« Plutôt crever que d'aller voir ma famille »... Pourquoi certains préfèrent passer Noël seuls
NOEL POUR LES NULS (7/15) Si certains passent Noël seuls à pleurer, d'autres font partie du gang du « Noël en solitaire volontaire » et font péter le champ' à l'idée de passer le 25 décembre en tête à tête avec la télé
- La rédaction de « 20 Minutes » vous accompagne pendant les fêtes de fin d’année. Grandes questions, petites interrogations, vrais tracas ? On vous répond.
- Dans cet épisode, on se penche sur le « Noël en solitaire volontaire ». Des lecteurs de 20 Minutes ont répondu à notre appel à témoignages et expliquent pourquoi ils adorent passer le réveillon ou le 25 décembre loin des paillettes et de tonton René.
- Les témoignages de Patrick, Sabine ou Jean-Claude tranchent avec l'expérience d'Alain Mathiot, président de SOS Amitié, qui sait combien le temps des fêtes est difficile pour les personnes isolées « qui ne rentrent pas dans la case "famille". »
« Plutôt crever que de fêter une énième fois Noël avec ces gens qui font semblant de s’entendre et que, finalement, je n’aime pas vraiment. » D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, l’autrice de ces lignes n’avait jamais croisé un ami détestant autant les fêtes de fin d’année que Patrick*. Pour ce divorcé de 39 ans, Noël est tout simplement le rendez-vous « des grands sentiments dégoulinants », « une fête de merde pendant laquelle tu bouffes trop, tu bois trop et tu t’engueules ».
Alors pour s’éviter un 25 décembre version Festen, Patrick choisit depuis dix ans de ne pas donner signe de vie du 23 au 26 décembre. Et comme ce Parisien, 20 % de Français (25 % pour les urbains)* passeront, cette année, Noël seuls. Si « beaucoup n’ont pas souhaité vivre cette solitude en période de fêtes », selon Alain Mathiot, président de SOS Amitié depuis 2017, certains ont choisi sciemment d’ignorer Noël. « Reste que SOS Amitié reçoit souvent des coups de fil de gens qui disent avoir choisi leur solitude, qui disent qu’il vaut mieux être seuls que mal accompagné, et qui nous appellent quand même… », sourit Alain Mathiot.
Ne pas revoir « ceux qu’on a évités tout le reste de l’année »
Pierre n’est apparemment pas de ceux-là. Et le spectre d’un Noël passé seule affalée sur le canapé devant la télé ne fait naître chez Sabine aucun embryon de dépression. « J’aime passer Noël seule pour ne plus avoir à dire les bénédicités dans l’espoir que mon beau-frère ne me choisisse pas comme tête de turc toute la soirée », balance cette internaute qui a répondu à notre appel à témoignages. Alors que fera Sabine le 25 décembre ? Elle lira quelques magazines en pyjama, plutôt ravie de pouvoir éviter de voir sa nièce « boire en une soirée plus que la consommation d’alcool de la Pologne sur quatre mois ».
Comme Sabine ou Patrick, nombreux sont ainsi nos internautes qui préfèrent être seuls à Noël plutôt que de « s’imposer le stress » du repas de famille ou de revoir « ceux qu’on a évité tout le reste de l’année ». Parmi eux, Jean-Claude qui raconte avoir « déjà séché le dîner de Noël de belle-maman » et avoir alors ressenti « un énorme moment de sérénité ».
« Vingt heures, une tenue décontractée et un petit apéro en bouquinant ou en bricolant. Ensuite, un bon plateau télé avec une demi-bouteille de vin devant un vieux film, en variant les positions sur le canapé. » Tel sera le Noël de Pierre, qui est « de ceux pour qui vivre seul est un luxe » et qui passe le réveillon en solitaire depuis vingt ans, par choix. Les « repas de famille trop longs, ceux qui veulent chanter, ceux qui ne veulent pas, ceux qui picolent et qui finissent par vouloir chanter », très peu pour celui qui chaque année décline « poliment et sans aucune culpabilité » l’invitation de ses enfants.
Noël au Japon, « dans un bar entourée d’inconnus »
Vous êtes du genre à sortir le sapin à la mi-juin et voyez en ces « anti-noël » des inconscients qu’il faut absolument enrôler à grands coups de Love Actually ? Abstenez-nous, malheureux, car ces « anti » ont le Noël en solo joyeux. Afin d’éviter « l’effervescence toxique des fêtes de fin d’année », certains ont même choisi de partir loin, « sans rien dire à personne ». « Noël, c’est les cris d’enfants et les débats politiques. Pour la joie et l’allégresse, on repassera », témoigne Tony qui va visiter Rome cette année. En rupture sentimentale, Jennifer « n’avait aucune envie de passer les fêtes en famille » et a choisi de voyager seule pour la première fois de sa vie. Cette « Christmas addict » repentie va même oser décoller pour la Hongrie pendant la période des fêtes qu’elle a « toujours adorée ».
Au programme de Cassandre qui fête Noël seule depuis trois ans déjà ? Des films à la télé, une balade ou un voyage, comme l’an dernier au Japon, « avec des nouilles et du whisky dans un bar entourée d’inconnus » avec qui elle a « bien rigolé ». Et si elle en « avait les moyens », Ginette ferait comme Cassandre, elle partirait « seule au bout du monde » pour couper avec ce « trop de tout » qui lui file la « nausée ».
« Tant pis si je passe pour le tonton obscur, le cousin dépressif »
Effectivement, n’oublions pas nos lecteurs qui, comme Ginette, voudraient tirer un trait sur le « bonheur calibré et homologué » de Noël. « Confronté au bonheur des autres, il n’est pas rare de choisir d’éviter Noël quand nous ne rentrons pas, par exemple, dans la case "famille", analyse Alain Mathiot. Si nos lignes sont aujourd’hui saturées toute l’année, je dois avouer qu’en soixante ans d’existence, nous avions noté par le passé une hausse des appels au mois d’août et durant Noël, pendant ces grandes périodes qui imposent de tisser du lien social. Les célibataires, les parents brouillés avec leurs enfants sont ceux qui choisiront souvent de ne pas fêter Noël mais c’est aussi ceux qui sont pris de regrets et appellent SOS Amitié. »
Pas de regrets, ni culpabilité chez Clémence. Elle aura peut-être mis du temps mais aujourd’hui notre lectrice « assume » vouloir s’épargner le marathon de Noël. « Enchaîner soirée, repas, et réveil à 7 heures du matin pour les enfants, un autre repas et un départ dans la foulée pour rentrer travailler le 26, ce n’était plus un plaisir. J’économise du temps, de l’argent, de l’énergie et évite une soirée souvent décevante », annonce celle qui fêtera Noël « devant l’intégrale de Sissi, cachée sous un plaid ».
« Il aura fallu quelques disputes, mais aujourd’hui ma mère a compris »
« Durant quelques années, ma mère a pleuré, a tenté de me faire changer d’avis. Elle a presque réussi, explique Patrick. Et puis, je me suis dit qu’il fallait que je trouve le courage d’être moi-même. Tant pis si je passe pour le tonton obscur, le cousin dépressif. » Après quelques échecs, le presque quadra a enfin réussi à faire comprendre à sa mère que Noël ne le rendait pas heureux. « Il aura fallu quelques disputes, de grandes discussions mais aujourd’hui elle sait que, où que je sois, je suis plus heureux sans la famille. »
Claire a, elle, réussi à faire de Noël « un jour comme un autre » qu’elle tente de passer « en se faisant plaisir, égoïstement, sans aucune culpabilité ». Depuis qu’elle passe Noël seule, cette lectrice de 20 Minutes semble contente de ne plus « devoir trouver le cadeau qui va plaire, devoir être en famille, devoir faire la fête ». Quant à Gabrielle, qui dans une longue réponse nous a joliment partagé les merveilleux souvenirs de ses Noël d’antan, elle espère juste une chose : que sa « lumineuse paix de Noël ne soit pas gâchée par de bruyants voisins qui croient de leur devoir » de ne pas la « laisser seule ce jour-là ».
Il doit certainement y avoir un mot pour désigner la phobie de Noël, et si ce mot existait, Anne l’aurait utilisé. Celle qui « n’aime pas Noël » n’a cependant pas réussi à s’éviter cette année « l’épreuve du repas ennuyeux et l’orgie de cadeaux insipides » et ce, « pour ne pas se fâcher avec sa famille ». On souhaite donc bonne chance à Anne, en espérant qu'elle trouvera le courage de faire comme Pierre l’an prochain. Un Pierre, 80 ans, qui a demandé à sa famille de « faire sans lui » cette année et à qui reviendra le mot de la fin : « Tranquille. Je me coucherai de bonne heure. Je n’aurai pas la gueule de bois. Je ferai ce que je veux. La paix. »
* Pour ne pas se fâcher avec sa famille, l'ami a préféré le nom d'emprunt.
* Chiffres d'un sondage OpinionWay, communiqués par l'association SOS Amitié.
* Sondage Odoxa/Le Parisien - décembre 2016