitalier a-t-il déjà commencé à opérer des choix dramatiques entre les malades à soigner en priorité et ceux à « sacrifier » par manque de moyens pour traiter tout le monde ?
C’est ce qu’affirme l'avocat Juan Branco – récemment médiatisé dans l'affaire Griveaux – dans un tweet et un post Facebook publiés ce mercredi, accompagnés d’une photo censée montrer le dossier médical du patient en question.
« Contrairement à ce que le gouvernement a affirmé, des patients sans antécédents ont déjà cessé d’être soignés en Ile-de-France. Je pense que c’est le premier document de cette sorte qui est rendu public. Il m’a été transmis par un médecin de l’AP-HP [Assistance publique-Hôpitaux de Paris]. À noter qu’ils n’ont même pas pu tester le patient concerné. La décision, prise avant-hier, collégialement dans un hôpital parisien dont je tairai le nom, a été appliquée », affirme ainsi Juan Branco, en précisant avoir vérifié cette information.
Le document médical apporte quant à lui quelques précisions sur ce « patient de 75 ans, sans ATCD [antécédents] », souffrant d’une « détresse respiratoire aiguë sur pneumonie hypoxémiante » avec « suspicion de Covid + ». On peut surtout y lire la mention : « En raison du contexte actuel, absence de place de réanimation, et en raison de l’âge de 75 ans du patient, il est décidé de l’absence de recours à des manœuvres de réanimation ».
FAKE OFF
Contacté par 20 Minutes, Juan Branco nous confirme tenir ce document interne d’un médecin de l’AP-HP dont il s’est engagé à préserver l’identité. Nous avons pu consulter un extrait anonymisé de ce message.
L’avocat explique en outre avoir pu vérifier les informations contenues dans le document en s’assurant de l’identité dudit médecin et en confirmant ses propos avec « une autre source de l’hôpital ».
« Le document est un compte rendu rédigé par un médecin dans le logiciel de l’AP-HP »
Jointe par 20 Minutes, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris confirme l’authenticité de la photo partagée par Juan Branco : « Après vérification, le document diffusé est un compte rendu, élément du dossier médical, rédigé par un médecin dans le logiciel de l’AP-HP Orbis. Compte tenu de l’état général du patient, l’équipe médicale a décidé collégialement de ne pas le placer dans un service de réanimation ni dans l’établissement où il se trouve ni de le transférer dans un autre établissement. »
« L’état du patient a été réévalué un peu plus tard et la décision de ne pas l’hospitaliser dans un service de réanimation a été confirmée. Sans entrer dans le détail du dossier médical, le patient est placé depuis sous oxygénothérapie », précise l’AP-HP, en reconnaissant « des tensions sur les lits de réanimation ».
L’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris rappelle enfin que « des ouvertures de lits continuent de se faire pour accroître les capacités » et qu’elle fait toujours appel « à des soignants qualifiés pour renforcer ses équipes face à l’épidémie ».
Jusqu’à 2.000 lits de réanimation disponibles en Ile-de-France ?
Le 20 mars, Mediapart évoquait déjà le « tri » entre patients auquel se préparaient plus ou moins ouvertement certains hôpitaux de France. Jean-Michel Constantin, anesthésiste à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, détaillait notamment la préparation de l’AP-HP face à la vague annoncée : « Notre stratégie, c’est de protéger pour l’instant nos capacités de réanimation. On envoie les patients vers les cliniques privées, pour que leurs équipes s’entraînent. Sur les 1.000 lits de réanimation de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, 600 sont dédiés aux patients Covid. »
227 de ces lits étaient déjà occupés il y a dix jours, selon Libération, et, selon Jean-Michel Constantin, toujours cité par Mediapart, le total de lits disponibles en réanimation en Ile-de-France pourrait aller jusqu’à 2.000, à condition de mobiliser tous les établissements publics et privés.
Mais le seuil de saturation devrait être atteint dès ce week-end en Ile-de-France, 1.297 lits de réanimation étant occupés jeudi soir sur les 1.500 lits disponibles à ce stade dans la région.