Grenelle des violences conjugales : Comment mieux protéger les enfants témoins des coups portées à leur mère?
FAMILLE Les groupes de travail rendent leurs recommandations ce lundi, dont certaines inspireront de nouvelles mesures gouvernementales
- Dans 80 % des cas de violences conjugales, les enfants en sont témoins, soit visuellement, soit parce qu’ils les entendent.
- L’exposition à de tels drames va engendrer des conséquences sur leur santé physique et mentale.
- Lors de la conclusion du Grenelle des violences conjugales ce lundi, le groupe de travail sur les violences intrafamiliales fera la restitution de ses propositions, notamment pour mieux protéger ces enfants.
Ils sont les victimes collatérales des violences faites aux femmes. Dans 80 % des cas de violences conjugales, les enfants en sont témoins, soit visuellement, soit parce qu’ils les entendent.
Un fléau qui sera abordé lors de la conclusion du Grenelle des violences conjugales ce lundi. Le groupe de travail sur les violences intrafamiliales fera la restitution de ses propositions, notamment pour mieux protéger les enfants exposés aux coups au sein du couple parental. De nouvelles mesures seront ensuite annoncées par le gouvernement.
« Ils vont subir un stress chronique »
Car même si les enfants ne subissent pas les coups de leur père, « le fait d’en être les spectateurs impuissants fait qu’ils sont aussi des victimes », explique Gilles Lazimi, médecin généraliste, professeur associé en médecine générale à Sorbonne-Université et militant associatif membre de SOS Femmes 93 et du Collectif féministe contre le viol. « Un père violent avec sa conjointe ne sera jamais un bon père », résume de son côté Homayra Sellier, présidente-fondatrice d’Innocence en danger. « Or, aujourd’hui, un enfant témoin des violences intrafamiliales n’est pas reconnu comme une victime », souligne Marc Vannesson, délégué général de Vers Le Haut, think tank dédié à l’éducation et auteur d'une tribune sur les enfants témoins des violences conjugales.
Pourtant, l’exposition à de tels drames va engendrer des conséquences sur leur santé physique et mentale : « Ils vont subir un stress chronique qui peut altérer leurs connexions neuronales et altérer leur développement psychique. Cela peut nuire à leur bien-être physique, car ils vont être plus sujets à des cauchemars et à des explosions de colère. Ils peuvent aussi présenter des difficultés à se concentrer, être hyperactifs… », énumère le médecin. « L’enfant partage la peur de la mère violentée, cette terreur qui monte quand le père rentre du boulot… Ce climat permanent de danger conduit à un état de stress qui nuit gravement à son développement, alors que sa famille devrait être son refuge », renchérit Marc Vannesson.
« Dans les cas les pires, il aura tendance à reproduire cette violence »
Des effets qui peuvent avoir des répercussions sur les résultats scolaires de ces enfants et leurs capacités à nouer des liens, « car ils auront tendance à s’isoler et à ne pas faire confiance », indique Marc Vannesson. Ils vont souvent être aussi tiraillés entre leurs deux parents, ce qui va engendrer chez eux un conflit de loyauté douloureux. « Et l’impact est d’autant plus sévère lorsque les enfants sont petits et qu’ils ne bénéficient pas d’une thérapie ensuite », observe Gilles Lazimi.
Les séquelles de ce qu’ils ont vu et entendu sont aussi souvent perceptibles dans le temps. « Le fait de voir régulièrement son père battre sa mère va banaliser la violence et nuire à la capacité d’empathie du futur adulte, qui sera moins sensible à sa propre douleur et à celle de l’autre. Et qui, dans les cas les pires, aura tendance à reproduire cette violence sur sa propre conjointe ou ses enfants », constate Homayra Sellier.
Quelles seront les mesures issues du Grenelle ?
Ces traumatismes peuvent aussi être renforcés par le fait que dans de nombreux cas, même lorsque le père ne vit plus avec son ex-conjointe, il va continuer à disposer d’un droit de visite et d’hébergement. « Or, ce dernier peut instrumentaliser son enfant, faire pression sur lui pour qu’il rejette sa mère ou interdire qu’il suive une psychothérapie », constate Gilles Lazimi. « Il ne va pas comprendre pourquoi on le confie au bourreau de sa mère et peut manifester une forme d’angoisse », ajoute Homayra Sellier.
Face à ce constat, le groupe de travail sur les violences intrafamiliales du Grenelle des violences conjugales va demander à ce que soit aligné le statut de l’enfant témoin sur le statut de l’enfant victime de violence. Il recommande aussi que les juges aux affaires familiales puissent se prononcer en faveur d’une suspension de l’exercice de l’autorité parentale pour le parent violent. Enfin, il demande que les mineurs exposés aux violences intrafamiliales soient orientés « vers un parcours de soins gradué ». Les mesures du gouvernement seront d’autant plus attendues sur le sujet que le plan pour « en finir avec les violences faites aux enfants », présenté cette semaine par le gouvernement, ne contenait aucune mesure sur le sujet.