Coronavirus : Avec le confinement, les délinquants sont (presque) au chômage technique

CRIMINALITE Si policiers et gendarmes constatent une baisse des infractions commises sur la voie publique, tous s'attendent à ce que les malfaiteurs finissent par trouver le moyen de poursuivre leurs activités

Thibaut Chevillard
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Des policiers, à Lille, contrôlent l'attestation de déplacement d'un homme
Des policiers, à Lille, contrôlent l'attestation de déplacement d'un homme — DENIS CHARLET / AFP
  • Depuis le début du confinement, les forces de l’ordre observent une baisse de la délinquance.
  • Mais certains redoutent que cette tendance ne soit que passagère et que les malfaiteurs se réorganisent afin de poursuivre leurs activités délictuelles.
  • Face au risque de cambriolages de commerces, pour l'essentiel fermés durant le confinement, policiers et gendarmes redoublent d’attention.

Sale temps pour les malfrats. Alors que la population est confinée, les forces de l’ordre constatent déjà les conséquences de cette mesure sur la délinquance. Vols avec violence, cambriolages, trafic de stupéfiants… Autant d’infractions dont le nombre semble avoir fortement diminué depuis huit jours. « En même temps, il y a beaucoup de contrôles. Et dès que quelqu’un met le nez dehors, il est suspect », relève un syndicaliste policier. S’ils voient cette baisse d’un bon œil, les enquêteurs, qui connaissent les capacités des malfaiteurs à s’adapter à toutes les situations, restent sur leurs gardes.

Dans les rues et sur le bord des routes, 100.000 policiers et gendarmes sont mobilisés pour faire respecter le confinement décidé par le gouvernement. Certains contrôles leur ont d’ailleurs permis de faire de belles affaires. Jeudi dernier, à Gagny (Seine-Saint-Denis), un homme qui avait déjà été verbalisé pour un défaut d’attestation de circulation, a tenté de se soustraire à un contrôle de la brigade anticriminalité (Bac). Dans son sac, les agents ont découvert 360 grammes d’herbe de cannabis, une vingtaine de grammes de résine, et environ 500 euros en liquide.

« Moins d’affaires en ce moment »

Mais le constat est là. « On traite effectivement un peu moins d’affaires en ce moment, confie un enquêteur parisien. On a eu quelques affaires de tentatives d’homicide, des différends entre personnes alcoolisées, notamment des SDF, qui s’agressent à coups de couteau. » Mais rien de comparable avec les dossiers, souvent délicats, que traite la police judiciaire de la Préfecture de police habituellement.

Si elle continue de traiter les affaires importantes ainsi que les plus urgentes, la PJ parisienne a remis à plus tard plusieurs opérations prévues de longue date. En attendant, ses effectifs vont donner un coup de main à leurs collègues de voie publique « afin de prévenir le risque d’augmentation des cambriolages généré par la fermeture de nombreux commerces et le départ vers la province d’un grand nombre de Franciliens », a indiqué son directeur, Christian Sainte, dans une note consultée par 20 Minutes.


En effet, dans la capitale désertée, quelques commerces fermés ont fait l’objet de tentatives de cambriolage. Un salon de coiffure, rue Notre-Dame de Lorette (9e), un restaurant boulevard du Montparnasse, un magasin de sport, rue d’Amsterdam (9e) et même un snack, rue des Jeûneurs (02e). Pour ces derniers faits, un suspect a été arrêté. Il était en possession de… 60 euros et de 14 tickets restaurants.

« On ne sait pas si ça va durer… »

« Il y a une baisse de la délinquance, c’est clair. Nous n’avons pas de chiffres pour l’instant mais nous le constatons notamment au regard du peu de nombre de gardes à vue effectuées. On ne sait pas si ça va durer, nous sommes assez prudents car la situation est assez inédite. Les délinquants vont sûrement se réorganiser et chercher des moyens afin de poursuivre leurs activités », tempère une source au sein de la direction centrale de la police judiciaire. Les enquêteurs s’inquiètent notamment d’une « explosion » des arnaques et escroqueries sur Internet en lien avec le coronavirus.



Sur la toile ont éclos de nombreux sites prétendant vendre des masques FFP2 ou du gel hydroalcoolique, expliquait récemment à 20 Minutes le commissaire divisionnaire François-Xavier Masson, chef de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC). Il faut dire que ces produits sont désormais presque introuvables. Les policiers ont même multiplié ces derniers jours les arrestations de commerçants qui vendaient discrètement des masques, ce qui est interdit par un décret du 3 mars dernier.

« Rassurer les opérateurs économiques »

La semaine dernière, dans l'Essonne, plusieurs individus cagoulés ont tenté, en plein jour, de subtiliser des palettes de nourriture dans un supermarché de Saulx-les-Chartreux. D’autres ont tenté, pas très loin d’Evry, de faire exploser un distributeur de billets avant d’être interpellés.

La gendarmerie, compétente sur le secteur, s’est réorganisée et a notamment mis en place une brigade de nuit chargée de faire respecter, entre 23h et 7h du matin, le confinement. Mais aussi de prévenir les vols dont pourraient être victimes les commerces d’alimentation, ainsi que les attaques de banques.

Un contrôle de gendarmerie à Saint-Lunaire (Ille-et-Vilaine)
Un contrôle de gendarmerie à Saint-Lunaire (Ille-et-Vilaine) - DAMIEN MEYER / AFP

Pour éviter que ce genre d’affaires ne se reproduisent, les militaires vont multiplier les patrouilles, de jour comme nuit. L’objectif, explique le lieutenant-colonel Nicolas Parra, commandant de la compagnie de gendarmerie de Palaiseau, est de « rassurer les opérateurs économiques » en dissuadant les malfaiteurs d’agir, notamment lorsque les commerces sont approvisionnés, et de permettre une « poursuite de l’activité économique » du pays.

Mais globalement, observe l’officier, depuis le début du confinement, « la délinquance est en chute libre ici, que cela soit les atteintes aux biens, les cambriolages ou les vols de voitures ».