Agressions de pompiers : « L’uniforme ne nous protège plus, il n’est plus respecté »
SECOURS Les agressions contre les pompiers ont encore augmenté de 21 % entre 2017 et 2018, selon une étude de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales
- Les agressions contre les pompiers ne cessent d’augmenter. Il y en a eu 2.813 en 2017, 3.411 en 2018. En 10 ans, le nombre de déclaration d’agressions a bondi de 213 %.
- Plusieurs syndicats déplorent la difficulté pour les pompiers d’intervenir dans certains quartiers, et les agressions commises par les victimes ou leurs proches, souvent alcoolisées.
- Il faudrait, selon eux, davantage de policiers pour sécuriser leurs interventions et rappeler aux gens de ne pas les appeler « pour un oui ou pour un non ».
Les jours passent et se ressemblent. Dimanche, c’est le conducteur d’une voiture accidentée, dans l’Hérault, qui a frappé deux pompiers qui venaient pourtant le secourir. Ce lundi, c’est un homme de 26 ans qui a percuté intentionnellement, avec son véhicule, une ambulance puis qui a asséné des coups à l’un des pompiers qui tentaient de le maîtriser. Les soldats du feu sont de plus en plus nombreux à déclarer avoir été agressés au cours d’une intervention. Leur nombre a, cette année encore, fortement augmenté : + 21 % entre 2017 et 2018, selon les derniers chiffres publiés ce mercredi par l’ONDRP (Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales).
« Je ne suis pas étonné, souffle Yannick Ténési, secrétaire général du SNSPP-Pats (syndicat national des sapeurs-pompiers professionnels). Il n’y a pas une semaine sans que nos correspondants départementaux nous rapportent des agressions. » L’année dernière, 3.411 pompiers ont indiqué avoir agressés, soit 598 de plus qu’en 2017. Et leur nombre ne cesse d’augmenter depuis dix ans : + 213 % entre 2008 et 2018. Comment expliquer une telle hausse ? « Il y a d’abord une meilleure remontée des faits auprès des autorités, les Sdis [services départementaux d’incendie et de secours] ayant sensibilisé leurs personnels à la nécessité de les déclarer », explique Christophe Soullez, directeur de l’ONDRP.
« Des personnes dérangées psychologiquement, ou alcoolisées »
Les actes sont aussi en augmentation. Dans certains quartiers sensibles, les pompiers «sont caillassés comme les forces de police », remarque Xavier Boy, président de la FA/SPP-Pats (Fédération autonome des sapeurs-pompiers professionnels). « Ils sont vus comme des représentants de l’Etat, comme un symbole d’autorité », souligne Christophe Soullez. Selon Yannick Ténési, il s’agit même d’une « compétition » entre quartiers. « C’est à celui qui agressera le plus de flics ou de pompiers. L’uniforme ne nous protège plus, il n’est plus respecté. » Lorsqu’ils doivent s’y rendre, les pompiers redoutent de tomber dans un guet-apens. Alors, ils s’efforcent d’attendre les policiers pour intervenir. « Mais parfois, il faut agir rapidement… » Quitte à ne pas être protégés.
Les pompiers sont aussi de plus en plus souvent confrontés « à des personnes dérangées psychologiquement, ou alcoolisées », observe Xavier Boy. Souvent, des gens qu’ils venaient secourir. « Ils s’immiscent dans la sphère familiale et peuvent être pris à partie par l’un des protagonistes, complète Christophe Soullez. Ils sont souvent confrontés à des personnes en situation sociales, économiques complexes. »
Très sollicités eux aussi, les policiers ne peuvent pas toujours les accompagner. Même quand ils le devraient, pour s’occuper par exemple des personnes ivres « en les plaçant en cellule de dégrisement », insiste Xavier Boy. Et d’ajouter : « Aujourd’hui, on sollicite les pompiers même quand il n’y a pas de blessé, on intervient sur tout et n’importe quoi. Nous sommes le sopalin de la société. »
« L’uniforme ne nous protège plus »
Récemment, la commission des lois du Sénat a formulé 18 mesures pour « que cessent » ces violences « inacceptables » contre les pompiers. Dans certaines régions, ils sont équipés depuis peu de caméras pour prévenir les agressions. Mais pour Xavier Boy, il faudrait d’abord « donner les moyens aux forces de l’ordre afin qu’elles soient disponibles pour nous accompagner. » Un avis partagé par Yannick Ténési. Il faudrait aussi faire davantage de prévention « afin d’expliquer aux gens que les pompiers ne doivent pas être appelés pour un oui ou pour un non ». Et « que les juges prononcent des peines plus sévères ».