Comment le gouvernement entend lutter contre « l’islamisme et le communautarisme »

COMMUNAUTARISME Une circulaire a été envoyée au préfet jeudi pour lutter contre « l'islamisme » et le « repli communautaire »

Caroline Politi
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Christophe Castaner était aux Mureaux ce vendredi
Christophe Castaner était aux Mureaux ce vendredi — HARSIN ISABELLE/SIPA

Le Trappistan. Plus personne ne se souvient précisément quand Trappes, commune des Yvelines à une trentaine de kilomètres de Paris, a écopé de ce surnom. Ni même qui l’a trouvé. Tout le monde, en revanche, sait à quoi il fait référence. Trappes, ville la plus touchée* par les départs pour la Syrie. Plusieurs djihadistes y ont vécu. A l’instar de Bilal Taghi, condamné la semaine dernière à 27 ans de prison pour une tentative d’assassinat terroriste au sein de la prison d’Osny. Ou Moussa Coulibaly qui sera jugé en décembre pour avoir attaqué au couteau des militaires à Nice. Trappes, également où le repli communautaire préoccupe les autorités depuis près d’une dizaine d’années.

C’est pour lutter contre ces dérives que Christophe Castaner a dévoilé jeudi, devant 125 préfets, les grandes lignes d’une circulaire visant à « identifier et lutter contre les atteintes à la République » que constituent « l’islamisme et le communautarisme ». Un changement de paradigme, insiste le locataire de la place Beauvau, puisqu’il ne s’agit plus seulement d’empêcher le passage à l’acte violent mais de lutter contre son « terreau ». « L’heure n’est plus aux pudeurs ni aux faux-semblants. Disons le franchement : la radicalisation et le terrorisme sont les symptômes les plus graves d’un mal plus profond qui touche trop de nos quartiers », a insisté le ministre de l’Intérieur.

« Quinze quartiers tests »

Pour lancer ce programme qu’il juge « prioritaire », Christophe Castaner et Laurent Nunez, son secrétaire d'Etat, se rendront ce vendredi matin aux Mureaux. Cette commune des Yvelines compte parmi la quinzaine de villes ayant servi d’incubateur à ce projet. Depuis février 2018, des quartiers « particulièrement impactés par le repli communautaire et la montée de l’islamisme », devenus en quelques années des « bases de départs de combattants pour la Syrie » ont fait l’objet d’une attention toute particulière, détaille le préfet Frédéric Rose, le secrétaire général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation. « L’objectif aujourd’hui est de généraliser ce travail car le repli communautaire ne concerne pas que les quartiers dits sensibles. »

Dans ces lieux, 133 débits de boissons liés à la mouvance islamistes – certains y excluaient, par exemple, les femmes – ont ainsi été fermés. Tout comme treize lieux de culte, neuf centres culturels et associatifs ou quatre écoles hors-contrat. « On a beaucoup de capteurs sur le terrain qui vont nous permettre de cibler certains endroits à contrôler mais notre angle est juridique, on intervient que sur des infractions », précise Frédéric Rose. En clair : puisqu’il n’existe aucun délit d’« islamisme » ou de « repli communautaire », une fois les lieux identifiés comme pouvant abriter des dérives, les préfets peuvent utiliser tout l’arsenal juridique à leur disposition – législation du travail, loi sur les discriminations ou réglementation sur les débits de boissons – pour faire fermer les lieux. « Il n’y a pas de stigmatisation. On utilise les moyens de la démocratie. », insiste le préfet.

Retisser le lien social

Mais la réponse gouvernementale se veut transverse. En parallèle des actions de contrôles, les autorités mettent en avant la nécessité de réinvestir ces quartiers et de renforcer le lien social. Que ce soit par le biais de l’éducation grâce notamment au dédoublement des classes, de la politique de la ville pour favoriser la mixité sociale ou du développement de nouveaux espaces de socialisation. « Il faut repenser l’offre culturelle, sportive et associative dans ces quartiers, insiste Frédéric Rose. Dans certains quartiers, les associations républicaines ont déserté. »

Dans le viseur, par exemple, les associations, qui sous couvert d’aide aux devoirs et de soutien scolaire, sont devenues de véritables écoles échappant à toute surveillance. Ou ces salles de sport communautaire. Près de 130 contrôles ont été effectués – principalement dans des salles de boxe ou de musculation – de 35 départements. Quatre ont été fermées, cinq font l’objet d’une incapacité d’exercice et quatre autres d’une mise en demeure. Sur ces territoires, il faut « destabiliser la mouvance islamiste et reconstruire le lien social », insiste le préfet. L'un ne va pas sans l'autre. 

* En ratio d'habitants