VIDEO. Retrait de Benjamin Griveaux : Piotr Pavlenski peut-il perdre son statut de réfugié politique ?
ASILE L’artiste performeur Piotr Pavlenski, qui a reconnu avoir publié les vidéos intimes de Benjamin Griveaux, a obtenu le droit d’asile en mai 2017
- L’artiste performeur russe a obtenu l’asile politique en France en mai 2017.
- Depuis, il a été condamné une première fois en justice en 2017 à trois ans de prison, dont deux avec sursis, pour avoir incendié une agence de la Banque de France.
- Il est cette fois mis en cause dans deux autres affaires, une de violences avec arme, et la divulgation d’une vidéo intime de Benjamin Griveaux.
- Pour autant, il apparaît peu probable que Piotr Pavlenski perde son statut de réfugié, quelle que soit l’issue judiciaire de ces affaires selon le spécialiste du droit des étrangers Me Denis Seguin.
« Qu’on foute ce mec dehors, il est réfugié politique, il est venu demander l’asile mais il se comporte comme un salopard. Il n’a aucune notion de ce qu’est un comportement adapté dans une société éclairée. » Vendredi soir, sur le plateau de la chaîne parlementaire, le député LREM de l’Eure, Bruno Questel, peine à contenir sa colère après la diffusion par l’artiste russe Piotr Pavlenski d’une vidéo à caractère sexuel de Benjamin Griveaux. Le performeur entend ainsi dénoncer « l’hypocrisie qui est devenue la norme ». « C’est quelqu’un qui s’appuie en permanence sur les valeurs familiales, qui dit qu’il veut être le maire des familles et cite toujours en exemple sa femme et ses enfants. Mais il fait tout le contraire », précise-t-il à Libération.
L’homme, déjà recherché depuis le 2 janvier pour des violences avec arme lors de la soirée du Nouvel an, a été interpellé samedi à son domicile. Pour sa nouvelle « œuvre », Piotr Pavlenski – tout comme ceux qui ont publié ces images – encourt deux ans de prison et 60.000 euros d’amende. L’article 226-2-1 du Code pénal punit en effet « toute personne qui en l’absence d’accord de la personne pour la diffusion, porte à la connaissance du public ou d’un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel ». En 2017, le Russe avait déjà été condamné à trois ans de prison – dont deux avec sursis – pour avoir incendié une succursale de la banque de France, six mois à peine après l’obtention de son statut de réfugié politique.
« Il a pu démontrer qu’il était persécuté en raison de ses opinions politiques »
Piotr Pavlenski s’est fait connaître en Russie en 2012 après s’être cousu la bouche en soutien aux Pussy Riot. S’en est suivie une série de performances artistiques extrêmes visant à dénoncer le pouvoir en place. En 2013, il se cloue le scrotum sur les pavés de la place rouge de Moscou contre « la passivité et l’inertie de la société russe contemporaine ». L’année suivante, il se tranche le lobe d’oreille perché sur le mur d’enceinte d’un institut psychiatrique pour dénoncer l’instrumentalisation de ses troubles par le pouvoir. En 2015, il met le feu au siège historique du KGB.
Si ses performances lui ont valu de fréquents démêlés avec la justice en Russie, c’est une histoire de mœurs qui le pousse à quitter Moscou : en décembre 2016, sa femme et lui sont accusés d’agressions sexuelles. Tous deux crient au coup monté et se réfugient à Paris avec leurs deux filles. Ils obtiennent en mai 2017 le titre de réfugié politique. « Les critères pour l’obtention du statut de réfugié sont définis par la convention de Genève, explique Me Denis Seguin, avocat spécialisé en droit des étrangers*. S’il a obtenu ce statut, c’est qu’il a pu démontrer qu’il était persécuté en raison de ses opinions politiques et son opposition à Vladimir Poutine. »
Mais quels que soient ses démêlés avec la justice française, il apparaît peu probable que Piotr Pavlenski perde son statut de réfugié. « Une procédure exceptionnelle peut être engagée pour retirer à une personne son statut mais cela concerne des individus ayant commis des crimes ou délits particulièrement graves, portant par exemple atteinte à l’intégrité physique ou à la vie d’une personne. Il ne semble pas que ce soit le cas dans cette affaire », précise Me Denis Seguin. Sur son site Internet, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) liste notamment les crimes de guerre, les actes de terrorisme, les crimes graves de droit commun (meurtre, viol…) ou toute activité menaçant l’ordre public ou la sûreté de l’État, que ces crimes aient été commis en France ou non.
*Denis Seguin est l’auteur du Guide du contentieux des droits des étrangers, ed. Lexis Nexis