Les femmes galèrent à concilier vie pro et vie perso et cerise sur le gâteau, leur entourage leur reproche

SOCIAL Selon une étude de la Dares, la probabilité de subir des reproches de l’entourage est environ 20 % plus élevée pour les femmes que pour les hommes travaillant à temps plein

Delphine Bancaud
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Illustration d'une femme au travail avec son nourrisson.
Illustration d'une femme au travail avec son nourrisson. — SUPERSTOCK/SUPERSTOCK/SIPA
  • Une étude de la Dares, parue ce mercredi, souligne la difficile articulation du temps de travail et de la vie professionnelle.
  • Si les hommes subissent cette contrainte, les femmes sont plus exposées aux reproches de leurs proches sur leur manque de disponibilité.
  • C’est encore plus vrai pour les ouvrières et employées, qui ont moins les moyens que les cadres de compenser en faisant garder leurs enfants ou en finançant des heures de ménage.

Elles doivent assumer une double journée, au travail puis à la maison, mais aussi le poids de la culpabilité que l’on fait peser sur leurs épaules. Une étude de la Dares, rendue publique ce mercredi, souligne les difficultés de conciliation de la vie de famille et de la vie professionnelle des femmes. A conditions de travail et caractéristiques personnelles équivalentes, la probabilité de subir des reproches de l’entourage est environ 20 % plus élevée pour les femmes que pour les hommes.

Un phénomène plus fort en France que dans les pays voisins, selon Thomas Couterot, responsable du département conditions de travail et santé à la Dares : « Plusieurs études européennes montrent que la France se situe en bas du classement concernant la conciliation de la vie personnelle et professionnelle. Cela s’explique en partie par la tradition des horaires à rallonge en France, notamment chez les cadres. Car dans les pays scandinaves, le taux d’emploi des femmes est supérieur à celui de la France, mais la durée du travail est plus courte ».

Les horaires atypiques, un sujet de discorde

Selon la Dares, les femmes subissent encore davantage de réprimandes quand elles ont des enfants de moins de 18 ans. « Et le temps qu’elles consacrent au   travail domestique ne les protège pas des reproches », constate Maryline Beque, chargée d’études à la Dares. Un comble, car elles consacrent plus de temps au travail domestique que les hommes : 36 % d’entre elles y dédient de 7 à 12 heures par semaine, contre 22 % pour les hommes, et 19 % y consacrent plus de 12 heures par semaine, contre 6 % des hommes.

Les réprimandes des proches sont plus fréquentes pour celles qui travaillent de nuit, le week-end, en horaires décalés ou qui ont des horaires de travail variables d’un jour à l’autre, ou qui travaillent au-delà du temps initialement prévu. Car ces horaires ajoutent des contraintes dans l’organisation de la vie familiale. Autre double peine : « Les remontrances de la famille sont aussi plus fréquentes au-delà d’une heure de temps de trajet », observe Maryline Bèque. Et l’organisation du travail dans l’entreprise peut encore aggraver les reproches des proches : « 21 % des femmes qui déclarent devoir souvent se dépêcher dans leur travail font état de difficultés avec leurs proches. La charge mentale au travail et le débordement accroissent davantage le risque de reproches », souligne aussi Maryline Bèque.

Un impact sur le bien-être psychologique des femmes

Mais toutes les femmes ne sont pas logées à la même enseigne. Celles qui subissent le plus les réprimandes de leur conjoint et de leurs enfants sont les ouvrières et les employées de commerce. « Et ce, parce que les représentations sexuées sont plus marquées dans les classes populaires : les femmes ont la charge du travail domestique et leur implication au travail est moins acceptée par leur entourage », explique Maryline Bèque. Les femmes cadres sont davantage protégées : « Même si elles ont souvent des horaires à rallonge, elles ont les moyens de compenser cette contrainte en embauchant des baby-sitters, du personnel de ménage, l’utilisation du pressing… », poursuit-elle.

Et force est de constater que les femmes sont plus affectées par les récriminations sur leur manque de disponibilité que les hommes. Car 26 % d’entre elle présentent un syndrome dépressif, contre 11 % des hommes. « Les femmes sont plus sensibles aux reproches que les hommes. Cela s’explique par la persistance de rôle sociaux sexués. La société attend davantage des femmes qu’elles réussissent leur vie familiale, qu’elles s’occupent de leur maison, alors qu’elle accorde une plus grande légitimité aux hommes à s’investir principalement dans la sphère professionnelle », analyse Corinne Prost, directrice adjointe de la Dares.

Il n’y a pas de fatalité

Mais il existe des solutions pour permettre aux femmes de mieux concilier leur vie professionnelle et professionnelle, souligne Thomas Couterot : « L’organisation du travail peut aider à changer les choses. Le fait d’être aidé par ses collègues, de bénéficier du soutien de son manager, d’être suffisamment nombreux dans le service pour effectuer correctement son travail, peut permettre un meilleur équilibre de vie. Tout comme le fait de bénéficier d’une certaine autonomie dans son travail, qui permet de s’absenter quelques heures ou de modifier ses horaires en s’arrangeant avec ses collègues ».

Pour encourager les entreprises à développer des bonnes pratiques de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, la Charte de la parentalité en entreprise a été lancée en 2008. A ce jour, elle a été signée par 30.000 entreprises et associations. Un bon début.