Lille : « J’ai décidé de porter plainte », annonce le président de l’université après l’envahissement d’un amphi par des étudiants
INTERVIEW Après l'envahissement d'un amphi à la fac de Lille mardi et les dégradations qui ont suivi, Jean-Christophe Camart, président de l'université, annonce qu'il a porté plainte contre X
- L’envahissement d’un amphi par des manifestants contre la précarité étudiante a provoqué des dégradations.
- Cette action, qui a conduit à l’annulation d’une conférence de François Hollande, n’a pas été du goût des responsables de l’université de Lille.
- Son président Jean-Christophe Camart annonce dans un entretien à 20 Minutes le dépôt d’une plainte contre X et revient sur les événements.
Les images sont passées partout. Mardi, l'envahissement d'un amphi par des étudiants lillois venus manifester contre la précarité ont marqué les esprits. Cette action, qui a conduit à l’annulation de la conférence de François Hollande, a été mal vécue par Jean-Christophe Camart.
Le président de l'Université de Lille a donc décidé mercredi de porter plainte contre X suite aux dégradations constatées dans l’amphi. Dans un entretien accordé à 20 Minutes, il revient sur les événements et dit comprendre le fond des revendications contre la précarité mais pas la forme prise mardi à la fac.
Quel est votre sentiment après les événements qui se sont produits mardi à l’université de Lille ?
Je suis consterné et effondré par ce que j’ai vu. Je comprends le débat d’idées mais je pense aussi que l’université est un lieu de respect des opinions. En aucun cas, la violence est entendable. Je la déplore et je la condamne fermement. C’est vrai qu’il y a des étudiants qui sont en très grande difficulté mais la solution n’est pas la violence.
L’université de Lille a-t-elle porté plainte contre les manifestants ?
Oui. Il y a eu des dégradations constatées. On a eu aussi des agents qui ont été bousculés et ont subi un traumatisme au moins psychologique. On a vu tous ces bouquins de François Hollande déchirés. Donc il y a un préjudice. Evidemment, je porte plainte contre X pour dégradations et atteintes aux biens et aux personnes. Une enquête va avoir lieu.
Allez-vous venir en aide aux libraires qui ont vu 450 de leurs exemplaires déchirés par les manifestants ?
J’ai essayé de joindre la responsable de la librairie Meura mercredi. J’ai dit que j’étais entièrement à sa disposition pour l’accompagner dans sa détresse mais aussi pour voir comment l’université de Lille pourrait l’aider financièrement pour prendre en charge ce manque à gagner (le préjudice financier est estimé à plus de 6.000 euros). Je mettrai tout en œuvre pour dédommager cette dame qui n’y est vraiment pour rien.
Comment expliquez-vous le fait que les étudiants aient pu forcer les portes de cet amphithéâtre ?
L’université n’est ni un sanctuaire ni une prison. Il y a un certain nombre d’accès parallèles à l’entrée principale. On avait posté un certain nombre d’agents de sécurité. Les forces de l’ordre étaient suffisamment nombreuses à l’extérieur mais à l’impossible nul n’est tenu. Je n’ai pas de données factuelles plus précises aujourd’hui mais l’enquête de police donnera des précisions.
Est-ce la première fois que vous vivez ce genre de scènes à l’université de Lille ?
Non. Au début de mon mandat, lors de la mise en place de Parcoursup on avait eu quelques échauffourées dans ce bâtiment. C’est arrivé un peu de la même manière avec un filtrage à l’entrée comme mardi. Mais un groupe d’étudiant qui arrive peut devenir incontrôlable. Ce n’était pas la première fois et ce ne sera sans doute pas la dernière. On ne pourra jamais empêcher des corps d’étudiants d’entrer dans un bâtiment.
Si vous condamnez la forme, comprenez vous le fond des revendications portées contre la précarité ?
Bien sûr. Je n’entends pas ça depuis aujourd’hui, je l’entends depuis très longtemps. D’ailleurs, l’université de Lille a déjà mis un grand nombre d’actions en mouvement pour accompagner cette grande précarité. C’est insuffisant à l’échelle du nombre d’étudiant qu’on accueille. Il y a 72.000 étudiants à l’université de Lille. C’est colossal. Mais les problèmes ne touchent pas que l’université. Ça concerne aussi le logement, les transports, la restauration…
Avec cette action forte, l’université de Lille peut-elle devenir un symbole de la lutte contre la précarité étudiante ?
Disons qu’elle la met peut-être un peu plus en relief. Il faut d’ailleurs savoir que l’université de Lille est celle qui a le taux de boursiers le plus important en France. On a donc un rôle extrêmement social. Il y a une fierté d’accompagner ces gamins. On peut toujours reprocher à l’université de ne pas faire assez mais c’est aussi aux collectivités et à l’Etat de prendre leur part. Par exemple, ce n’est pas nous qui décidons du prix des transports en commun. Le logement n’est pas non plus de la compétence de l’université.
Sur quels leviers pouvez-vous agir alors contre la précarité ?
On met en place des systèmes de ressourcerie, des crèches, de l’aide sociale, les restos du cœur… On ouvre l’université à toutes ces organisations qui viennent en aide aux précaires. J’ai fait le choix d’avoir une vice-présidence dédiée à ce sujet de la vie étudiante. On est très attentif à ça.
Sentez-vous monter la colère dans le monde étudiant ?
On sent qu’il y a un germe, une vraie question sur la précarité qui est en train d’être médiatisée. Ça prendra peut-être une expression différente dans les prochains jours. Il y aura peut-être des sites bloqués ou occupés. On verra bien. C’est très difficile à dire. Même si le 5 décembre sera peut-être un grand rendez-vous social auquel les étudiants vont s’associer. Après, il faut aussi relativiser tout ça. Mardi, il y avait une cinquantaine de manifestants contre 1.300 étudiants qui étaient venus écouter un ancien chef de l’Etat dans un climat serein. Mais Il y a des groupuscules dont les méthodes ne sont pas entendables.
Avez-vous contacté François Hollande depuis l’annulation de la conférence ?
Je l’ai raccompagné à sa voiture au moment des débordements. Ce n’est jamais agréable. Il comprend le mouvement mais regrette la violence. Le débat pouvait avoir lieu. On avait convenu qu’une délégation de manifestants vienne à sa rencontre au début de sa conférence. On avait essayé de mettre ça dan un cadre mais ça n’a pas été possible. Il m’a rappelé tout son soutien et réaffirmé le souhait de revenir faire cette conférence à Lille.
Vous pensez vraiment qu’il reviendra ?
Oui. Je pense. En tout cas, il avait l’air très convaincant dans sa réponse
Si vous condamnez la forme, comprenez vous le fond des revendications portées contre la précarité ?
Bien sûr. Je n’entends pas ça depuis aujourd’hui, je l’entends depuis très longtemps. D’ailleurs, l’université de Lille a déjà mis un grand nombre d’actions en mouvement pour accompagner cette grande précarité. C’est insuffisant à l’échelle du nombre d’étudiant qu’on accueille. Il y a 72.000 étudiants à l’université de Lille. C’est colossal. Mais les problèmes ne touchent pas que l’université. Ça concerne aussi le logement, les transports, la restauration…
Avec cette action forte, l’université de Lille peut-elle devenir un symbole de la lutte contre la précarité étudiante ?
Disons qu’elle la met peut-être un peu plus en relief. Il faut d’ailleurs savoir que l’université de Lille est celle qui a le taux de boursiers le plus important en France. On a donc un rôle extrêmement social. Il y a une fierté d’accompagner ces gamins. On peut toujours reprocher à l’université de ne pas faire assez mais c’est aussi aux collectivités et à l’Etat de prendre leur part. Par exemple, ce n’est pas nous qui décidons du prix des transports en commun. Le logement n’est pas non plus de la compétence de l’université.
Sur quels leviers pouvez-vous agir alors contre la précarité ?
On met en place des systèmes de ressourcerie, des crèches, de l’aide sociale, les restos du cœur… On ouvre l’université à toutes ces organisations qui viennent en aide aux précaires. J’ai fait le choix d’avoir une vice-présidence dédiée à ce sujet de la vie étudiante. On est très attentif à ça.